Invités à s’exprimer dimanche 27 novembre sur une possible sortie accélérée du nucléaire, les Suisses ont rejeté par 54,23% des voix contre 45,77% la proposition du partie écologiste. Dans le cadre d’un référendum d’initiative populaire, les Verts proposaient un abandon définitif de l’atome d’ici 2029.
Un calendrier de fermeture irréaliste
Si la principale source d’énergie en Suisse est toujours l’hydroélectricité avec plus de 59% de l’électricité consommée l’année dernière, l’énergie nucléaire continue de jouer un rôle de premier ordre dans l’approvisionnement électrique helvétique. La Suisse produit environ 33% de son électricité à partir du nucléaire et un peu plus de 4% à partir de sources renouvelables, à égalité entre le solaire et l’éolien.
Le texte soumis à consultation ce dimanche prévoyait un calendrier de sortie du nucléaire accéléré limitant la durée de vie des réacteurs à 45 ans et organisant la fermeture de trois des cinq réacteurs du pays dès l’an prochain. Selon ce scénario, les réacteurs Beznau I, Beznau II et Mühleberg auraient dû être arrêtés dès 2017 tandis que les centrales de Gösgen et Leibstadt aurait dû être débranchées respectivement en 2024 et en 2029. Le texte interdisait également la construction de nouvelles centrales et encourageait le développement des énergies vertes.
« Cette perspective a été repoussée par 1,3 million de personnes, alors qu’environ 1 million a glissé un « oui » dans l’urne« , a souligné Doris Leuthard. Un signal fort pour la conseillère fédérale en charge de l’Energie qui voit dans ce refus la volonté de la population de garantir un approvisionnement en électricité sûr et une production indigène stable. Cette initiative a finalement été rejetée par 54,23% des voix contre 45,77% et par 20 cantons sur 26.
Des risques pour la sécurité d’approvisionnement
Si la question du retrait ou non à long terme du nucléaire n’était pas débattue ici, l’initiative des Verts faisait peser le risque pour le gouvernement fédéral d’une sortie précipitée qui aurait pu être préjudiciable à l’équilibre énergétique national. « Il serait en effet impossible de compenser à temps l’abandon de l’électricité nucléaire au moyen d’une électricité issue d’énergies renouvelables et produite en Suisse« , avait averti le gouvernement, en évoquant les risques que cela poserait sur « la sécurité d’approvisionnement« . Une position défendue à la fois par le gouvernement, le parlement et les partis de droite dont l’UDC (Union démocratique du centre), premier parti helvète conservateur.
Selon l’UDC justement, la Suisse n’aurait alors eu d’autre choix que d’importer toujours plus d’électricité de ses voisins européens, réduisant encore un peu plus son indépendance énergétique (la Suisse importe déjà près de 80% de l’énergie qu’elle consomme). Une solution d’autant plus critiquée que l’énergie importée provenant en grande majorité des centrales nucléaires françaises ou des centrales à charbon allemandes pourrait fortement dégrader dans ce dernier cas le bilan carbone de la fédération helvétique et contrarier l’atteinte des objectifs nationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Rappelons que la Suisse s’est engagée lors de la COP21, à réduire ses émissions de CO2 de 50% par rapport à 1990 d’ici à 2030. Un défi qui semble aujourd’hui bien difficile à réaliser sans avoir recours à la deuxième source d’énergie décarbonée du pays.
Des filières renouvelables à la peine
De plus, et malgré une progression encourageante sur ces cinq dernières années (la production d’énergie solaire a été multipliée par 15, l’éolienne par 3), la production d’énergie renouvelable en Suisse plafonne toujours à des niveaux largement inférieurs à la moyenne européenne et ne peut pas consituer une alternative sérieuse. Le gouvernement s’est bien engagé dans un vaste plan de développement des énergies renouvelables afin d’accompagner une production hydroélectrique et nucléaire déjà importante, mais les fortes subventions accordées aux renouvelables en Allemagne suite à l’abandon progressif de l’énergie nucléaire en 2011 bouleversent le marché de l’énergie éolienne et photovoltaïque, désormais disponible à des prix cassés chez le voisin allemand.
Ces subventions dissuadent les entreprises d’investir dans de nouvelles installations en Suisse et handicapent la filière hydroélectrique helvétique dont une partie de la production ne peut plus concurrencer la faiblesse des prix allemands. « Il n’y a tout simplement pas assez d’argent pour véritablement promouvoir l’énergie solaire ou éolienne« , explique sur Swissinfo Myriam Planzer, responsable d’une étude sur le sujet réalisée par la Fondation suisse de l’énergie.
Crédits photo : Ch-Info
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