L’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) a inauguré la semaine dernière son nouveau centre de recherche sur les plasmas et sur la fusion nucléaire : le Swiss Plasma Center. Cette nouvelle, très importante pour le milieu de la recherche nucléaire, a été soigneusement suivie par l’ensemble des pays européens membres du groupe Eurofusion et plus généralement par l’ensemble des parties prenantes du projet international ITER. En cas de succès, ce dernier pourrait, d’ici quelques décennies, révolutionner le secteur de la production d’énergie.
La fusion nucléaire, qu’est-ce que c’est ?
Les profanes confondent souvent les termes de fusion et de fission nucléaires. La fission, méthode bien connue et déjà largement utilisée dans le monde entier dans les centrales nucléaires présente l’inconvénient majeur de produire des déchets radioactifs dont on peine encore à optimiser le stockage.
La fusion nucléaire, elle, est une technologie qui n’est pas encore maîtrisée mais qui promet des perspectives presque miraculeuses en matière de production énergétique. Sur le principe, la fusion nucléaire est la même énergie qui permet aux étoiles de briller. Dans les faits et pour être utilisable sur notre planète, la méthode consiste à chauffer une « soupe de particules chargées », c’est-à-dire un plasma à une température d’environ 150 millions de degré Celsius, soit 10 fois plus qu’au cœur du soleil.
Cette fusion serait réalisée dans un environnement confinés appelée tokamak. Les tokamaks mis au point actuellement sont des sortes de chambres métalliques en forme de bouée. Un système magnétique doit également y être installé afin d’assurer que le plasma n’entre pas en contact avec les parois du tokamak qui risquerait d’être endommagé par la chaleur.
Dans le plasma, des atomes d’isotopes de l’hydrogène fusionnent, produisant ainsi une quantité d’énergie considérable. L’atout de cette technologie est qu’elle est durable : une fois le processus lancé, l’énergie produite est suffisante pour entretenir elle-même la réaction. D’où une production de déchets radioactifs bien moindre qu’avec la fission.
Le Swiss Plasma Center de l’EPFL
La Confédération Suisse a décidé d’investir 10 millions de Francs Suisses dans le nouveau complexe de l’EPFL. Développé à partir de l’ancien Centre de Recherches en Physique des Plasmas (CRPP), le Swiss Plasma Center va donc devenir l’un des centres de recherches les plus importants au monde en matière de fusion nucléaire. En plus d’abriter des infrastructures à la pointe de la technologie, le site va également accueillir de nombreux scientifiques, spécialistes dans le domaine afin de prendre part au projet dont le montant global des investissements avoisinerait les 15 milliards d’euros.
Le site de l’EPFL se distingue depuis 1992, date de la construction de son TCV, un tokamak à configuration variable dont l’objectif est de tester différents plasmas et la meilleure manière de les confiner, un point déterminant pour la technologie de fusion nucléaire. Des recherches y sont également menées sur les matériaux supraconducteurs qui doivent servir à concevoir les aimants permettant de protéger le tokamak des températures du plasma.
Si le Swiss Plasma Center est concentré sur la technologie de fusion nucléaire, il souhaite également servir à étudier d’autres utilisations possibles des plasmas, dans des domaines aussi variés que la médecine ou la physique des surfaces. Des groupes comme TetraPak travaillent déjà avec le centre de recherche pour trouver des applications industrielles à ces technologies.
L’intégration du Swiss Plasma Center dans le projet ITER
En 2013, le site a été sélectionné par le groupe Eurofusion, avec deux autres, l’un en Allemagne, l’autre en Angleterre pour participer au projet international ITER. Ce projet a vu le jour en 1985, à l’initiative des présidents Reagan, Mitterrand et Gorbatchev et a depuis rallié de nouveaux acteurs comme la Chine, l’Inde, la Corée du Sud ou encore le Japon. L’histoire d’ITER est complexe et a, à plusieurs reprises, connu des complications dû à sa gouvernance et au montant estimé de l’investissement. Depuis 2014, le français Bernard Bigot, ancien directeur du Commissariat français à l’Énergie Atomique a pris la direction d’ITER et a remis le projet sur des rails solides.
Le projet ITER prend progressivement forme dans le sud de la France, à Cadarache, où un prototype de réacteur à fusion nucléaire baptisé DEMO est en cours de conception et devrait être opérationnel pour 2030.
La poursuite de la collaboration entre la Suisse et l’UE sur ce projet est toutefois soumise à la validation par les politiques. En effet, l’accord entre les deux parties n’est pour le moment prévu que jusque 2016, mais tout porte à croire et à espérer que cet accord sera reconduit.
Crédit Photo : Mike Garrett
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