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Les mini-centrales nucléaires : la nouvelle course énergétique

Plus discrètes et moins coûteuses que leurs aînées, les mini-centrales nucléaires sont actuellement en plein boom. Si la technologie n’est pas encore tout à fait au point, de nombreux pays se sont déjà lancés dans la course à l’atome miniature. Et l’enjeu est des plus élevés car celui qui mettra au point le premier modèle pourra prétendre à un marché mondial potentiellement énorme. De nombreux pays attendent avec impatience de pouvoir développer leur capacité nucléaire à moindre coût. Parmi les derniers prétendants au titre, le Canada vient d’annoncer officiellement son intention de lancer un projet de recherche.

Des centrales plus petites, moins coûteuses et faciles à installer

En matière d’énergie nucléaire, le concept des mini-centrales nucléaires est devenu le Graal depuis le début des années 2000. Là où le coût de construction reste le principal frein au développement d’un parc nucléaire dans de nombreux pays, un projet de moindre envergure semble une alternative séduisante. Par ailleurs, les mini-centrales nucléaires peuvent aussi intéresser des pays disposant déjà d’un parc nucléaire mais souhaitant renforcer leur maillage énergétique. Les grands territoires sont souvent les plus difficiles à équiper et les centrales nucléaires se développent en priorité près des zones à forte densité de population. Dans un cas comme dans l’autre, de mini-centrales nucléaires peuvent être un moyen efficace et rapide pour développer un potentiel énergétique.

Outre la taille et donc le coût de construction, les mini-centrales nucléaires se différencient de leurs aînées par leur capacité de production énergétique limitée. Là où une centrale nucléaire de taille standard peut produire jusqu’à 1 650 mégawatts, le réacteur d’une mini-centrale ne peut pas espérer atteindre plus de 250 mégawatts. Mais cette faiblesse peut aussi s’avérer un argument positif car cela rend les mini-centrales nucléaires plus faciles à installer dans les pays en développement où les réseaux électriques n’ont pas de grosses capacités. Moins coûteuses et plus flexibles, ces centrales nucléaires en format poche ont donc de sérieux arguments pour séduire les pays émergents, et c’est justement ce qui explique que plusieurs pays se soient lancés dans une véritable course énergétique pour les mettre au point en premier.

Le Canada veut développer ses propres mini-centrales nucléaires

Après avoir annoncé en février dernier sa volonté de mettre au point un réacteur à fusion nucléaire, le Canada révèle un nouveau projet énergétique très ambitieux. La semaine dernière, il a annoncé le lancement d’un projet d’étude visant à mettre au point des mini-centrales nucléaires. Plus d’un million de dollars a déjà été alloué à l’étude, et c’est la région de Saskatchewan qui devrait abriter les recherches. Au cœur du travail des chercheurs, c’est la mise au point d’un petit réacteur nucléaire modulaire qui va concentrer le plus gros des efforts. La région de Saskatchewan a été choisie pour le développement du projet car précisément aucune activité d’énergie nucléaire n’y a jamais été développée. Le but des chercheurs canadiens n’est donc pas seulement de réussir à construire une « centrale nucléaire de poche » mais aussi de prouver qu’il est possible d’installer ce nouveau format dans n’importe quel environnement. Si le Canada parvient à mettre au point son projet, de nombreux pays pourraient être intéressés.

La France déjà lancée dans la course

Mais pour réussir, le Canada va devoir rattraper son retard sur l’Europe, et particulièrement sur la France où le développement des mini-centrales nucléaires est lancé depuis le début des années 2010. Malgré la position de certains pays européens qui souhaitent sortir du nucléaire (l’Allemagne en tête), l’Europe reste majoritairement très attachée au nucléaire, et plusieurs pays comme la Hongrie, la Pologne ou encore la République-Tchèque voudraient bien développer la capacité de leur parc nucléaire dans les années à venir. Le porte-étendard de ces tenants du nucléaire reste la France, premier pays à avoir massivement développé le nucléaire dans les années 1970. Et après avoir construit un considérable parc de grandes centrales, la France se verrait bien investir dans les mini-centrales nucléaires.

Le projet Flexblue intéresse déjà plusieurs pays, notamment l’Indonésie.

