Considérablement fragilisé par la fin des livraisons de gaz russe par Gazprom, le géant gazier allemand Uniper s’est retrouvé au bord du gouffre, sauvé uniquement par une nationalisation du gouvernement allemand. Jugeant que cette rupture d’approvisionnement ne relevait pas, contrairement à ce qu’affirme Gazprom, de la “force majeure”, Uniper a saisi, ce 30 novembre 2022, un tribunal d’arbitrage pour être dédommagé.
Uniper était, historiquement, le premier client allemand du géant gazier d’Etat russe Gazprom, qui lui livrait environ 40% du gaz que le groupe allemand revendait ensuite à d’autres fournisseurs de gaz, ou directement à des particuliers ou des professionnels.
Touché de plein fouet par la baisse des livraisons par Gazprom via le gazoduc Nord Stream, à partir de juin 2022, puis par leur rupture en septembre 2022, Gazprom a décidé, ce 30 novembre 2022, de se tourner vers la justice pour obtenir réparation.
« Uniper a engagé une procédure d’arbitrage contre Gazprom », auprès d’un tribunal d’arbitrage international situé à Stockholm, en Suède, précise l’entreprise allemande, qui exige des « dommages et intérêts en rapport avec les volumes non livrés depuis juin ».
Les coûts engendrés par les coupures sont évalués à « 11,6 milliards d’euros » par l’entreprise, mais pourraient « continuer à augmenter jusqu’à fin 2024 ».
Le groupe allemand a été obligé, pour compenser le gaz non livré par Gazprom (malgré un contrat en cours), de se fournir sur les marchés internationaux, dont les cours avaient explosé. Depuis janvier 2022, les pertes d’Uniper sont estimées à 40 milliards d’euros.
Le groupe a profité d’un plan de sauvetage à plusieurs dizaines de milliards d’euros du gouvernement allemand, qui a fini par décider de nationaliser l’énergéticien, en septembre 2022. Berlin craint en effet qu’une faillite d’Uniper ne provoque, par effet-domino, un effondrement du secteur énergétique allemand. Une assemblée extraordinaire du groupe doit valider cette nationalisation le 19 décembre 2022.
Concernant le contentieux avec Gazprom, le groupe russe a invoqué un cas de “force majeure” pour justifier la fin de ses livraisons, notamment en raison de soucis liés à une turbine Siemens jamais livrée par le Canada. Uniper réfute ces allégations.
« Nous réclamons le recouvrement de nos dommages financiers importants (…) Nous avons engagé ces coûts, mais ils ne sont pas de notre responsabilité », a commenté dans un communiqué Klaus-Dieter Maubach, PDG de Uniper.
Reste que la procédure a peu de chance, même si le tribunal donne raison à Uniper, d’aboutir au moindre paiement du groupe russe.