En l’absence d’un accord cadre sur le Brexit, le Royaume-Uni s’interroge sur son avenir énergétique. Le pays est très dépendant des importations de gaz. Il compte donc sur le gaz de schiste pour assurer son approvisionnement. Le gouvernement a donc donné son feu vert pour relancer l’exploitation du gaz de schiste sur le territoire britannique. Pourtant, début janvier 2019, le maire de Manchester, Andy Burnham, a interdit l’utilisation de la fracturation hydraulique dans 10 arrondissement du Grand Manchester…
D’où vient le gaz consommé par le Royaume-Uni ?
Le gaz est utilisé par 80% des 25 millions de foyers britanniques. Le gaz sert aussi à alimenter plusieurs centrales électriques. Près d’un quart de l’électricité produite au Royaume-Uni est ainsi tributaire des importations de gaz. En 2017, il a dû importer 56% de son gaz consommé. Les deux principaux pays fournisseurs sont la Russie et la Norvège.
Jusqu’ici, le Royaume-Uni pouvait aussi compter sur les réserves de la mer du Nord. C’est de cette zone que le pays tire près de 44% du gaz qu’il consomme. Mais ces réserves diminuent. Entre 2007 et 2017, la production de gaz issu de la mer du Nord a fortement diminué. La question de l’approvisionnement en gaz devient donc problématique. Une problématique encore renforcée par l’incertitude autour du Brexit. Les futurs échanges énergétiques avec les pays européens ne sont pas assurés, tant pour l’électricité que pour les hydrocarbures, en l’absence d’un accord avec les partenaires de l’UE.
Le recours au gaz de schiste
C’est dans ce contexte que le gouvernement de Theresa May s’est prononcé en faveur du gaz de schiste. L’exploitation du gaz de schiste au Royaume-Uni n’est pas une solution nouvelle. Mais elle a été abandonnée en 2011. Le problème ? Pour extraire le gaz de schiste du sol, il faut avoir recours à la fracturation hydraulique. Cette méthode requiert de grandes quantités d’eau et l’usage de produits chimiques. Mais c’est surtout le risque de microséismes qui a signé l’arrêt de l’exploration du gaz de schiste. En mai 2011, sur le site de Blackpool, l’usage de la fracturation hydraulique a entraîné plusieurs microséismes, atteignant une magnitude de 2,3 sur l’échelle de Richter. Face à la levée de boucliers des riverains, un moratoire avait alors été décidé.
Sept ans plus tard, la technique de la fracturation hydraulique ne fait toujours pas l’unanimité auprès du grand public. Mais le gouvernement britannique estime qu’il y a urgence. L’exploitation des réserves de gaz de schiste domestique est devenue une priorité pour désamorcer tout risque de pénurie dans l’approvisionnement du gaz. La fracturation hydraulique a donc repris, en octobre dernier, sur le site de Preston Nex Road. Cuadrilla Resources exploite le site et utilise la fracturation hydraulique pour explorer les gisements. Cette exploration doit évaluer la quantité de gaz présent. Elle doit aussi fournir un profil géologique du sol pour déterminer la faisabilité et les coûts de production d’une éventuelle exploitation du site.
Microséismes à répétition, un risque pour les nappes phréatiques
Les espoirs de lancer une exploitation de gaz de schiste dans les prochaines années ont pourtant été sérieusement entamés. Le 23 octobre 2018, quelques jours seulement après la reprise de la fracturation hydraulique, un microséisme a de nouveau été enregistré. D’une magnitude de 0,4, il a forcé les responsables de Cuadrilla Resources à stopper l’exploration. L’exploration a repris après cet arrêt de précaution… pour être à nouveau stoppée le 29 octobre. Ce jour-là, un nouveau microséisme a été enregistré, plus puissant que le précédent (1,1 de magnitude). Les opérations ont été suspendues pendant dix-huit heures avant de reprendre.
Toutefois, John Ashton, un ancien diplomate chargé du changement climatique au ministère britannique des affaires étrangères, explique : « Le principal danger n’est pas en surface, mais au niveau du puits. Si son intégrité était mise à mal, cela pourrait provoquer une fuite du liquide de la fracturation hydraulique, risquant de contaminer les nappes phréatiques. » En France, Nathalie Kosciuscko-Morizet avait d’ailleurs invoqué le principe de précaution pour obtenir un moratoire sur la fracturation hydraulique.
Quel est le vrai potentiel du gaz de schiste ?
Outre les problèmes sismologiques, l’exploitation du gaz de schiste se heurte aussi à une interrogation autour des réserves réelles de gaz de schiste dans le sol britannique. Quelle est la quantité exacte de gaz de schiste dans les gisements identifiés ? Tant que la phase exploratoire n’est pas terminée, il est impossible de répondre à cette question.
L’Administration américaine de l’Information sur l’Energie s’est penchée sur la question dans un rapport de 2015 sur le potentiel du gaz de schiste au Royaume-Uni. Ce rapport indique que les conditions géologiques du Royaume-Uni sont peu favorables à l’exploitation du gaz de schiste. La faute à des données géologiques incomplètes. Néanmoins, dans la région du Grand Manchester, d’importants gisements existeraient bel et bien. Malgré cela, le maire a confirmé son opposition à la fracturation hydraulique. Selon, Andy Burnham, il s’agit « d‘une position ferme pour le compte des 10 arrondissements et du Grand Manchester dans son ensemble, où nous disposons d’un grand nombre de sites potentiels. »
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