Au moment de célébrer son dixième anniversaire, le producteur d’énergies vertes h2air diversifie ses activités. Après avoir annoncé son intention de développer des parcs solaires, en plus de ses installations éoliennes, son président Roy Mahfouz a accepté de répondre aux questions de L’Energeek…
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H2air a remporté en février un appel d’offres du gouvernement dans l’éolien terrestre. Cet appel d’offres concerne 22 projets et fixe une rémunération moyenne à 65,40€/MWh, dans ces conditions diriez-vous que l’éolien terrestre est compétitif face aux énergies traditionnelles ?
Devenir compétitif sur le marché, c’était le challenge d’hier pour les énergies renouvelables. Quand on regarde le coût des EPR à Hinkley Point, l’éolien et le solaire sont effectivement des solutions attractives. Lors de l’appel d’offres de la CRE portant sur l’éolien terrestre de décembre dernier, l’éolien a démontré être capable de proposer des prix de 65 euros le mégawattheure, alors même que nous sommes toujours en retard sur nos voisins européens. Alors que nous installons encore des projets qui ont été développés il y a 10 ans, avec des petites éoliennes de 80 à 110 mètres de diamètre, les Allemands installent des éoliennes de 130 mètres de diamètre, voire plus. Or, la taille des éoliennes est l’un des principaux facteurs de compétitivité pour cette industrie. Avec l’arrivée de projets autorisés avec des technologies plus récentes, il y a fort à parier que nous observerons encore une chute des prix dans les prochains appels d’offres français.
Les EnR sont de plus en plus matures et plus avancées technologiquement. Elles représentent incontestablement l’avenir du secteur de l’énergie. Lorsque h2air a commencé à installer des éoliennes il y a 10 ans, le tarif de rachat de l’électricité éolienne s’élevait à 82 euros le mégawattheure, ce qui était très proches des énergies fossiles. Déjà à l’époque, elles étaient intéressantes car elles proposaient une alternative propre à ces énergies fossiles. Même par rapport au gaz, les EnR peuvent être considérées comme une alternative économique, particulièrement si on prend en compte l’impact environnemental, avec notamment le développement du principe pollueur-payeur et du marché carbone. Indépendamment du prix du CO2, nous sommes persuadés que l’éolien et le solaire atteindront bientôt la parité réseau.
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En tant que membre de l’association France Energie Eolienne et/ou en tant que développeur/exploitant, êtes-vous satisfait des conclusions du groupe de travail sur l’éolien organisé par le Ministère de la Transition Écologique, publiées le 18 janvier ?
Le positionnement du gouvernement est positif en misant fortement sur le développement des énergies renouvelables. Toutefois, il y a encore des pistes à étudier pour améliorer le cadre réglementaire de l’éolien. Pour raccourcir les délais de développement des projets, il a été décidé d’examiner directement les recours en Cour d’appel, ce qui va nous permettre de gagner 2 à 3 ans tout en respectant les droits des justiciables Parallèlement, les délais pour l’instruction des dossiers vont également être raccourcis. Cette approche avait d’ailleurs été initiée sous le précédent quinquennat.
L’autre sujet important sur lequel nous sommes en train de travailler, c’est le partage de l’espace aérien avec les autres usagers, que sont l’aviation civile et l’aviation militaire. Actuellement, nous avons en France des contraintes assez dures. De ce fait, nos éoliennes restent relativement petites ; nous ne parvenons pas à installer les plus récentes qui permettraient d’obtenir de meilleurs rendements. Même si nous n’avons pas encore pu obtenir les avancées attendues sur ce sujet avec le groupe de travail éolien, je reste assez optimiste pour l’évolution de la réglementation dans les années à venir.
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La CNDP a organisé un débat public sur la révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), quelles sont pour vous les attentes de la filière éolienne ?
Le débat public doit traduire le choix de société qui s’offre à nous. Le gouvernement prépare avec la PPE une feuille de route pour la politique énergétique, particulièrement en ce qui concerne la production d’électricité. Il me semble qu’il est très important que les décisions qui seront prises soient légitimées. Le débat public devait justement contribuer à cette légitimation. Par le passé, nous avons constaté que des décisions prises n’avaient pas toujours pu être exécutées, ou confirmées, comme par exemple l’objectif de réduire la part du nucléaire à 50% du mix électrique à l’horizon 2030-2035.
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En mars 2018, vous avez annoncé votre intention d’élargir vos champs de compétences pour produire de l’énergie solaire, pouvez-vous nous en dire plus ?
Tout comme nous avons réussi avec l’éolien à porter une technologie à maturité, nous espérons atteindre assez rapidement la parité réseau avec le solaire. En Espagne, on constate que des projets PV se construisent sans que le gouvernement mettent en place des mécanismes de soutien, notre objectif est de parvenir au même résultat en France. Bien-sûr, ces installations se développent dans des zones géographiques avec un fort taux d’ensoleillement, et bénéficient donc une production très élevée.
Nonobstant, la technologie est en train d’avancer et c’est pareil pour l’économie des projets en général. En somme, nous sommes convaincus que notre monde est en train de changer grâce à l’éolien et au photovoltaïque (ndlr : PV), et nous voulons accompagner ce changement. Quand nous avons commencé dans l’éolien, les prix du PV étaient encore trop élevés et nous ne pensions pas que cette technologie puisse atteindre à court terme les niveaux de prix du marché. Dix ans plus tard, il faut reconnaître que le PV a énormément gagné en efficacité, il peut désormais rapidement devenir compétitif, et les perspectives économiques sont particulièrement intéressantes puisque le marché est devenu mondial ; l’exemple chinois étant sûrement la démonstration la plus manifeste de son potentiel.
