Le 19 mars dernier, Emmanuel Macron a co-signé une lettre pour défendre l’énergie nucléaire en Europe. La France et six autres pays de l’Union Européenne plaident pour cette ressource énergétique. Très décriée en Europe, la filière nucléaire demeure pourtant un atout jugé crucial dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour Emmanuel Macron, l’enjeu est aussi d’ordre économique. La France se prépare en effet à de lourds investissements pour son parc nucléaire.
7 pays signataires pour défendre l’atome
Les problématiques liées au nucléaire en Europe agitent les dirigeants politiques aussi bien que les ONG. Et la question ne se pose pas toujours de la même manière. Quel avenir pour le nucléaire ? Faut-il un avenir pour le nucléaire ? On le sait, l’énergie nucléaire permet la production d’une électricité bas-carbone. Il s’agit là d’un atout non négligeable dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’énergie nucléaire permet aussi une production d’électricité stable, qui s’oppose à l’intermittence des énergies renouvelables. De part et d’autre de l’échiquier énergétique, les arguments ne manquent pas. Et plusieurs dirigeants européens jugent qu’il est temps que l’Europe se positionne clairement sur le nucléaire. En sa faveur, de préférence.
Ainsi, le 19 mars dernier, sept chefs d’états européens ont co-signé une lettre adressée à la Commission Européenne. La France, mais aussi la Pologne, la Roumanie, la République Tchèque, la Slovénie et la Slovaquie demandent que l’Union Européenne respecte le principe de neutralité énergétique en examinant les différentes voies pour atteindre la neutralité carbone. Leur désir ? Que le nucléaire fasse partie des axes prioritaires dans la définition de la future taxonomie européenne. La lettre lance « un appel d’urgence pour assurer des règles du jeu équitables pour l’énergie nucléaire dans l’Union Européenne, sans l’exclure des politiques et des avantages climatiques et énergétiques. » Au passage, la lettre rappelle que la filière nucléaire produit près de 50% de l’électricité bas-carbone en Europe.
L’enjeu : la future taxonomie européenne
« Toute technologie à zéro ou faible émission [de CO2] qui contribue à la neutralité climatique […] ne devrait pas seulement être reconnue mais aussi encouragée par l’Union Européenne. » Qu’est-ce qui est en jeu dans la lettre des dirigeants européens ? Le soutien dont il est question n’a rien d’abstrait.
Emmanuel Macron et les autres dirigeants font référence ici à la future taxonomie vert européenne. Elle fait actuellement l’objet de discussions. Bruxelles doit trancher sur la feuille de route des investissements européens pour atteindre la réduction souhaitée de 55% des émissions de CO2 d’ici 2030. A terme, l’Europe vise la neutralité carbone pour 2050. Pour y parvenir, il faudra renforcer les investissements dans les sources d’énergie bas-carbone.
Divisions en Europe sur le nucléaire
A l’heure actuelle, le nucléaire est exclu de la feuille de route envisagée par l’Europe. En Cause : le problème de la gestion des déchets nucléaires. Et la mauvaise presse dont fait l’objet le nucléaire auprès du grand public ne favorise pas le débat. De plus quelques pays européens, dont l’Allemagne, s’opposent à l’ajout du nucléaire dans la future taxonomie verte de l’Europe. En parallèle, l’AIE s’est exprimé en faveur du nucléaire pour le développement des énergies bas-carbone en Europe.
Pour trancher la question, la Commission Européenne a mandaté le Centre Commun de Recherche. Le Centre, qui regroupe des experts scientifiques, a rendu la première version de son rapport. L’Agence Reuters, qui a consulté les conclusions, rapportait fin mars la recommandation des experts. Ces derniers estiment que le nucléaire devrait bénéficier de l’étiquette « énergie verte ». Si le nucléaire décroche ce précieux sésame, la filière pourra prétendre au soutien financier de l’Europe pour les futurs projets de centrales nucléaires.
Nucléaire en Europe : un enjeu climatique, politique… et financier
La question du financement intéresse la France au premier plan. L’Hexagone tire encore l’essentiel de son électricité du nucléaire. Entre la fermeture de certaines centrales et le grand carénage prévu par EDF, l’entretien du parc nucléaire coûte cher. Et l’état aurait bien besoin de garanties financières pour y voir clair dans l’avenir de sa filière nucléaire.
Du côté d’EDF aussi, on souhaite ardemment que l’Europe tranche en faveur du nucléaire. Sans l’argent de l’Europe, Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, s’inquiète de devoir faire appel à « des financements de banques russes, chinoises ou américaines » pour construire les prochaines centrales en Europe. Carine de Boissezon, la directrice en charge du développement durable chez EDF, espère pour sa part que « la contribution du nucléaire dans la lutte contre le changement climatique sera reconnue ». La décision sera prise par la Commission Européenne d’ici septembre 2021.
Laisser un commentaire