Pour Frédéric Pignard, directeur RSE-RI chez Daikin France, les pompes à chaleur air/air ont toute leur place dans le bâtiment « RE 2020 ready », car elles apportent des solutions en matière de confort d’été, de performance énergétique et de décarbonation du bâtiment. Entretien.
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Le confort d’été a été identifié comme un des trois objectifs de la RE 2020 par le gouvernement avec la performance énergétique et la réduction du carbone. Est-ce justifié pour vous ?
C’est totalement justifié et même indispensable. La notion de confort d’été a été la grande oubliée de la RT 2012. Les exigences de cette règlementation ont conduit à construire des bâtiments parfaitement isolés, presque sans déperditions, sorte de thermos capables de garder la chaleur en intérieur, sans qu’elle ne puisse en sortir. Les baies vitrées, destinées à favoriser l’apport d’éclairage naturel, amènent énormément de chaleur à l’intérieur d’un logement. Plusieurs autres facteurs expliquent l’accumulation de chaleur en intérieur et donc l’inconfort des occupants en période estivale.
Il devenait urgent d’introduire cette notion de confort d’été dans la nouvelle RE 2020 afin que le rafraichissement par système mécanique soit pris en compte. Cependant la notion de « Climatisation fictive » et l’appréhension de sa consommation dans le nouveau moteur de calcul reste pour le moins étrange, et ses effets sont encore flous sur le bilan global de consommation d’énergie primaire (Cep). Des simulations précises restent à mener pour mesurer les incidences que cela aura sur le positionnement des équipements dans les maisons individuelles, les logements collectifs, et le tertiaire.
La France s’est fixée d’ambitieux objectifs pour atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est à mon sens le seul objectif à poursuivre, la performance énergétique étant un des moyens à notre disposition parmi d’autres pour parvenir à diminuer nos émissions de GES. Les autres options sont l’utilisation d’énergie décarbonée, la montée en puissance des énergies renouvelables, la disparition progressive des énergies fossiles et le maintien à un niveau raisonnable du nucléaire.
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Le développement des climatiseurs ne va-t-il pas s’accompagner d’une augmentation des consommations et des émissions de carbone ? Les fluides frigorigènes sont souvent pointés du doigt pour leur impact environnemental.
Bien au contraire, les PAC air/air permettent de réaliser de véritables économies d’énergie comparativement aux radiateurs électriques ou aux chaudières fonctionnant aux énergies fossiles lorsqu’elles fonctionnent en mode chaud, et leur consommation en mode rafraichissement reste très faible sur la période estivale. La diminution de consommation génère de facto une diminution d’émission de CO2.
En témoigne un cas de rénovation de solution de chauffage en maison individuelle de 200 m² en RT 2005 dans les Yvelines qui a été présenté lors des dernières J5PAC organisées en mars 2020. Les propriétaires ont choisi d’adopter une PAC air/air. Sur le plan financier, les occupants ont mesuré une économie de 25 % de leur consommation énergétique liée au chauffage par rapport à leur ancienne installation. Sur une année d’utilisation, la consommation liée au rafraîchissement n’a coûté au ménage que 32 € d’électricité, ce qui est peu, surtout au regard des économies générées lorsque l’unité fonctionne en mode chaud.
Concernant l’impact environnemental des fluides frigorigènes, il y a une notion qui est très importante à marteler parce qu’elle n’est pas suffisamment bien perçue à mon sens. Un fluide frigorigène génère un impact sur l’environnement seulement si une installation de PAC présente une fuite. Il n’a aucun effet sur l’environnement en circuit fermé dans un système qui fonctionne parfaitement. La profession estime un taux de fuite d’environ 1% par an et la Direction de l’Habitat de l’Urbanisme et des Paysages l’a fixé à 2 % sur les installations à détente directe en France. Ce chiffre tend à diminuer chaque année grâce à tout le travail mené d’une part par les différents organismes professionnels et les fabricants pour assurer des produits hermétiquement scellés ; et d’autre part par les opérateurs, pour faire des installations de qualité réalisées par des professionnels aguerris et détenteurs de l’attestation de capacité F-Gaz.
Par ailleurs, ce règlement européen F-Gaz va dans le sens du retrait progressif des hydrofluorocarbures (HFC) à fort potentiel de réchauffement planétaire (PRP), et c’est une très bonne nouvelle. Les fabricants l’ont déjà bien anticipé en ayant intégré des réfrigérants à très faible PRP. C’est le cas notamment du R-32, qui équipe la plupart des PAC air/air résidentielles aujourd’hui. Par exemple, la gamme de PAC air/air résidentielle Daikin n’est disponible qu’au R-32, il n’y a plus de R 410A dans notre catalogue pour ce type de solutions. Grâce à ces efforts de conversion, les effets sur l’environnement restent faibles et contribuent fortement à la réduction des émissions de GES en France et en Europe.
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Les climatiseurs sont souvent des PAC air/air réversibles qui peuvent également faire du chauffage. Est-ce véritablement un moyen de se chauffer efficacement ?
