ARC : le réacteur d’Iron Man, de la fiction à la fusion ? - L'EnerGeek

ARC : le réacteur d’Iron Man, de la fiction à la fusion ?

Coupe transversale du réacteur ARC immaginé par les chercheurs du MIT _ photo MIT ARC teamLa fusion atomique fait beaucoup parler d’elle dans les milieux scientifiques. Ce procédé physique permettrait de produire plus d’énergie et moins de déchets radioactifs que la fission, utilisée à l’heure actuelle dans les centrales électriques. Or, aucun laboratoire de recherche n’est encore parvenu à maîtriser ce procédé pour produire de l’électricité. Cela n’est peut-être plus qu’une question de temps. Une dizaine d’années, même, selon des chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (MIT), qui ont imaginé un nouveau réacteur moins coûteux, plus puissant et plus petit que ITER, le réacteur à fusion actuellement en construction en France.

Un pas vers la production d’électricité par des centrales à fusion nucléaire

Dans la fiction « Iron man » de la franchise Marvel, le réacteur « Arc » sert à alimenter l’électroaimant dans la poitrine du héros Tony Stark lorsqu’il est en version réduite et, en version agrandie, à générer du courant pour les industries du jeune millionnaire. Ce réacteur superpuissant n’est plus seulement un pur objet de science fiction, car des chercheurs du MIT ont dévoilé récemment le concept d’un nouveau modèle de réacteur nucléaire à fusion plus performant que ceux imaginés jusqu’à présent et qui, selon eux, pourrait rendre possible la production d’électricité grâce à la fusion des atomes d’hydrogène d’ici une décennie. Ce réacteur a été dénommé ARC, sans doute en référence aux BD et films de la franchise Marvel, mais ici, ARC est un acronyme pour « Abordable, Robuste, Compact » (Affordable, Robust, Compact).

Pourquoi cette nouvelle fait-elle du bruit dans le domaine de l’énergie ? La fusion est envisagée par les scientifiques comme un moyen de répondre à la fois aux problématiques liées à l’énergie nucléaire, notamment en matière de traitement des déchets et d’épuisement des ressources, mais aussi aux enjeux du réchauffement climatique et de l’augmentation de la demande d’électricité, à l’aune du doublement de la population mondiale prévu en 2050. Contrairement à la fission, qui correspond au phénomène de la séparation d’un noyau pour former deux atomes distincts, plus légers, la fusion des atomes consiste à faire s’assembler deux noyaux atomiques légers pour ne former qu’un seul atome, plus lourd. Ce phénomène se produit naturellement sur le soleil. A combustibles équivalents, ce procédé génère 10 fois plus d’énergie que la fission, utilisée actuellement dans nos centrales électriques. La fusion génère moins de déchets radioactifs et mobilise un combustible à base de deutérium et de tritium, deux dérivés de l’hydrogène et ressources considérées comme inépuisables, le tout sans émissions de CO2. C’est pour cela que la fusion nucléaire représente une aubaine pour le monde énergétique et un rêve pour les scientifiques.

L’enjeu de l’efficacité énergétique au cœur des recherches sur la fusion atomique

Cependant, cette réaction physique est très difficile à maîtriser. Si l’on est parvenu à l’utiliser pour concevoir la bombe H, c’est une autre paire de manches pour produire de l’électricité. En effet, une grande quantité d’énergie est nécessaire pour faire chauffer suffisamment les atomes d’hydrogène afin qu’ils fusionnent, et, pour le moment, on utilise plus d’énergie pour produire cette réaction que l’on n’en génère par la fusion.

Les noyaux des atomes d’hydrogène sont chargés positivement et se repoussent les uns les autres. Pour casser ces barrières et susciter la réaction, il est nécessaire de les chauffer à des températures très élevées, jusqu’à 150 millions de degrés, ce qui dépasse la température au cœur d’une étoile. Tout l’enjeu est donc de pouvoir améliorer l’efficacité énergétique pour pouvoir initier la réaction physique en utilisant moins d’énergie, et également de la faire durer suffisamment longtemps.

