Nord Stream 2 : pourquoi le nouveau gazoduc déchire l’Europe ?

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Nord Stream 2 : pourquoi le nouveau gazoduc déchire l’Europe ? | L'EnerGeek

Le 24 avril 2017, le contrat de financement pour le futur gazoduc Nord Stream 2 a enfin été bouclé à Paris. De quoi satisfaire les entreprises partenaires du projet qui doit permettre d’alimenter une partie de l’Europe en gaz russe. Pourtant, si la Russie et l’Allemagne se réjouissent de cette avancée, la Pologne et l’Union Européenne sont plus que jamais opposées au projet. De nombreuses dissensions ont éclaté ces dernières années entre les différentes parties, et le projet d’importation de gaz rencontre des obstacles variés à plusieurs niveaux. Dernier rebondissement en date : plusieurs associations écologistes font entendre leurs voix contre le tracé du futur gazoduc. Mais derrière les positions défendues par les différentes parties, c’est la question de la stratégie énergétique de l’Union Européenne qui est en jeu avec ce projet russe.

Le projet Nord Stream 2

C’est en 2012 que le gazoduc Nord Stream a été mis en service par l’entreprise russe Gazprom. Partant de la Russie pour atteindre l’Allemagne en passant par la mer Baltique grâce à un tronçon sous-marin, le gazoduc devait permettre de transporter facilement le gaz dont l’Allemagne et plusieurs autres pays européens ont besoin. Mais rapidement il s’est avéré qu’un seul gazoduc n’était pas suffisant pour couvrir tous les besoins. L’idée est donc apparue : doubler le tracé du Nord Stream avec un second gazoduc qui permettrait de doubler les capacités d’exportation de gaz russe à destination de l’Allemagne.

Pour le projet Nord Stream 2, l’entreprise Gazprom peut compter sur le soutien de ses partenaires : le français Engie, les allemands Uniper et Wintershall, l’autrichien OMV et l’anglo-néerlandais Shell. En revanche, le projet suscite beaucoup d’opposition de la part de plusieurs pays d’Europe de l’est, la Pologne en tête. En août 2016, le premier projet lancé pour Nord Stream 2 avait d’ailleurs été stoppé net à cause d’un avis défavorable rendu par l’autorité de la concurrence polonaise. Mais le projet semble à nouveau sur les rails puisqu’un nouvel accord de financement vient d’être trouvé le 24 avril 2017 à Paris. Il est prévu que Gazprom soit le seul actionnaire de ce projet dont le budget annoncé est estimé à 9,5 milliards d’euros. Les entreprises partenaires financeront la moitié de ce budget, avec une répartition à part égale de 950 millions d’euros. Le gazoduc devrait mesurer 1 220 km de longueur, offrir une capacité de 55 milliards de m3 et être en service pendant cinquante ans. Si un accord européen est trouvé et que les travaux peuvent commencer fin 2017, il est prévu que le gazoduc soit opérationnel dès 2019.

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Une aubaine énergétique pour l’Allemagne

En Allemagne, le projet Nord Stream 2 est accueilli avec enthousiasme par le gouvernement fédéral qui voit là une opportunité énergétique à ne pas laisser passer. C’est d’ailleurs Gherard Schröder, l’ancien chancelier allemand, qui a pris la tête il y a dix ans de l’entreprise Nord Stream AG, chargée d’exploiter le premier gazoduc et de gérer le projet du second. Dans sa transition énergétique, l’Allemagne compte sur le gaz afin de couvrir une partie importante de ses besoins énergétiques. Or les gisements de gaz en Europe ne sont pas suffisants pour l’Allemagne, et leur production a même tendance à décroître. Dans ce contexte, le gaz importé de Russie, qui représente la plus importante réserve au monde, est une ressource dont le pays ne peut pas se passer.

Le parlement allemand s’est déjà positionné clairement en faveur de ce projet par la voix de Peter Ramsauer, le président du Comité Economique et Energétique allemand. Ce dernier a exprimé son soutien au projet Nord Stream 2 car pour lui ce nouveau gazoduc pourrait assurer l’indépendance énergétique de l’Allemagne. Grâce à une importation de gaz montée à une capacité de 110 milliards de mètres cubes, le pays pourrait couvrir ses besoins annuels en gaz grâce à une seule source d’approvisionnement.

