Si l’état de la centrale de Fukushima Daiichi a bel et bien été déclaré stable depuis le mois de décembre 2011 par la compagnie Tepco (Tokyo Electric Power), six mois après le passage d’un tsunami dévastateur, l’ampleur des dégâts et la dangerosité permanente du site nécessitent néanmoins une attention de tous les instants. Alors que Tepco a annoncé cette semaine la suspension pour la période estivale des opérations de retrait du combustible usé de la piscine n°4, l’occasion nous est offerte de faire un point complet sur l’état réel de la centrale de Fukushima et les avancées du chantier de démantèlement. Un chantier à haut risque qui devrait durer plus de 40 ans.
[stextbox id=”info”]Une surveillance permanente des réacteurs[/stextbox]
S’ils n’ont pas explosé, les cœurs des six réacteurs de la centrale de Fukushima ont surchauffé puis fondu en raison de la mise hors service des systèmes de refroidissement liée aux coupures d’électricité. Ces réacteurs sont désormais maintenus artificiellement en état “d’arrêt à froid”, une procédure que impose une surveillance permanente.
Toutefois, cette surveillance est loin d’être évidente. Les réacteurs 1 et 3 par exemple ne peuvent à l’heure actuelle toujours pas être approchés du fait de leurs hauts niveaux de radioactivité et une nouvelle défaillance du système de refroidissement pourrait une fois de plus entraîner de graves conséquences.
Divers aménagements temporaires ont donc été mis en place pour maintenir ces réacteurs dans un état de survie et éviter toutes dégradations supplémentaires. Le réacteur1 a été recouvert d’une tenture spéciale qui limite le rejet de substances radioactives tandis que le n°3, très endommagé, a d’abord dû être débarrassé des débris et autres déchets reçus après l’explosion d’hydrogène survenue lors de l’accident. Le réacteur 2, indemne en apparence, est également très endommagé à l’intérieur. Le n°4 a quant à lui été habillé d’un nouveau bâtiment et abrite actuellement des opérations d’extraction du combustible de la piscine de désactivation. Si les réacteurs 5 et 6, plus à l’écart, ont été relativement épargné, ils ont eux aussi été placé en état d’arrêt à froid par mesure de prévention.
[stextbox id=”info”]L’extraction des combustibles nucléaires usés[/stextbox]
Retirer du combustible d’une piscine de désactivation est une tâche assez courante dans les centrales nucléaires et la compagnie Tepco l’a déjà réalisé plusieurs milliers de fois sur tous ses réacteurs en service. Néanmoins, réaliser ce genre d’opération dans un environnement accidenté est autrement plus complexe. Les piscines de désactivation qui dans un premier temps ont dû être nettoyées des éventuels débris, sont en permanence refroidies et leur température est maintenue dans une fourchette de 23 à 26 °C. Les techniciens doivent ici opérer avec la plus grande délicatesse et portent en permanence des combinaisons et des masques de protections contre la radioactivité.
Si l’extraction du combustible encore contenu dans les autres piscines des réacteurs 1 à 3 du site est également au programme, c’est bien la piscine n°4 qui constitue actuellement l’opération la plus périlleuse. Une opération d’extraction qui a d’ailleurs été suspendue du 1er juillet dernier au début du mois de septembre pour des raisons de maintenance de la grue et de tout le système de retrait.
Plus concrètement, cette opération d’extraction consiste à plonger un caisson vide dans la piscine et à y transférer 22 assemblages, qui seront par la suite entreposés pour une période minimum de dix ans dans une piscine plus sûre prévue sur le site.
Ce dispositif qui fonctionne en continu depuis plus de six mois, a déjà permis de déplacer 1.166 assemblages de combustible usé sur 1.331 (87,6%) et 22 neufs sur 202 (10,9%), soit plus de 75% du total contenu dans ce bassin. La fin de l’extraction est prévue pour la fin de l’année 2014.
[stextbox id=”info”]Un système de décontamination de l’eau sous pression[/stextbox]
L’autre difficulté majeure rencontrée par l’opérateur japonais consiste dans le stockage et la décontamination des eaux radioactives. En effet, près de 435.000 mètres cubes d’eau contaminée sont actuellement stockés dans plus d’un millier de gigantesques réservoirs montés sur le site de la centrale depuis 2011. Tepco continue par ailleurs d’en installer un quarantaine par mois en moyenne pour tenter de suivre le rythme du flux continu de liquide radioactif provenant des sous-sols et des arrosages permanents des réacteurs endommagés.
Ces flux continus d’eau souterraine provenant de l’amont de la centrale s’infiltrent tous les jours dans le sous-sol du site de Fukushima et Tepco ne peut plus aujourd’hui assumer les quantités d’eau à stocker. Pour éviter une contamination toujours plus importante, l’énergéticien japonais a donc entrepris de pomper les eaux ruisselantes des collines en amont des réacteurs, c’est-à-dire, avant qu’elles ne s’écoulent sous le périmètre contaminé, pour les reverser ensuite dans l’océan. Mais cette solution ne permet de traiter qu’une centaine de tonnes d’eau par jour.
Pour remédier à cette situation insoutenable à plus long terme, la compagnie japonaise a lancé pour 2015 un grand projet de “mur de glace” destiné à bloquer ces infiltrations. Ce mur consistera principalement dans la mise en place d’un réseau de puits et de pipelines dans le sous-sol et encerclant le site de la centrale de Fukushina Daiishi. Placées à plus de 30 mètres de profondeur, ces canalisations seront remplies de liquide réfrigérant entre –30 °C et –40 °C et feront baisser la température dans les poches d’air du sol afin de geler tout futur liquide tentant de s’y infiltrer.
D’autre part, le système de décontamination des eaux radioactive encore insuffisant au regard des normes environnementales ne permet pas à l’heure actuelle au groupe de Tepco de rejeter les eaux traités dans l’océan. D’où des quantités d’eau supplémentaires à stocker.
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