Le chancelier allemand Olaf Scholz a douché les faibles espoirs ukrainiens en rappelant lundi 7 mars que les importations de gaz russe restent, à l’heure actuelle, « essentielles pour l’Europe ». Un désaveu pour l’Union européenne qui, en pleine guerre russo-ukrainienne, cherche à renforcer son indépendance énergétique pour accélérer l’isolement économique de Moscou.
Une dépendance marquée, différenciée selon les pays
L’International Energy Agency, dans un rapport publié le 3 mars, a rendu publiques dix mesures jugées absolument nécessaires à mettre en œuvre pour réduire, de l’ordre d’un tiers et à court-terme, les importations de gaz venues de Russie. Et sortir d’une dépendance qui reste, pour le Kremlin, un vecteur majeur de pression sur l’Union européenne. Pour les Etats membres, le défi est immense, tant le volume importé chaque année est colossal. Ainsi en 2021, l’Union européenne a importé en moyenne 380 millions de mètres cubes par jour en provenance de Russie, pour un total de 140 milliards de mètres cubes annuel, ce qui représente environ 45 % des importations de gaz du continent. Le 8 mars, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé un embargo sur leurs importations de pétrole et de gaz russe. Une décision qui, a priori, ne devrait que faiblement les affecter.
Les pays européens sont dans une situation de dépendance inégale par rapport à la Russie. Selon les données d’un rapport du Sénat, la Slovaquie et les trois pays baltes reposent entièrement sur la Russie pour leurs importations en gaz. Un taux qui s’élève à 80 % pour la Pologne, 65 % pour l’Autriche, 37 % pour l’Allemagne et l’Italie. La France, qui fait exception à la règle, reste relativement à l’abri et ne dépend, pour ses importations en gaz, qu’à 25 % de la Russie.
Nucléaire, renouvelables, diversification et sobriété énergétique
Parmi les mesures envisagées, l’IEA mise à court-terme sur la diversification des approvisionnements en gaz, notamment à partir de la Norvège et de l’Azerbaïdjan et sur une augmentation, à très court terme, de ses importations en Gaz naturel liquéfie (GNL), avec de nombreux exportateurs asiatiques potentiels, pouvant pallier le manque à gagner d’un arrêt des échanges avec la Russie.
L’IAE prône aussi une accélération du déploiement des projets éoliens et solaires, en simplifiant notamment les obtentions des permis de construire et les démarches administratives préalables à leur déploiement. Des projets de grande ampleur auxquels ont vocation à s’ajouter un déploiement massif de panneaux solaires sur les toits des habitations, soutenu par un puissant système de subventions gouvernementales aux particuliers. Au niveau européen, un volontarisme politique concerté dans ce domaine devrait permettre de fournir, chaque année, 20 TWh supplémentaires au continent.
Enfin, l’IAE plaide pour une maximisation des capacités nucléaires de l’Union européenne. En ce sens, l’agence réclame la mise en service du réacteur d’Olkiluoto en Finlande et, surtout, le report de la fermeture prévue de cinq réacteurs entre 2022 et 2023 en Europe. Une manière, pour l’Union, de réduire la demande de gaz de 1 milliard de mètres cubes par mois. Un recours plus prononcé à la bioénergie est aussi envisagé, en renforçant les capacités de production. Enfin, sur le long-terme, l’IAE encourage les gouvernements à s’engager massivement vers des travaux de sobriété énergétique, d’isolation des bâtiments et de remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur.
Le nucléaire revient en force sur les agendas politiques européens
Dans ce contexte tendu marqué par les incertitudes et un renchérissement attendu des prix de l’énergie, la question du nucléaire, présentée par L’IEA, comme « la plus grande source d’électricité à faibles émissions dans l’Union européenne », revient très logiquement sur les agendas politiques. L’Allemagne, qui avait fait de la sortie du nucléaire une priorité nationale, semble -presque- rétropédaler. Le ministre fédéral de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, s’est ainsi engagé à ne pas s’opposer « idéologiquement » à un recours au nucléaire dans l’avenir et serait même prêt à reporter l’arrêt de ses trois derniers réacteurs, à Emslad, Isar et Neckarwestheim, supposés théoriquement ne plus fonctionner cette année. Plusieurs personnalités politiques de premier plan, comme le Ministre-président du Land de Saxe, Michael Kretschmer (CDU), réclament ainsi au gouvernement une réflexion approfondie sur un éventuel retour de l’atome.
La Belgique aussi pourrait faire machine arrière, alors que la sortie du nucléaire, sans cesse repoussée, semblait désormais actée pour 2025. Même les écologistes belges, farouchement opposés au nucléaire, se sont à demi-mots rangés à l’unanimité politique qui se construit et se disent disposés à « (réétudier) la question ». De son côté, Alexander de Croo, Premier ministre, reconnaît être en train de « réévaluer sa stratégie ». Du côté des pays de l’Est, Bulgarie et Pologne se sont, avant le conflit, engagés à renforcer leurs infrastructures nucléaires, tandis que la Roumanie accélère les rénovations sur l’unique centrale du pays et s’intéresse aux petits réacteurs modulaires (SMR) comme alternative au gaz russe. La Grèce, farouchement opposée au nucléaire, refuse toujours la présence de réacteurs sur son sol mais mène actuellement des négociations pour recevoir de l’électricité nucléaire de la Bulgarie voisine.
Retour au charbon ?
Effet délétère attendu de la chute des importations, les économies européennes se mettent sur le pied de guerre et annoncent d’ores et déjà la réouverture possible de leurs centrales à charbon. Le lundi 28 février, le gouvernement italien approuvait un panel de mesures d’urgence, incluant la possibilité de redémarrer la demi-douzaine de centrales à charbon que compte la Péninsule. En Allemagne, le vice-chancelier Robert Habeck a annoncé possible que « par précaution et afin de se préparer au pire, (le pays doive garder) les centrales à charbon en veille et peut-être même les laisser fonctionner ».
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