L’ancien chancelier allemande, Gerhard Schröder, dirige Nord Stream AG, l’entreprise exploitante du gazoduc, depuis dix ans.

Coalition européenne contre le projet

Malheureusement pour l’Allemagne, l’enthousiasme autour du projet Nord Stream 2 est loin d’être partagé par les autres pays européens, et c’est désormais une véritable coalition qui s’est mise en place, dans laquelle on retrouve non seulement l’Union Européenne mais aussi les pays de l’est et plusieurs associations écologistes, chacun avec ses propres préoccupations.

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En Pologne ainsi que dans d’autres pays de l’est, la société Gazprom est déjà en position de dominance sur le marché du gaz. Les pays de l’est craignent donc que ce nouveau gazoduc renforce encore cette position de leader, ce qui limiterait toute négociation à l’avenir sur le transport et l’importation du gaz. Par ailleurs, depuis le conflit ukrainien en 2014, les tensions entre la Russie et les pays de l’est se sont multipliées, ce qui ne favorise pas les négociations autour de la question sensible de l’approvisionnement énergétique.

Ce nouveau projet soulève aussi beaucoup d’opposition de la part des associations écologistes qui estiment qu’il est un danger pour plusieurs zones naturelles protégées. En Russie, le tracé du gazoduc prévoit notamment qu’il passe par la réserve naturelle de Kurgalsky, ce à quoi s’oppose Greenpeace Russie. En Suède et en Finlande, la tension est montée d’un cran en mars dernier lorsque les travaux ont commencé sur plusieurs sites du tracé. Malgré l’absence d’autorisation officielle, Gazprom a en effet décidé d’avancer les travaux pour ne pas prendre de retard sur son calendrier. Les associations écologistes ont déjà déposé plusieurs recours, mais elles l’avaient également fait pour le tracé du premier gazoduc, ce qui n’avait eu aucun effet sur le tracé final.

Quelle stratégie pour l’approvisionnement de l’Europe en gaz ?

C’est donc un véritable affrontement qui a lieu autour du projet Nord Stream 2. Et la force de décision qui départagera les parties en présence sera certainement l’Union Européenne. Problème : l’Union est très partagée en ce qui concerne ce projet de nouveau gazoduc. D’un point de vue légal, le projet pose problème car la législation énergétique définie par Bruxelles interdit à une entreprise d’assurer à la fois l’extraction, le transport et la vente du gaz. Pour Berlin, cette législation ne devrait pas s’appliquer dans le cas de Nord Stream 2 puisque Gazprom est une entreprise russe et que le gaz est extrait en Russie, c’est-à-dire hors des frontières de l’Union Européenne.

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L’Europe voudrait diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz mais elle encore largement dépendante de la Russie.

Mais l’argument crucial soulevé par Bruxelles concerne un point encore plus problématique : celui de la stratégie énergétique européenne sur le long terme. Alors que l’Union souhaite se diriger vers une diversification de ses sources d’approvisionnement énergétique, la situation de quasi monopole de Gazprom fait naître plusieurs inquiétudes. Bruxelles redoute une situation de dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou qui représente déjà 45% des importations de gaz dans la zone euro. Mais pour se détourner du gaz russe, il faut une solution de secours, et pour l’instant Bruxelles n’en a aucune de fiable. La Norvège, deuxième pays d’approvisionnement en gaz pour l’Europe, ne pourra pas beaucoup augmenter sa production pour couvrir les besoins européens. Pour assurer sa sécurité énergétique, l’Union Européenne va donc être obligée de faire un choix : soit devenir dépendante des approvisionnements russes, soit se tourner vers un autre partenaire. Dans ce dernier cas de figure, les Etats-Unis seraient particulièrement intéressés. C’est donc une partie aux enjeux bien plus élevés qui se joue autour de l’avenir du gazoduc Nord Stream 2. Et l’Union Européenne n’a que peu de temps pour prendre sa décision : en juin 2017, le gouvernement russe devrait donner son feu vert officiel au projet.

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