Alors que le conflit ukrainien semble déjà entraîner la réouverture de plusieurs centrales à charbon en Europe, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié le 4 avril dernier, fournit des arguments pertinents en faveur d’un développement de la filière nucléaire afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, en complément des renouvelables, aussi appelées à un développement soutenu.
Le rapport du GIEC offre des pistes de réflexion pour le nucléaire
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les économies européennes tentent de réduire leur dépendance au gaz russe, pour accélérer l’isolement politique et économique de Moscou. Cette volonté politique, défendue avec force par l’Union européenne malgré la réticence de l’Allemagne, a reçu un soutien de poids avec le dernier rapport du GIEC, traitant des effets du changement climatique et proposant des solutions d’atténuation et d’adaptation face à ses impacts délétères.
En effet, le GIEC a focalisé ses recherches sur les différentes options politiques à déployer pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre au seul prisme de la sortie des énergies fossiles. Et parmi elles, l’énergie nucléaire semble trouver la faveur des experts, à l’instar des énergies renouvelables. Fournissant une énergie à faible émission de carbone à grande échelle, le nucléaire pourrait permettre une baisse progressive des émissions grâce notamment à l’augmentation significative des ressources d’uranium. Estimée à 100 ans en 2009, la durée de vie du stock d’uranium a été augmentée à 130 ans aujourd’hui. Ce, sans compter les perspectives d’innovations technologiques de la filière, permettant un recyclage plus efficace de l’uranium usagé. En Europe, la filière bénéficie du soutien de l’Agence internationale de l’Energie (AIE). Pour ce faire, l’AIE promeut activement la mise en service du réacteur d’Olkiluoto (Finlande) et la prolongation de l’activité des cinq centrales devant fermer entre 2022 et 2023 dans l’espace européen.
Face au nucléaire, une baisse de rentabilité efficacité/coût du charbon
Selon le dernier rapport du GIEC, une réduction de 87 à 97 % des émissions nettes de CO2 est nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à 2°C, d’ici 2050. Pour un scénario limitant la hausse des températures à 1,5°C d’ici 2030, une baisse de la consommation d’énergies fossiles de l’ordre de 66 % à 82 % apparaît nécessaire, selon les chiffres fournis par les experts. Un défi d’autant plus grand que la demande d’énergie devrait continuer à croître dans les années à venir. Entre 2015 et 2019, la demande d’énergie globale a ainsi augmenté de 6,6%, générant une hausse de la production de CO2 dans l’atmosphère de 4,6%.
En parallèle, le charbon est confronté à un ratio coût/efficacité en diminution en raison de la baisse des coûts et de l’augmentation de la production des sources d’énergie alternatives à faibles émissions. La poursuite de la construction de centrales au charbon devient ainsi progressivement désavantageuse, en particulier pour les pays en développement. A terme, la limitation du réchauffement des températures en dessous de 2°C nécessiterait de réduire drastiquement la durée de vie des centrales à charbon en activité et de baisser de 10 à 25 ans la durée des centrales de prochaine génération.
La filière nucléaire mise sur une multiplication des options technologiques
Au contraire, l’énergie nucléaire semble aujourd’hui bénéficier d’une multiplication des options technologiques offertes aux décideurs entre 2030 et 2050 grâce à la conjugaison de plusieurs innovations. En premier lieu, le développement de réacteurs larges, en développement à partir de modèles précédents, pourrait permettre une amélioration à court terme des modalités de production d’énergie (meilleure redondance, application accrue des dispositifs de sécurité passive et améliorations significatives de la conception du confinement afin de réduire le risque d’accident majeur) à l’exemple de l’EPR européen, du coréen APR 1400, de l’américain AP1000, du chinois HPR1000 ou du russe VVER1200.
Deuxième piste de projection, le développement en cours des réacteurs SMR (small modular Reactors) actuellement à l’étude dans plus de 70 projets. Du fait d’une taille réduite, ces réacteurs de nouvelle génération permettront un coût d’investissement réduit (mais un coût d’entretien plus élevé). La modularité et la pré-production hors site peuvent permettre une plus grande efficacité de construction, des délais de livraison plus courts et une optimisation globale des coûts. Leur développement commercial d’ici le début des années 2030 dépendra fortement du déploiement réussi des prototypes au cours des années 2020. Les possibilités de réduction des coûts, grâce à la normalisation de la conception et aux innovations dans les méthodes de construction, devraient rendre les SMR compétitifs par rapport aux grands réacteurs d’ici 2040.
En ce qui concerne le développement de la filière nucléaire, le GIEC note également un raccourcissement des périodes de construction des centrales actuelles en Asie de l’Est depuis 2012, avec une mise en activité dès 5-6 ans. Pour autant, l’Europe et l’Amérique du Nord continuent d’enregistrer des délais de 13 à 15 ans en moyenne et des coûts 3 à 4 fois plus élevés.
Un soutien de l’opinion en hausse, mais encore modéré
Malgré ces perspectives prometteuses, le soutien public à la production nucléaire est aujourd’hui notoirement plus faible que pour les énergies renouvelables et le gaz naturel. Même si cette tendance semble progressivement en train de s’inverser. Ainsi, selon une étude BVA pour Orano, datée de 2021, une majorité de Français estime désormais que le nucléaire est un atout pour l’indépendance énergétique de la France. Pour 64% des Français, le mix électrique de demain en France sera composé d’énergie nucléaire et de renouvelables. De même, jusqu’à 66% des Français ont conscience des possibilités de recyclage des combustibles nucléaires utilisés dans les centrales.
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