Electricité : « beaucoup de producteurs repassent dans le vert »

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Electricité : « beaucoup de producteurs repassent dans le vert » - © L'EnerGeek

Alors que le cabinet Colombus Consulting vient de publier une étude sur la Santé financière des producteurs d’électricité en Europe, l’EnerGeek donne la parole à ses auteurs. Sanaâ Bensaid et Nicolas Goldberg montrent que nous nous trouvons « au croisement de dynamiques divergentes » sur le Vieux Continent…

  • Dans votre récente étude sur la santé des producteurs d’électricité, vous indiquez notamment une baisse des capacités de production de 6% entre 2016 et 2017. Faut-il s’inquiéter pour l’approvisionnement du continent ?

Il ne faut pas s’inquiéter pour l’approvisionnement du continent dans la mesure où la baisse de capacité de production est enregistrée par les pays en surcapacité, très impliqués dans la transition énergétique. De surcroît, ces pays enregistrent souvent une baisse de la demande, comme par exemple au Royaume-Uni. Enfin, il faut également voir que ces dernières années, la tendance était inversée : beaucoup de nouvelles capacités étaient déployées dans un marché où la consommation était en légère baisse.

Par ailleurs, cette baisse de capacité de production et la stabilité de la consommation jouent en faveur des prix de l’électricité. Mécaniquement, cela améliore les résultats des producteurs historiques d’électricité… C’est d’ailleurs ce que révèle notre étude : beaucoup de producteurs d’électricité repassent dans le vert !

  • Dans ce document, il est également indiqué « une hausse de la consommation [électrique] portée par les pays d’Europe centrale et de l’Est » (+2% de 2016 à 2017). Les interconnexions permettront-elles d’éviter les risques de coupure à l’avenir ?

Le conseil européen a appelé les pays européens à dimensionner leur réseau d’ici 2020 de façon à pouvoir véhiculer au moins 10% de leur capacité de production d’électricité via les interconnexions. Les pays de l’Est, où la hausse de consommation est la plus forte, demeurent cependant encore loin de cet objectif. Ainsi, les pays concernés par le risque de coupure doivent pouvoir sécuriser leur approvisionnement au niveau national, voire en local, notamment pour assurer la qualité de la tension sur le réseau. Les interconnexions sont parfois plus adaptées pour réduire les investissements et permettent malgré tout d’améliorer la qualité de desserte électrique…

  • La consommation électrique de l’Allemagne a quant à elle progressé de 4,4% en 2017, notre voisin doit-il renoncer à sortir du nucléaire selon vous ?

En 2017, en Allemagne, la plus grande part de production d’électricité était couverte par le charbon. Celui-ci assure environ 40% du mix énergétique. Le gaz se limite lui à près de 8%. La capacité nucléaire participe à hauteur de 13%. Il est important de noter que ces capacités de production non renouvelables répondent à une part de la consommation stable et continue au niveau national. En effet, quand on remplace le nucléaire, il faut conserver des capacités pilotables, afin de tenir compte de l’incertitude des phénomènes météorologiques.

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Pour le moment, l’Allemagne n’a pas réussi à diminuer significativement sa production de charbon tout en diminuant le nucléaire. Il est possible de sortir du nucléaire en Allemagne, mais au prix d’un ralentissement de la sortie du charbon, et probablement à terme, d’un renforcement du gaz dans le mix énergétique allemand (comme en témoignent les projets North Stream 2 et le probable terminal méthanier supplémentaire). Sur un horizon plus lointain, il y aura peut-être une diminution drastique du besoin pilotable et un besoin en gaz qui sera couvert par le biogaz… Ce scénario reste cependant une simple hypothèse pour le moment. La démonstration reste à faire, et les projets d’infrastructures gazières fossiles contrarient cette hypothèse…

S’il y a bien quelque chose que les fins de présidence de Pierre Gadonneix et Henri Proglio nous ont appris, c’est qu’un président d’EDF doit défendre les intérêts de son entreprise, mais tout en gardant une relation pacifiée avec son actionnaire majoritaire, à savoir l’Etat. Pour ce nouveau mandat, l’État a choisi de reconduire celui qui a lancé les plans solaire et stockage éléctrique. Avec cette stratégie, le PDG a su ménager son actionnaire majoritaire et préserver ses intérêts dans la PPE, le tout en affrontant une baisse historique des prix de marchés. La reconduction est donc peu surprenante à la veille de l’annonce de résultats financiers plutôt positifs.