Les climatiseurs sont des PAC air/air réversibles. Il n’existe plus de climatiseurs qui ne fournissent du rafraîchissement seul, comme cela était le cas il y a plusieurs années, leur niveau de performances ne répondant plus aux normes ERP ou éco-conception. Les PAC air/air réversibles constituent des solutions de chauffage et de rafraîchissement idéales dans le neuf comme dans la rénovation en remplacement de radiateurs électriques ou de chaudières utilisant des énergies fossiles. Elles sont gages d’importantes économies d’énergie, environ 3 fois moins qu’un chauffage classique électrique et deux fois moins qu’une chaudière gaz. Elles assurent en plus un confort thermique tout au long de l’année, ce que ne font pas les radiateurs ou les chaudières.
Leur faible consommation d’électricité, qui est liée à leurs performances, est un atout majeur pour réduire les émissions de GES. Pour la France, qui a une électricité parmi les moins carbonée d’Europe grâce aux productions ENR et nucléaire, une PAC Air/Air, en exploitation, émet en moyenne 3 fois moins de GES qu’un chauffage électrique, 5 fois moins qu’une chaudière gaz et jusqu’à 7 fois moins qu’une chaudière fioul. Les performances énergétiques de ces solutions sont donc très élevées. Les modèles sont par ailleurs de plus en plus design pour s’intégrer harmonieusement dans les intérieurs.
Constat étonnant mais qui va dans le bon sens… il se vend désormais plus de PAC air/air que de chaudières. Une analyse a démontré que les français utilisaient trois fois plus leur PAC en mode chaud, qu’en mode froid, ce qui en fait donc le principal équipement de chauffage de la maison. C’est le résultat d’une analyse diligentée par un fabricant, membre de l’AFPAC, concernant le fonctionnement de 25 000 PAC air/air connectées.
D’ailleurs, l’évolution des ventes de multi-split par rapport aux mono-split témoignent de ce changement de perception des Français concernant l’usage de la PAC air/air, qui était, à l’origine surtout acquise en configuration mono-split pour rafraîchir une seule pièce.
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Au vu des études de marché que vous pouvez mener, voyez-vous des pays dans lesquels ce moyen de chauffage et de refroidissement est très diffusé ?
Cela concerne plutôt les pays d’Europe du sud, l’Espagne, l’Italie, la Grèce, et aussi la Turquie, mais je n’ai pas de chiffres précis en la matière.
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Comment faire pour installer des PAC air/air efficace en logement collectif où l’intégration architecturale de l’unité extérieure est difficile ?
La réponse est dans la question. Il s’installe peu de systèmes PAC air/air individuels en logement collectif pour des raisons d’intégration architecturale. On trouve essentiellement des systèmes air/air DRV dans des logements de standing élevé, également des systèmes PAC sur boucle d’eau. Mais les fabricants réfléchissent à la mise au point de systèmes individuels triple services pouvant assurer à la fois le chauffage, le rafraichissement et la production d’eau chaude sanitaire. Le bâtiment de demain devra évoluer pour intégrer dès la conception les systèmes PAC air/air individuels ou collectifs sans surcout. C’est possible, la Chine le fait déjà…
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Quel regard portez-vous sur les orientations de la future RE2020 ?
Pour ceux qui n’ont pas participé aux réunions avec les pouvoirs publics, il est très difficile de comprendre la méthode, tant elle est complexe. L’expérimentation E+C-, que les constructeurs d’équipements et de bâtiments maitrisent bien depuis plus de deux ans, devait préfigurer la nouvelle RE2020. Les nombreuses simulations sur ce moteur de calcul complexe ont permis de situer les technologies les unes par rapport aux autres et le constat semblait satisfaisant pour tous. Or, il semblerait que la RE2020 remette en cause une partie des compromis durement établis dans le cadre de l’expérimentation E+C-. Par exemple, le calcul de la part ENR des PAC, tous types confondus, qui était basé dans E+C- sur l’énergie finale et parfaitement en ligne avec la Directive européenne RES, change et revient sur la vielle méthode RT2012 basée sur l’énergie primaire, ce qui pénalise outrageusement les PAC.
Des avancées notables concernent la valeur du coefficient d’énergie primaire ramené à 2.3, mais qui reste encore supérieur à celle de l’Europe qui est de 2,1 ; et le contenu carbone de l’électricité qui a été ramené à 79g CO2/kwh, ce qui est plutôt une valeur proche de la réalité.
Il est regrettable que le mode de réflexion en énergie primaire, qui relève d’un ancien monde et dont plus personne n’en connait la genèse, n’ait toujours pas disparu. L’énergie finale, qui représente une valeur physique concrète, mesurable et visible, devrait être le moteur de cette RE2020. D’ailleurs, en supprimant le référentiel en énergie primaire, on supprimerait du même coup le coefficient de conversion PEF qui fait tant polémique.
Au moment où je réponds à vos questions, le nouveau moteur de calcul de la RE2020, qui vient juste d’être remis à ceux qui souhaitaient faire des simulations, est encore modifiable, ce qui rend de facto très fragiles les résultats obtenus, alors même que la consultation publique sur cette RE 2020 doit se clôturer mi-août. De même, une partie des exigences restent encore inconnues, notamment en ce qui concerne le seuil carbone en exploitation ou l’indicateur RCR…
En conclusion, la méthode est encore soumise à modifications, des exigences phares sont encore inconnues, ce qui revient à dire que cette consultation n’aura qu’une valeur de principe, puisque de nombreux sujets n’auront pu être explorés par la filière. Sur un sujet aussi important, qui va impacter tous les acteurs du bâtiment pendant au moins une décennie, il aurait fallu ne pas se précipiter dans la dernière ligne droite comme c’est le cas actuellement…
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