A la veille de la COP22 organisée à Marrakech, qui devrait avoir pour problématique fondamentale l’eau, la question de l’acceptabilité environnementale des Jeux Olympiques, et notamment des épreuves de bassins, reste posée. En France, où l’on prépare la candidature de Paris pour 2024, la société Hydrostadium propose justement de reproduire un cours d’eau tout en préservant le milieu naturel du site d’installation.
Pour le militant écologiste brésilien Sergio Ricardo Verde, « ces Jeux ne laisseront aucun héritage environnemental ». Après la polémique liée à l’impact économique des Jeux Olympiques (JO) de Rio puis le flou politique qui entoure le Brésil actuellement, voilà que la question de l’environnement s’immisce dans les débats. En cause, notamment, les épreuves qui nécessitent de grandes quantités d’eau, comme le slalom en kayak.
Coûts importants
Interrogé par la journaliste du Monde Elisabeth Pineau, le représentant français dans les épreuves olympiques de kayak, Sébastien Combot, explique qu’« un parcours de slalom fait environ 300 m et comporte de 18 à 25 portes matérialisées par des fiches [piquets] bicolores : des vertes et blanches, qu’il faut franchir dans le sens du courant, et d’autres rouges et blanches – appelées « stop » – qu’on remonte dans le sens contraire du courant ».
Pour mettre en place un terrain recréant les conditions de navigation d’un cours d’eau, les ingénieurs mobilisent entre autres l’expertise du secteur hydroélectrique – les installations peuvent effectivement être gravitaires, fonctionner par pompage ou utiliser un système hybride. De plus, selon l’emprise foncière, l’alimentation en eau ou la pente désirée, les conditions d’installation diffèrent évidemment.
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En ce qui concerne le parcours des JO de Rio, il a été réalisé par la société Whitewater Parks International (WPI) et fonctionnera grâce à l’apport de 25 000 m³ d’eau et à une série de pompes électriques. En 2014, le maire de la ville, Eduardo da Costa Paes, affirmait que ce chantier serait probablement le plus difficile à réaliser. Finalement, après de longs mois de travaux, le stade olympique de Deodoro peut accueillir 8 400 spectateurs et sera ensuite utilisé dans le cadre « d’activités d’entrainement sportif de haut niveau mais aussi de loisir », au bord de la Lagune Rodrigo de Freitas.
Toutefois, cette construction a nécessité un investissement de 20 millions de dollars. Sans le soutien de la Fédération internationale de canoë et de la Confédération brésilienne de canoë, la compétition aurait pu avoir lieu à Foz de Iguazú, où les championnats du monde de canoë-kayak avaient été organisés en 2007.
L’innovation RiverBox
Afin de renforcer l’acceptabilité environnementale des infrastructures sportives à l’avenir, le Comité international olympique (CIO) invite depuis novembre 2014 « les villes candidates potentielles à présenter un projet conforme aux besoins de planification à long terme sur les plans économique, social et environnemental ». Si « les considérations environnementales représentaient [déjà en 2004] un élément majeur (…) de l’organisation de grands événements sportifs », l’Agenda 2020 du CIO donne à Hydrostadium l’opportunité de mettre en avant son concept de RiverBox.
En effet, la filiale d’EDF, qui bénéficie également de l’expérience des JO de Sidney, d’Athènes et de Pékin, utilise ses compétences au service du « développement des sports de pleine nature en milieu urbain » depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, elle est en mesure de proposer un parcours d’environ 250 mètres, nécessitant un volume d’eau inférieur à celui de trois piscines olympiques ; son installation dure seulement 2 à 3 semaines, et l’infrastructure peut être déplacée en quelques jours sans laisser de traces sur le site d’installation. Autre avantage : la RiverBox, composée d’une piscine-réservoir, d’une rivière d’eau vive montée sur structure, ainsi que d’une station de pompage, peut être déployée en configuration olympique pour un montant compris entre 7 et 10 millions d’euros.
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Pour réussir à reconstituer les mouvements d’eau de fond et retrouver les sensations des rivières naturelles, la société a déposé plusieurs brevets. Ainsi, elle fait varier la configuration du lit des rivières artificielles et les mouvements d’eau de fond avec le système Insert II ; de même, les obstacles mobiles Omniflots III disposent de la faculté de « changer facilement et rapidement les mouvements d’eau de la rivière autrement que par des variations de débits ». Avec la difficulté évolutive du parcours, Hydrostadium et sa centaine de salariés répondent d’une part aux besoins des organisateurs d’événements sportifs soucieux de préserver l’environnement, mais aussi à ceux des centres de loisir désirant proposer de nouvelles attractions touristiques.
Pour rappel, en 1996, le CIO souhaitait interdire l’épreuve de slalom en kayak dans le cadre des JO de Sydney qui devaient avoir lieu quatre ans plus tard. Motif invoqué : le gouvernement australien refuse de construire un bassin artificiel à un coût exorbitant qui ne servira pas – ou très peu – par la suite. A la tête d’une délégation française qui refuse d’abdiquer, le directeur technique national (DTN), Hervé Madoré, fait alors appel à Gilles Bernard, ancien champion du monde en canoë biplace et responsable pour EDF de l’ingénierie des parcours d’eau vive. Aujourd’hui à la tête d’Hydrostadium, c’est lui qui met au point le système d’obstacles amovibles et permet, de concert avec les ingénieurs de l’électricien français, une approche pragmatique de la conception du stade d’eau vive de Sydney. Et, par conséquent, le maintien de l’épreuve de slalom. Quatre ans plus tard, Athènes optait également pour ces installations.
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