Si les énergies solaire et éolienne représentent incontestablement le futur d’une production énergétique plus respectueuse de l’environnement et du climat, la transition engagée par le gouvernement français ne pourra se concrétiser sans le maintien d’une énergie de complément capable d’accompagner la maturation technologique et économique de ces ressources renouvelables. L’énergie nucléaire, énergie à la fois bon marché, stable et décarbonée, dispose dans ce cadre de capacités de modulation qui lui permettent de s’ajuster à ces nouvelles productions intermittentes, et lui garantissent de fait, un rôle de premier ordre dans le renouvellement du mix électrique national.
Un parc nucléaire flexible et manoeuvrable
Représentant plus des trois quarts de la production électrique nationale, les centrales nucléaires françaises jouent depuis le début des années 1980 le rôle de tampon et de stabilisateur en garantissant l’équilibre entre l’offre et la demande sur le réseau électrique. A la fois réactives, flexibles et facilement manœuvrables, elles offrent la possibilité de réguler leur puissance en fonction des variations de la demande d’électricité.
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Les réacteurs nucléaires peuvent ainsi faire varier à la hausse ou à la baisse, jusqu’à 80 % de leur puissance en moins de 30 minutes et ce, deux fois par jours, ce qui représente plus de 1000 MW sur un réacteur de 1300 MW et 700 MW sur un réacteur de 900 MW. Ce fonctionnement en mode « suivi de charge », spécifique au parc nucléaire français, permet de compenser les variabilités sur le réseau, de garantir la stabilité de sa fréquence (normalement à 50 Hz), et de compléter dans des délais très court l’éventuelle défaillance d’une autre source de production.
Une modulation indispensable au développement des énergies renouvelables
Ces capacités d’adaptabilité et de variabilité, déterminantes pour la transition énergétique en cours, permettent en effet aux centrales nucléaires de remplacer les centrales de production thermique au fioul et au charbon, longtemps utilisées comme moyens pour passer les pics de consommation (mais vouées à disparaître ou à se transformer dans les prochaines années compte tenu des nouvelles normes européennes en matière d’émissions industrielles), et surtout de mieux intégrer la production des énergies renouvelables sur le réseau.
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Si les progrès techniques en matière d’énergies vertes sont prometteurs, la question du stockage à grande échelle de l’énergie électrique n’est pas résolue. Ces énergies (solaire et éolienne principalement) sont encore trop dépendantes des aléas climatiques, et ne peuvent se substituer à elles-seules aux combustibles fossiles et garantir une production d’électricité suffisante, stable et bon marché. Face à leur intégration croissante et à la fluctuation dans la production qu’elles impliquent, les moyens de production « stables » que sont les énergies nucléaire et hydroélectrique doivent donc s’adapter et varier davantage. Pour cela, les équipes du groupe EDF ont travaillé ces dernières années sur le renforcement de la modularité du parc nucléaire via la mise en œuvre d’un programme d’optimisation du pilotage national comprenant une meilleure coordination des essais hebdomadaires et mensuels auxquels chaque réacteur est soumis. « Le parc nucléaire a toujours su faire de la modulation, mais ce qui change avec l’intermittence des énergies solaire et éolienne, c’est que nous avons besoin de faire varier davantage de réacteurs en même temps », explique dans les Echos Stéphane Feutry, délégué à l’état-major à la Direction de la production nucléaire d’EDF.
Les résultats de cette nouvelle politique de gestion coordonnée ne se sont pas fait attendre et permettent dès à présent de moduler la puissance de deux réacteurs sur trois de manière simultanée (contre un sur deux auparavant), et de compenser ainsi en cas de besoin l’ensemble de la production renouvelable nationale. Des études de la R&D et de la DOAAT (Direction Optimisation Amont/Aval & Trading) simulant le système électrique jusqu’en 2030, affirment même que les capacités de variation du parc nucléaire seront suffisantes pour adapter la puissance à celle des renouvelables, et compenser un volume de production d’éolien et de solaire quatre fois plus important dès 2020.
Nucléaire et renouvelables : des énergies complémentaires
En fin de compte, si moduler la production nucléaire renforce effectivement les besoins en maintenance (les installations étant un peu plus sollicitées), la manœuvrabilité accrue du nucléaire facilite clairement l’intégration des énergies renouvelables intermittentes dans le réseau électrique, et rappelle une fois encore la nécessité de construire un mix électrique équilibré et décarboné à coût raisonnable en s’appuyant sur des technologies complémentaires.
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Le tout renouvelable, bien que séduisant, semble en effet peu réaliste pour le moment tant les défis à relever en matière de stockage sont immenses, et l’ensemble des filière bas-carbone (éolien, solaire, biomasse, hydraulique, nucléaire, etc.) doivent être encouragées si l’on veut parvenir à décarboner notre système d’approvisionnement énergétique à moyen terme.
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