Le 21 mai 2019, Occidental a annoncé la construction de la plus grande centrale de capture directe de carbone jamais construite. La capture directe du CO2 présente non seulement un intérêt écologique, mais également économique. En France aussi, cette nouvelle technologie est en train d’être testée. À Dunkerque, le 28 mai 2019, un consortium regroupant notamment Total et Arcelor Mittal, vise le captage, le stockage et la valorisation du CO2. Une réflexion également engagée par le CEA…
Occidental veut capter le CO2 dans l’air
Le carbone est au coeur de notre civilisation. En effet, comme le rappelle le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), c’est le « 4e élément le plus abondant de l’univers, le carbone est la brique de base de la vie« . Seulement, dans Or noir, la grande histoire du pétrole, Matthieu Auzanneau prévient que « si elle devait poursuivre sur la voie actuelle, l’humanité serait en passe de relâcher suffisamment de gaz carbonique pour provoquer un réchauffement de l’atmosphère supérieur à 6°C d’ici au prochain siècle« .
Et les firmes pétrolières l’ont bien compris. Aux Etats-Unis, une importante compagnie pétrolière, Occidental, développe la capture directe du carbone dans l’air (DAC). Le procédé, déjà mature, peut être déployé à l’échelle industrielle. Occidental a annoncé, le 21 mai 2019, qu’elle allait collaborer avec la société Carbon Engineering. Cette dernière a été fondée en 2009. En seulement dix ans, l’entreprise canadienne est devenue un acteur majeur sur le marché émergent de la capture directe de CO2 dans l’air. Ensemble, les deux entreprises vont construire, au Texas, la plus grande centrale de capture directe de carbone au monde. La future centrale devrait extraire environ 500 000 tonnes de CO2 dans l’air chaque année.
Ce carbone prélevé dans l’air sera aussitôt réutilisé pour l’activité pétrolière d’Occidental (Oxy). D’où l’emplacement choisi pour la future centrale : en plein milieu du bassin permien, où se trouvent de nombreux puits de forage pour extraire le pétrole et le gaz de schiste. Occidental et Carbon Engineering comptent débuter la construction de la centrale de capture en 2021, pour une mise en service dès 2023.
Quand l’énergie se met au service de l’écologie
Si Occidental s’intéresse à la capture du CO2 dans l’air, c’est parce que le géant pétrolier est l’un des pionniers en matière de récupération assistée du pétrole (EOR, enhanced oil recovery). La récupération assistée du pétrole ou du gaz de schiste consiste à injecter du CO2 à l’intérieur des gisements. Ce procédé permet d’augmenter la pression dans le gisement pour faire remonter le pétrole ou le gaz vers la surface. Cette injection du CO2 sous terre permet également de stocker le carbone dans le sol.
La capture du CO2 dans l’air présente plusieurs avantages stratégiques pour Occidental. Non seulement le procédé permettra de s’assurer une source inépuisable de carbone, mais c’est aussi une opportunité écologique. Elle doit permettre de lutter contre l’augmentation des émissions de CO2. Ainsi, pour le président de Oxy Low Carbon Ventures (OLCV), Richard Jackson : « Utiliser du CO2 atmosphérique pour récupérer du pétrole réduit grandement l’addition nette de CO2 dans l’atmosphère due à la production de pétrole et l’utilisation de carburants, et ouvre la voie pour la production de carburants totalement neutres en carbone
Capturer le CO2 pour sauver l’Accord de Paris ?
En France aussi, la technologie de la capture de carbone intéresse les géants du pétrole. L’Institut Français du Pétrole Energies Nouvelles (IFPEN) vient de lancer, le 28 mai 2019, le projet 3D à Dunkerque. Il vise à construire un démonstrateur de capture du CO2, avec dix autres partenaires européens, parmi lesquels Total, Arcelor Mital et Axens. Ce capteur doit permettre de capter et de stocker le CO2 extrait de l’air.
Ce démonstrateur entrera en service en 2021. L’IFPEN estime qu’il sera capable de capter 0,5 tonne de CO2 par heure. Une fois le démonstrateur validé, le projet 3D vise à déployer une unité industrielle au sein de l’usine sidérurgique d’ArcelorMittal à Dunkerque. Cette seconde étape pourrait voir le jour en 2025. D’après les industriels, « ce projet est un levier essentiel pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique« .
Parallèlement, le CEA mobilise également ses chercheurs sur le sujet. En février 2019, l’Union Européenne a notamment retenu 2 projets avec le centre de recherche français, avec le CEA-Liten et le CEA-Iramis. Avec EnergyX et Sunrise, l’objectif est d’utiliser les énergies décarbonées (renouvelables et nucléaire) pour valoriser le CO2. Simon Perraud, en charge d’EnergyX au CEA-Liten, résume : « EnergyX se focalise principalement sur le power to gas et le power to liquid. Sunrise englobe en plus d’autres pistes exploratoires comme la photosynthèse artificielle et la photobiologie avancée« . De son côté, Hervé Bercegol, physicien du CEA-Iramis explique « nous pourrons stocker le CO2 sur différentes échelles de temps : quelques mois dans les combustibles et carburants, quelques dizaines d’années dans les produits chimiques, voire davantage dans les matériaux de construction« .
Alors que le temps presse pour la planète, ces technologies prometteuses permettraient de fermer le cycle du carbone. Une solution concrète pour limiter le réchauffement climatique, sans freiner la croissance mondiale, et dans le respect de l’Accord de Paris. Comme dirait François de Rugy, elles permettront de faire marcher économie et écologie main dans la main. Décidément, l’économie circulaire a de beaux jours devant elle…
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