Comment répondre aux défis de l’électrification en Afrique ? 

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Comment répondre aux défis de l’électrification en Afrique ?  | L'EnerGeek

Réunis à Dar es Salam en janvier 2025, 30 chefs d’État africain se sont engagés à raccorder 300 millions d’africains à l’électricité d’ici à la fin de la décennie. Ils ont donné naissance à la “Mission 300”, dotée d’un soutien financier de plus de 50 milliards de dollars. 

Si l’accès à l’énergie est un droit fondamental qui figure parmi les 17 objectifs de développement durable, 600 millions d’africains n’ont toujours pas accès à l’électricité. Pire encore, 1,2 milliard de citoyens du continent ne disposent pas de solution de cuisson propre, une menace pour leur santé et pour l’environnement.  

Même un pays comme l’Afrique du Sud, poids lourd économique du continent, souffre de coupures d’électricité quasi quotidiennes. Ainsi, il n’est pas rare de voir les agglomérations de Johannesburg et Pretoria, qui accueillent plusieurs millions d’habitants, plongées dans le noir pendant quelques heures. 

L’Afrique est en fait un grand paradoxe : alors que le continent dispose de ressources énergétiques et naturelles exceptionnelles (riches sous-sols, fort taux d’ensoleillement, importantes réserves d’eau, etc.), il souffre d’un déficit de production patent. La comparaison avec la Chine, qui a peu ou prou le même nombre d’habitants, est vertigineuse. Ces cinq dernières années, l’Afrique a mis en service moins de 5% de ce que la Chine a mis en service en une année en termes de capacité de production.

Si des pays comme le Maroc ou le Kenya font déjà figure d’exemples (ce dernier ayant une production d’électricité à 80% d’origine renouvelable et un taux d’électrification de 75%), le reste du continent doit combler son retard. Bonne nouvelle : les ambitions ne manquent pas. En effet, nombre de pays africains se sont récemment dotés de stratégies d’électrification ambitieuses pour pallier ce déficit chronique de production, et donc d’accès à l’électricité des populations. En janvier à Dar es Salam, douze pays comme le Tchad, la RDC, le Nigéria ou la Zambie présentaient leur “pacte énergétique national”, avec des objectifs concrets à l’horizon 2025 ou 2030.

Afrique : miser sur le renouvelable… mais pas seulement

L’Afrique est plurielle et il n’existe donc pas de recette miracle. Il semblerait néanmoins que l’on puisse dessiner les contours d’une stratégie efficace pour accélérer l’électrification du continent. Celle-ci comprendrait tout ou partie des éléments suivants. 

Tout d’abord, et sans surprise, le développement des énergies renouvelables. Si l’Afrique exploite déjà bien son potentiel hydraulique, en témoigne l’iconique barrage hydroélectrique “renaissance” en Éthiopie, elle possède un potentiel en matière de production électrique photovoltaïque exceptionnel. Aujourd’hui, l’hydraulique représente 60% de la production électrique renouvelable du continent, contre 21% pour le solaire. Le potentiel de développement de ce dernier, pour ne donner qu’un exemple, devrait permettre au continent d’augmenter nettement la part du renouvelable dans son mix énergétique global. 

L’installation de nouvelles unités de production renouvelable doit s’accompagner d’investissements dans des réseaux de transport et de distribution souvent vieillissants. De tels investissements, s’ils sont colossaux, permettent non seulement de densifier le réseau, mais aussi de limiter les pertes occasionnées par la vétusté de celui-ci. En effet, en plus de pénaliser les ménages, le manque de fiabilité des réseaux électriques africains représente un véritable manque à gagner pour les économies du continent. En parallèle, les pays africains doivent poursuivre leurs efforts pour interconnecter leurs réseaux et créer des pôles régionaux. 

Vient ensuite le développement des solutions hors réseau. De nombreux programmes déjà à l’œuvre, qui ont la faveur des bailleurs de fonds internationaux (Agence française de développement, Banque africaine de développement, Banque européenne d’investissement), prouvent qu’il est possible de produire une électricité à bas coût au plus proche du consommateur, et ainsi toucher les populations les plus reculées.

Enfin, il convient d’être pragmatique. Les modes de production thermiques doivent être amortis tant que leur état le permet afin de maintenir une production stable. 

La région ouest-africaine : un cas d’école

L’Afrique de l’Ouest, pour prendre un exemple, présente des enjeux énergétiques majeurs. La région accueille 30% de la population du continent, représente 20% de son PIB, mais ne dispose que 12% de la capacité de production installée d’Afrique. En outre, le taux d’accès à l’électricité, enjeu majeur de développement, n’est que de 42%. Mais ce contexte difficile représente une opportunité majeure. Et de nombreux pays l’ont compris. C’est le cas du Bénin, qui s’efforce de suivre la recette du succès susmentionnée, en s’appuyant sur la mobilisation des bailleurs internationaux et du secteur privé.

Le plan quinquennal du gouvernement (PAG 2021-2026) comprend un volet énergétique qui dote le pays d’une stratégique structurante. Ainsi, quatre centrales photovoltaïques sont en train de voir le jour pour une capacité cumulée de 50MW, en plus de la construction d’une centrale de 25MW avec le soutien de l’AFD. En parallèle, la BAD accompagne le pays dans sa stratégie d’extension du réseau : plus de 10,000 kms de réseau basse tension ont récemment été déployés et près de 1,500 kms de réseaux haute tension sont en cours d’installation. Aussi, des acteurs privés tels qu’Engie Energy Access et internationaux comme le PNUD travaillent de concert avec les autorités pour soutenir l’installation de miniréseaux et doter les populations de kits hors réseaux. 

Un peu plus à l’ouest, la Côte d’Ivoire s’est dotée en début d’année d’un “Pacte National Énergie”. Celui-ci fixe plusieurs objectifs extrêmement ambitieux d’ici à 2030 comme l’électrification universelle, un accès à la cuisson propre pour 50% des ménages, ou encore un 45% d’énergies renouvelables dans le mix électrique. C’est ainsi que l’on a vu fleurir ces  derniers mois des panneaux solaires dans le nord du pays et qu’un barrage hydroélectrique d’une capacité de production de 112 MW est en phase d’être achevé.

Ces deux pays ont intégré le réseau ouest-africain (WAPP), soutenu par la Banque Mondiale, qui a déjà permis la mise en service de 4000 kms de ligne de transport reliant des pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Niger et le Nigéria. 

Le volontarisme des pays africains, qui dessinent des stratégies structurées et ambitieuses, mobilisent l’aide publique internationale et vont parfois jusqu’à libéraliser leur marché de l’électricité, comme ce fût le cas du Bénin dès 2020, prouvent que l’Afrique n’est pas condamnée au sous-développement. Mieux encore, le continent, qui regorge de terres rares, composantes indispensables des technologies de production d’électricité renouvelable, pourrait faire émerger des filières de production locale autour de partenariats public-privé. L’Afrique, le champion de l’énergie renouvelable de demain ? 

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