Dans un contexte où la transition énergétique s’accélère, le stockage d’électricité devient une composante essentielle pour garantir la stabilité des réseaux et maximiser l’exploitation des énergies renouvelables. Pourtant, la France accuse un retard préoccupant face à ses voisins européens, qui ont déjà mis en place des stratégies ambitieuses pour renforcer leurs capacités de stockage.
Le 14 mars 2025, la question du stockage de l’électricité en France suscite le débat. Selon une analyse publiée par Selectra, la France affiche un retard préoccupant en comparaison avec ses voisins européens, malgré une montée en puissance des énergies renouvelables. Alors que plusieurs pays accélèrent leurs investissements pour renforcer leurs capacités de stockage, l’Hexagone peine à structurer une stratégie ambitieuse.
Un retard français contrastant avec la dynamique européenne
Le stockage d’électricité permet de lisser la production fluctuante des énergies renouvelables, de renforcer la résilience du réseau et de limiter la dépendance aux importations en période de forte demande. Si de nombreux pays européens ont déjà pris ce virage stratégique, la France reste à la traîne.
D’après les données de la Commission européenne, le Royaume-Uni affiche une capacité de stockage opérationnelle de 8,45 GW, avec un programme d’expansion ambitieux visant 40,24 GW à terme. L’Allemagne suit avec 8,08 GW en service, auxquels s’ajouteront 4,67 GW supplémentaires. L’Italie et l’Espagne progressent également, avec des capacités de stockage attendues dépassant les 10 GW chacune.
À l’inverse, la France plafonne à 5,98 GW, avec des perspectives d’évolution limitées à 0,72 GW supplémentaires. Ce chiffre est d’autant plus préoccupant que le pays ambitionne une montée en puissance des énergies renouvelables, nécessitant des infrastructures adaptées pour en maximiser l’utilisation.
Pourquoi la France accuse-t-elle un tel retard ?
Contrairement à ses voisins, la France a historiquement structuré son mix énergétique autour du nucléaire et de l’hydroélectricité, deux sources de production stables et pilotables. Ce choix stratégique a longtemps éliminé le besoin pressant de stockage, contrairement à l’Allemagne qui, en réduisant sa part nucléaire, a dû compenser l’intermittence des renouvelables par des solutions de stockage de grande ampleur.
En conséquence, la filière française du stockage n’a pas bénéficié du même niveau de soutien public que dans d’autres pays européens. Aucune véritable politique incitative n’a vu le jour, et les investissements dans les infrastructures de stockage sont restés marginaux.
Un cadre réglementaire et économique peu incitatif
L’absence d’un marché du stockage structuré constitue un autre frein majeur. Contrairement au Royaume-Uni, qui rémunère les capacités de stockage via un mécanisme de capacité, ou à l’Allemagne, qui subventionne massivement les batteries domestiques, la France peine à mettre en place des incitations claires.
Les projets de stockage, notamment les STEP et les batteries stationnaires, se heurtent à des réglementations floues et à un cadre économique peu favorable. Les coûts élevés des infrastructures, l’absence de soutien spécifique et la rentabilité incertaine des projets freinent leur déploiement.
Un recours massif aux interconnexions européennes
Autre spécificité française : son fort réseau d’interconnexions électriques avec ses voisins. La France peut ainsi exporter ses excédents et importer de l’électricité en cas de besoin, lui permettant de compenser, en partie, son manque de stockage domestique.
Cette approche atteint ses limites. En cas de crise énergétique ou de demande élevée simultanée dans plusieurs pays européens, les capacités d’importation pourraient ne plus suffire, rendant le stockage indispensable pour garantir l’indépendance énergétique du pays.
Le stockage d’électricité : une clé pour la souveraineté énergétique française
Le développement du stockage en France représente une opportunité stratégique majeure. Il permettrait de sécuriser l’approvisionnement électrique, en évitant une dépendance excessive aux importations. Il favoriserait aussi l’intégration des énergies renouvelables, en permettant de stocker l’électricité produite en excédent et de la restituer lorsque la demande est plus forte. Enfin, il garantirait une meilleure stabilité du réseau en limitant les variations de prix liées aux déséquilibres entre offre et demande.
Les Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) constituent actuellement la principale forme de stockage en France. Ce système repose sur deux réservoirs d’eau situés à des altitudes différentes. Lorsqu’un surplus d’électricité est disponible, l’eau est pompée dans le bassin supérieur. En période de forte demande, l’eau est relâchée, entraînant une turbine et générant de l’électricité. Avec environ 5 GW de capacités installées, les STEP sont des infrastructures éprouvées et efficaces pour gérer les fluctuations du réseau. Toutefois, leur potentiel reste largement sous-exploité. La France dispose d’un gisement estimé à 9 GW de micro-STEP, qui pourrait répondre aux besoins croissants en stockage.
Parallèlement, le stockage par batteries stationnaires connaît une expansion rapide. Initialement limité aux véhicules électriques, il s’étend désormais au réseau électrique. En quatre ans, la capacité installée en France est passée de quelques mégawatts à plus de 529 MW. Des projets ambitieux, comme celui de Saucats en Gironde (105 MW), témoignent d’un engouement croissant pour cette technologie. Le développement des batteries lithium-ion et l’émergence de solutions alternatives, comme les batteries sodium-ion ou à flux, laissent entrevoir une démocratisation du stockage stationnaire à grande échelle.