Pour le moment, il demeure plus qu’incertain si l’on sera capable de produire de l’électricité à partir de la fusion nucléaire dans un futur proche, mais c’est un pari lancé par beaucoup de scientifiques. Le programme le plus important dans le domaine de la fusion est le programme Iter (International Themonuclear Experimental Reactor) financé conjointement par plusieurs nations (les Etats-Unis, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, la Russie et l’Union Européenne).  Ce réacteur expérimental est de type « tokamak » (en forme de donut) et est en construction depuis 2010 à Cadarache, dans le sud de la France. Il devrait être finalisé en 2021. Il se présente comme un complexe massif, de 80m de haut et de 250m de long, le réacteur pesant à lui seul 23 000 tonnes. Son coût, sous-évalué au moment de sa conception, s’élève aux alentours de 15 milliards d’euros. Mais certains spécialistes mettent en doute sa capacité à produire plus d’énergie qu’il n’en consommera.

Des supraconducteurs au cœur du succès de l’ARC

C’est justement à cet enjeu de rendement énergétique que répond le réacteur ARC. Il a été conçu lors d’un cours du professeur Dennis Whyte au MIT. Le professeur, le doctorant Brandon Sorbom et 11 étudiants ont présenté leur réacteur dans un article de la revue scientifique Fusion Engineering and Design paru en juillet dernier. Selon eux, leur réacteur qui se présente aussi comme un « tokamak » serait plus performant que le réacteur expérimental ITER, étant à puissance égale plus petit, moins cher et moins long à construire.

Le secret d’une telle performance ? De nouveaux supraconducteurs. C’est en effet en améliorant la conductivité des matériaux que l’on augmente le champ magnétique, la clé de la réussite d’un réacteur à fusion, dont l’efficacité dépend de sa capacité à maintenir le plasma (ainsi que se nomme l’état d’une matière lorsqu’elle est chauffée à de très hautes températures) dans un espace restreint.

Ces nouveaux supraconducteurs sont composés d’oxyde de cuivre, de baryum et de terres-rares (Rare-Earth Barium copper oxyde) et baptisés REBCO. Ils se présentent sous la forme de rubans et sont plus performants que les câbles de cuivre utilisés à l’heure actuelle. Ils résistent mieux à la chaleur, et permettent de faire durer la réaction physique plus longtemps, repoussant ainsi la limite de quelques secondes atteinte à l’heure actuelle pour les réacteurs expérimentaux. Ils sont, à conductivité égale, beaucoup plus minces, ce qui permet de confectionner des bobines bien plus conductrices. Le champ magnétique ainsi créé au sein du réacteur est plus important, ce qui permet de mieux contenir le plasma dans le cœur du réacteur, permettant ainsi de réduire sa taille.

Plus puissant que le programme ITER ?

C’est plutôt une bonne nouvelle, car ARC est 8 fois plus petit que le réacteur du programme ITER, et constructible deux fois plus vite, en cinq ans seulement. Cela permettrait de réduire les coûts liés à la construction, ceux-ci étant annoncés à 5 milliards de dollars.

Il corrige également certains défauts du réacteur ITER actuellement en construction, en étant démontable, ce qui permet de tester différents matériaux sans avoir à détruire le réacteur dans son ensemble. Il prévoit également l’utilisation d’éléments liquides autour du cœur, qui seront plus faciles à remplacer que des matériaux solides, souvent endommagés par cet environnement hostile. Cela permet de réduire les coûts de maintenance.

Les chercheurs ont expliqué que, malheureusement, il n’était pas possible d’intégrer les nouveaux éléments supraconducteurs REBCO au réacteur ITER, sa construction étant déjà trop avancée.

Si ce réacteur représente un progrès potentiellement important, il faut garder à l’idée que son mode de fonctionnement n’est pas fondamentalement différent de celui de l’Iter. « On n’aboutit pas à un tout nouveau dispositif », fait remarquer le professeur Dennys White. Comme cet autre réacteur, ARC devra faire l’objet de tests et d’expérimentations et prouver sa capacité à produire de l’électricité.

Photo : MIT ARC team

Rédigé par : La Rédaction

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