Nous avons décidé de nous positionner sur ce marché, en nous concentrant sur le développement de grandes centrales photovoltaïques posées. Nous pensons que nous disposons des moyens pour réussir dans ce secteur, car il sollicite des compétences qui sont assez proches de celles que nous développons sur des projets d’envergure, aux côtés des élus locaux et des citoyens. Sur le plan technologique, nous avons par ailleurs une bonne maîtrise des raccordements au réseau électrique, qui concernent tant les projets éoliens que solaires.
Nous avons observé lors des deux derniers appels d’offres que le coût du mégawattheure s’est stabilisé un peu au-dessus des 55 euros/mégawattheure pour les centrales au sol de plus de 5MWc. Dans une perspective de long terme, quand on élabore un business plan d’un projet photovoltaïque qui verra le jour dans 4 ou 5 ans, on peut raisonnablement tabler sur une amélioration de la performance. C’est justement ce défi que nous souhaitons relever.
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Que pensez-vous du rythme de déploiement des EnR en France par rapport au reste de l’Europe ? Celui-ci vous semble-t-il suffisant pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris ?
S’il y a un sujet sur lequel nous n’avançons pas assez vite en France, c’est bien l’éolien offshore ! Et c’est regrettable car nous disposons pourtant d’un des plus importants gisements d’Europe. Malheureusement, le constat est similaire pour l’éolien on-shore… Quand on compare à nos voisins, on s’aperçoit que nous sommes également en retard. Aussi, je dirais qu’en matière d’EnR, la France peut mieux faire, et même, qu’elle doit mieux faire.
Pour l’éolien offshore, on a beaucoup parlé du tarif, que certains considèrent comme élevés, mais ce n’est pas la principale raison qui explique le retard des projets jusqu’à présent. Pour de tels investissements, il y a aussi une question de confiance : la confiance dans la parole de l’État et la confiance dans les procédures. Quand h2air participe à un appel d’offres par exemple, on étudie longuement les conditions pour proposer un prix, il est donc très difficile de le modifier a posteriori. Voir le chiffre renégocié des années plus tard, c’est très malsain pour une industrie qui est en train de naître, et nous trouverions très positif de voir des emplois créés dans de nouvelles usines ou dans les métiers de la mer. Ouvrir la possibilité de renégocier tous les appels d’offres, mêmes ceux qui seront signés plus tard, c’est très dangereux. Il faut absolument préserver juridiquement la notion de contrat, afin de ne pas exposer les projets à des décisions qui pourraient ultérieurement être remises en cause par des décisions purement politiques.
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Parallèlement, la Chine et l’Inde développent massivement l’éolien et le solaire, est-ce encourageant pour le respect de l’Accord de Paris ?
Nous ne pouvons qu’applaudir les ambitions de ces deux grands pays. Il faut que le reste du monde réagisse aussi rapidement et installe des nouvelles unités de production. Sur le marché de l’éolien, les produits chinois ne parviennent pas à concurrencer nos modèles, bien qu’aucune mesure protectionniste ne vienne encadrer notre secteur d’activité. L’industrie éolienne du vieux continent est presque à 100% Made In Europe, même si nous importons certains métaux car nous ne produisons pas toutes les matières premières. Nos produits ont une meilleure qualité parce qu’ils répondent aux exigences élevées que nous nous fixons.
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Enfin, que pensez-vous des opposants aux éoliennes ? Comment tenez-vous compte des craintes exprimées par certains riverains et/ou certaines associations de défense des animaux ?
Chez h2air, nous travaillons avec une très grande transparence. Dès les premiers contacts, nous avançons mains dans la main avec les élus, à qui nous faisons confiance qui nous font confiance. Nous écoutons par ailleurs les craintes et les interrogations des citoyens, ce qui peut aussi nous amener parfois à modifier nos projets.
L’importance c’est la transparence, ce qui ne nous empêche pas d’avoir des recours sur nos dossiers. Les recours ne sont pas le fait d’un grand nombre d’opposants. Nous sommes dans un pays de droit, et il est normal que cette possibilité existe, même si de temps en temps nous regrettons que des discussions ne puissent pas être menées au préalable, c’est-à-dire avant de recourir à la voie contentieuse.
L’impact de l’éolien sur la biodiversité est très encadré. Aujourd’hui nous travaillons avec les associations environnementales pour réduire au maximum l’impact des éoliennes sur la faune et la flore. L’objectif c’est évidemment de prendre en compte les derniers résultats des recherches et de les implémenter dans les standards de construction de nos parcs. Sur l’ensemble de ces problématiques, on collabore au quotidien avec la LPO, avec FNE ou le WWF. C’est pourquoi, dans la grande majorité des cas, ces associations ne déposent pas de recours sur nos projets, car nous tenons compte de leurs remarques dès l’instruction des projets.
Ce qui est paradoxal, c’est qu’aujourd’hui le réchauffement climatique a un impact considérable sur la biodiversité, comme l’a encore récemment démontré le rapport de la Plateforme Intergouvernementale Biodiversité et Services Écosystémiques, et malgré cela, certains utilisent ce prétexte pour freiner le développement des EnR. Nous ne disons pas que l’éolien n’a pas d’impact paysager, mais celui-ci est maîtrisable et nous œuvrons en ce sens. En tant que président de la commission environnement de France Energie Eolienne, je peux vous garantir que l’ensemble de la filière est attentif à améliorer ses pratiques.
Crédits photos: ®DR & ®Mathieu Farcy
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