Pour préparer l’avenir d’EDF, il faut avoir une bonne connaissance de l’entreprise et une bonne relation avec l’Etat. D’autant qu’EDF reste le premier électricien d’Europe. Et si l’électricien a certes été chahuté sur le marché, il se distingue vis-à-vis de ses homologues européens (et en particulier les Allemands, dont la structure reste à stabiliser). C’est en tout cas ce que révèle l’étude sur la santé financière des producteurs que nous faisons depuis 4 ans maintenant .

  • Alors que le rapport Quinet 2 vient d’être remis au Premier ministre, diriez-vous que la taxe carbone a encore un avenir en France en cette période de grand débat ? Et en Europe ?

Le rapport Quinet 2 portait surtout sur une valeur tutélaire du carbone, à savoir la valeur qu’il faudrait donner au CO2 dans un business plan. Cette valeur permettrait notamment de déterminer la rentabilité des nouveaux projets d’infrastructures, en intégrant leurs externalités négatives face au réchauffement climatique. C’est donc complètement différent de la taxe carbone ; ce prix ne serait pas payer mais entrerait en compte dans les décisions d’investissement.

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Quant à la taxe carbone, il faut déjà bien voir qu’elle existe toujours : c’est son augmentation qui a été gelée. Elle pourrait néanmoins encore augmenter à l’avenir, à condition de préparer des alternatives pour ne plus émettre du CO2, en particulier pour la mobilité. Jouer uniquement du bâton sans jamais tendre la carotte, risque de renforcer les oppositions et les chances d’échec de la taxe carbone.

Malheureusement, en Europe, tant que nous aurons d’importants écarts dans les émissions de CO2, notamment au niveau du mix électrique, les valeurs plancher du carbone ou les taxes carbones européennes auront peu de chances d’aboutir. C’est justement ce qui fait échouer toutes les discussions avec l’Allemagne, qui ne veut pas pénaliser son industrie en raison de sa production d’électricité toujours très carbonée.

  • Avec le développement de l’électromobilité, quelles sont les perspectives de croissance pour les producteurs d’électricité ?

C’est une idée reçue qui a la peau dure de penser que le véhicule électrique va faire exploser la consommation électrique. Pourtant, tous les organismes compétents s’accordent à dire que l’impact de la mobilité électrique sera limité sur la croissance de consommation. Si la moitié de la flotte thermique passe à l’électrique en gardant des usages constants, nous n’aurions une hausse de consommation que de 7%. Sachant que cet objectif doit être atteint à horizon 2040, cela sera largement compensé par l’efficacité énergétique dans d’autres domaines (chauffage et éclairage principalement).

A cela s’ajoute que le véhicule électrique ne sera pas utilisé comme un véhicule thermique : de nouveaux usages permettraient de limiter la consommation. Le réel impact du véhicule électrique sera plutôt au niveau du réseau : il faudra pouvoir gérer les appels en puissance. La solution résidera plus dans l’implémentation des Vehicul-to-Grid (V2G) que dans des moyens de production, qu’ils soient renouvelable, nucléaire ou fossile. Ce sont donc vers les technologies de l’information et leurs usages qu’il faudra se tourner.

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À propos de l'auteur :
Cabinet Colombus Consulting
Colombus Consulting est un cabinet de conseil spécialisé dans la transformation des organisations confrontées à des changements majeurs. Nicolas Goldberg, manager sénior Energie & Environnement et Sanaâ Bensaid, consultante Energie & Finance sont notamment à l'origine d'une étude sur la santé financière des producteurs d'électricité.

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