Tandis que l’Amérique latine est la région du monde où l’énergie renouvelable se développe le plus rapidement, le Chili, gros producteur d’énergie solaire, participe aujourd’hui pleinement de cette croissance exponentielle. Le pays a vu son nombre d’installations renouvelables augmenter considérablement en l’espace de quelques années, grâce à des conditions climatiques favorables et à des politiques incitatives. Problème, ce développement accéléré semble avoir manqué de cohérence et se retrouve aujourd’hui freiné par des cas de plus en plus fréquents de surproduction.
Volonté politique et prix records
Entre 2002 et 2012, l’électricité produite en Amérique latine grâce à l’éolien a augmenté de 51 % – contre une croissance moyenne de 26 % dans le monde – et les capacités solaires ont fait l’objet d’importants investissements. Un contexte favorable que l’on retrouve notamment au Chili, où le gouvernement de Michelle Bachelet a fait du secteur de l’énergie une priorité de développement. La capacité solaire a quadruplé depuis 2013 dans ce pays et plus de 29 fermes ont été connectées au réseau national.
Les dernières enchères lancées par le gouvernement à la mi-août, portant sur environ 20 % de la consommation d’électricité du pays, ont vu s’intensifier la concurrence et entraîner les énergéticiens et les développeurs de projets solaires et éoliens dans une guerre des prix. L’Espagnol Solarpack a ainsi gagné un contrat en promettant de fournir de l’électricité à un prix record de 29,10 dollars par mégawattheure (MWh) à partir de 2021, soit le prix le plus bas jamais enregistré dans la filière solaire.
Comme l’explique dans Les Echos Jean-Philippe Salomé, directeur industrie d’EDF Energies Nouvelles, « avec un prix moyen sur le solaire à 40 dollars/MWh, cette enchère est dans la continuité de ce qui s’est passé à Dubaï ou au Pérou ces derniers mois. Le Chili bénéficie d’un très fort ensoleillement et la ressource est facile à modéliser ».
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De son côté, l’énergie éolienne a également atteint un prix exceptionnellement bas, à 38,10 dollars/MWh. Les candidats pouvaient proposer à cette occasion des projets purement solaires ou éoliens, mais aussi des alliances entre renouvelables et énergies conventionnelles (gaz et charbon) afin d’offrir de l’électricité en continu. Grâce à ces prix planchers moins chers que ceux proposés pour les centrales au gaz ou au charbon, le solaire et l’éolien ont remporté les deux tiers des volumes proposés.
Une électricité solaire gratuite
Mais cette émergence accélérée des renouvelables peut également avoir des effets pervers et tous les projets renouvelables qui s’engagent à vendre au prix du marché, prennent aujourd’hui le risque de devoir produire à perte. Un excès d’offre d’énergie renouvelable a récemment entraîné au Chili une chute des prix à zéro pendant plusieurs semaines, forçant les producteurs à distribuer leur électricité gratuitement.
Au mois d’avril dernier par exemple, l’énergie solaire fut distribuée gratuitement pendant plus de 113 jours dans plusieurs régions du pays, en raison de la surproduction. Les compagnies qui possèdent leur propre centrale n’arrivaient plus à générer de revenus et les promoteurs ne trouvaient plus de financements pour de nouveaux projets durables, faute de rentabilité.
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En cause ici, le développement irrégulier des installations et le manque de cohérence du réseau électrique national. Le Chili possède actuellement deux réseaux de transmission de l’énergie (un au centre et un au nord), qui ne sont pas connectés entre eux, et ne permettent pas de compenser les manques d’une région avec les excédents de production de l’énergie solaire d’une autre (fréquents notamment dans les régions du nord fortement ensoleillées).
La stratégie du gouvernement est également mise en cause. Le programme de développement des renouvelables aurait été envisagé à court terme par les autorités, privilégiant le maximum d’infrastructures sans prendre en compte les besoins réels ni les capacités de production de chaque région.
Crédits photo : Exosun
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