Dans sa feuille de route rendue publique le 18 mai dernier, l’Agence internationale de l’énergie (IAE) s’est pleinement engagée en faveur de la décarbonation de l’énergie. Pour répondre aux ambitieux objectifs de limitation du réchauffement climatique, l’IAE prône une diminution drastique de la consommation en énergies fossiles et un recours bien plus prononcé aux énergies renouvelables et au nucléaire. Quelques mois avant la COP26, qui se tiendra à Glasgow entre le 1er et le 12 novembre, le plan stratégique de l’Agence internationale de l’énergie rappelle à chacun que le monde est encore très loin d’avoir pleinement mobilisé ses forces contre le réchauffement climatique.
La neutralité carbone, nouveau paradigme
Rien de nouveau dans les conclusions de l’IAE. La lutte contre le changement climatique est fondamentalement liée à la baisse drastique de nos émissions de gaz à effet de serre et, par extension, au moindre recours de nos sociétés aux sources fossiles d’énergie (pétrole, gaz, charbon). Insuffisant, cependant, pour atteindre la neutralité carbone, un équilibre harmonieux entre émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère par des solutions artificielles ou non.
Pour y arriver, les experts appellent à développer massivement les puits naturels de carbone, comme les forêts, tout en investissant dans les solutions technologiques de captage de CO2. En parallèle, l’IAE appelle les gouvernements et les acteurs privés à renoncer à toutes les formes d’investissements financiers dans les énergies fossiles afin de couper court à leur croissance et, petit à petit, les rendre minoritaires par rapport aux sources d’énergies faiblement carbonées. Bref, plus un dollar ne doit être dépensé dans un puit pétrolier ou un champ gazier.
Deux actions qui, à terme, et dans les scénarios les plus volontaristes, devraient permettre d’atteindre la si désirée — et lointaine — neutralité carbone. « Nous avons réalisé ce rapport pour montrer aux décideurs que le secteur de l’énergie doit réaliser une transformation totale d’ici à 2050. Car, jusqu’ici, beaucoup d’entre eux l’ont mal compris » explique Fatih Birol, le directeur exécutif de l’IAE.
Plus de renouvelables, plus de nucléaire, moins de fossiles
Dans cette approche, les énergies renouvelables et le nucléaire sont au cœur du bouleversement énergétique qui devrait s’opérer. En effet, dans les trois scénarios présentés par l’IAE, le format « neutralité carbone » considère que la terre sera peuplée de deux milliards d’êtres humains supplémentaires, qu’une réduction de 8 % de la demande d’énergie aura lieu et, inversement, qu’un doublement de la demande en électricité sera constaté. L’efficacité énergétique et l’électrification des usages demeurent, selon l’IAE, au cœur de la transformation systémique de nos besoins en énergie.
Le mix énergétique est, de son côté, globalement simple. Et en accord avec le consensus scientifique. La part des énergies renouvelables connaît une hausse vertigineuse et est multipliée par huit pour atteindre 90 % de la production globale en 2050, contre 29 % aujourd’hui.
Ce n’est désormais plus une surprise, mais le nucléaire joue aussi un rôle central et voit ses capacités doubler, pour atteindre 10 % de la production globale. Dans ce scénario, les énergies fossiles connaissent une chute libre. La consommation de charbon baisse de 90 % et celle de pétrole de 75 %. Un processus qui ne peut cependant advenir qu’avec une électrification massive des modes de transport, notamment de la voiture et, dans une moindre mesure, de l’aérien et du transport maritime.
La recette, désormais bien connue, embrasse les différents scénarios envisagés par le GIEC, qui accorde cependant une place plus importante au nucléaire dans son approche de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour l’IAE, la fin des fossiles représente un véritable changement de paradigme. « L’IAE tourne le dos à l’industrie des hydrocarbures qu’elle a longtemps soutenue. C’est un message très fort » affirme Marc-Antoine Eyl-Mazzega, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), au journal Le Monde.
Coercition, incitation
Un panel de mesures coercitives est aussi réclamé par l’IAE, notamment l’interdiction des chaudières au fioul, la fin de la vente des voitures thermiques en 2035 ou, de manière plus incitative, le recours croissant aux véhicules électriques — supposés représenter 60 % des ventes en 2030 — et une rénovation thermique massive de l’habitat. Le coût de ces ensembles d’opérations ? 5 000 milliards par an d’ici à 2030, contre 2 000 milliards aujourd’hui. Mais, plusieurs études démontrent aujourd’hui, qu’en termes de lutte contre le réchauffement climatique, les coûts de l’action restent globalement inférieurs à ceux de l’inaction et du laisser-faire.
Mission impossible ? Non, selon Fatih Birol, qui jure que « la voie pour atteindre l’objectif est étroite, mais (qu)’il est toujours possible d’y parvenir ». Aux dirigeants politiques, désormais, de prendre leurs responsabilités.
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