Alors que la crise sanitaire a fait s’effondrer la demande en pétrole, la dépendance aux hydrocarbures reste très importante dans le monde comme en France. Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, le gouvernement français mise particulièrement sur l’électrification des transports pour renforcer son indépendance énergétique.
On la dit en crise, dépassée et sans avenir, et pourtant l’industrie du pétrole est encore en situation de quasi-monopole dans la plupart des pays de la planète. Et la France ne fait pas exception, au contraire. Malgré l’actuelle baisse de la demande en carburant d’origine fossile (essence, diesel ou GPL), les produits issus du pétrole représentent encore 91 % de la consommation énergétique des transports français, contre 7 % pour les biocarburants et 2 % pour l’électrique. Principal émetteur de gaz à effet de serre, le secteur concentre pas moins de 30 % des rejets nationaux, dont plus de la moitié émane des voitures particulières. Et alors que la vente de véhicules thermiques sera interdite en France à partir de 2040, d’immenses progrès restent à accomplir pour atteindre la neutralité carbone, qui implique notamment de diviser par six les émissions de CO2 d’ici 2050. La perspective d’une décroissance de l’industrie pétrolière, telle que véhiculée dans certains médias à la rentrée, ne serait en effet qu’un trompe-l’œil, estime Maxence Cordier, ingénieur dans l’énergie. « Nous ne pouvons pas miser notre avenir sur le pari d’un déclin naturel de la demande de pétrole, qui serait poussé à temps vers la sortie par des solutions plus compétitives et déployables à large échelle, écrit-il. Face aux incertitudes qui planent sur la pérennité de l’offre et à la nécessité impérieuse de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone, nous devons agir et tout mettre en œuvre pour assurer le déclin de la demande pétrolière. Répondre à cet enjeu nécessite d’aller au-delà de nos seules espérances quant au potentiel des technologies futures. Cela implique de faire évoluer notre rapport à l’énergie et à ses usages. »
La France, paradis pour la décarbonation des transports
Pour la France comme pour les autres pays dépourvus de gisements en hydrocarbures, la volonté de réduire la dépendance au pétrole n’est pas seulement motivée par la lutte contre le réchauffement climatique. C’est également un gage de meilleur équilibre commercial, les hydrocarbures pesant lourd dans les dépenses nationales, mais aussi de puissance diplomatique accrue, les pays exportateurs ayant pour la plupart des régimes autoritaires (Kazakhstan, Arabie saoudite, Russie, Libye, etc.). Si la tâche est loin d’être aisée, le gouvernement français dispose toutefois d’un atout considérable pour opérer la transition écologique des transports : une production électrique décarbonée à près de 100 % grâce à un maillage d’infrastructures nucléaires, hydrauliques, éoliennes et solaires quasiment unique au monde, dans lequel EDF en est l’acteur majeur, soutenant les solutions décarbonées. Contrairement à la Pologne et à l’Allemagne, fortement dépendants du charbon, le mix électrique français offre en effet le terreau idéal pour électrifier le parc automobile à grande échelle. Avec le durcissement des normes de pollution et l’octroi d’aides financières à l’acquisition de véhicules à batterie, les émissions moyennes des modèles neufs ont d’ailleurs commencé à baisser depuis 2017. Le rythme s’est même accéléré en 2020, avec 96,4 g/km/eq.CO2 par véhicule en septembre 2020, contre 109,6 g/km un an plus tôt, souligne Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. « Mon message est simple : continuons à déployer des véhicules moins polluants et un réseau de qualité toujours supérieure. Place à l’électrique ! », scande-t-elle.
Les autres leviers pour sortir du pétrole
Parallèlement à l’électrification des transports, d’autres leviers complémentaires doivent être activés, plaide Aurélien Bigo, chercheur spécialisé dans la transition énergétique des transports. Au premier rang desquels, la modération et le ralentissement des déplacements, le report modal vers des modes de mobilité douce (ex. : vélo, train, bus), l’amélioration du remplissage des véhicules ou encore l’accroissement de l’efficacité énergétique. Parmi les idées proposées par la Convention citoyenne pour le climat, plusieurs rejoignent les recommandations d’Aurélien Bigo, comme la réduction de la place de la voiture et du transport aérien, le malus sur le poids des véhicules ou encore la limitation à 110 km/h sur l’autoroute. Si plus de trois Français sur quatre se disent préoccupés par l’avenir la planète, pas sûr, en revanche, qu’ils soient aussi nombreux à adhérer à ces mesures…
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