DCNS, le constructeur naval militaire français (spécialisé dans les sous-marins nucléaires), travaille conjointement avec Areva, EDF et le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) à la mise au point d’une mini-centrale nucléaire immergée. Le projet baptisé Flexblue permettra l’exploitation d’une unité de production de 50 à 250 mégawatts. Il pourrait être mis en service d’ici 2018. Ce réacteur de 12 000 tonnes aura la forme d’une capsule et il sera installé à 100 m de profondeur sous la surface de la mer. Amarré au fond marin et entouré d’un filet de protection métallique, il devrait ainsi être moins vulnérable aux catastrophes naturelles ou aux attaques. Surtout, Flexblue a vocation à être installé au large de n’importe quelle côte, soit dans une configuration isolée soit en groupe de plusieurs unités. A l’image des fermes éoliennes, les mini-centrales nucléaires pourraient être construites par petits groupes à une dizaine de kilomètres de distance les unes des autres pour couvrir toute une côte par exemple. Enfin, le projet Flexblue affiche un argument de poids pour séduire d’éventuels clients : son coût. L’installation d’une mini-centrale nucléaire de ce type est estimée par les ingénieurs de DCNS entre 100 millions et un milliard d’euros… soit bien moins cher que le prix d’une centrale nucléaire ordinaire.

Les États-Unis et la Chine en bonne position

Même si la France semble très bien positionnée dans la course aux mini-centrales nucléaires, ses concurrents sont aussi bien placés. Et les plus avancés dans le domaine sont les États-Unis et la Chine, qui cherchent à mettre au point une nouvelle solution en matière d’énergie nucléaire, en chacun suivant des pistes différentes.

Aux États-Unis, c’est la piste d’un micro-réacteur nucléaire qui est privilégiée. Les chercheurs de Transatomic, en lien avec le MIT, travaillent à la mise au point d’un réacteur nucléaire à sels fondus de petit format qui serait à la fois moins cher qu’un réacteur nucléaire classique et plus sûr. Construit en série en usine et pouvant ensuite être acheminé partout dans le monde, ce mini-réacteur nouvelle génération n’aurait pas besoin d’être assemblé sur place, ce qui diminuerait de moitié son coût de fabrication. Or, c’est précisément l’argument du coût de construction qui a freiné le développement du parc nucléaire américain ces dernières années. Le projet américain présente un autre avantage, et non des moindres : les scientifiques évaluent le potentiel de production de leur mini-réacteur à 500 mégawatts, soit près de deux fois plus de capacité que le projet français Flexblue. Néanmoins, cette énorme capacité énergétique a un coût : 1,7 milliard de dollars, c’est beaucoup plus que le coût de Flexblue. Autre point noir : la technologie de ce mini-réacteur à sels fondus ne sera pas opérationnelle dans l’immédiat. Les chercheurs comptent huit ans de recherche pour mettre un modèle d’essai au point. Et il faudra encore compter quelques années avant la mise en production. La ligne d’arrivée est encore loin.

Le projet chinois vise à embarquer un nucléaire de petite taille sur un bateau spécialement conçu pour l’accueillir et ainsi servir de centrale nucléaire flottante.

Le projet chinois, lui, présente une échéance bien plus proche. La Chine aussi souhaite s’équiper de mini centrales nucléaires afin d’augmenter la capacité de son parc nucléaire d’ici 2020 pour atteindre une capacité totale de 58 gigawatts. Surtout, elle veut être capable de produire de l’énergie partout sur son vaste territoire. Depuis 2016, deux entreprises chinoises spécialisées dans l’énergie nucléaire, China National Nuclear Corporation et China General Nuclear, développent des projets de mini-centrales nucléaires flottantes. L’idée : équiper des bateaux de petits réacteurs nucléaires qui seront ensuite capable d’alimenter les zones côtières et d’aller approvisionner en électricité les plateformes pétrolières ou gazières chinoises. Le premier modèle devrait être prêt pour 2019, ce qui assurerait à la Chine une belle longueur d’avance sur les projets concurrents pour remporter le marché tant convoité des mini-centrales nucléaires.

Rédigé par : La Rédaction

La Rédaction
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