Automobiles : le recours aux biocarburants se généralise en France

Automobiles : le recours aux biocarburants se généralise en France

Au lendemain des élections municipales et du succès du vote écologiste, Emmanuel Macron a décidé de reprendre l’ensemble des propositions (146 sur 149) élaborées par la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Côté automobiles, le programme de la CCC prévoit des changements importants pour la filière pétrole et une transformation progressive du parc automobile. Le recours aux biocarburants devrait se généraliser en France.

Car le constat est sans appel, et l’agenda 2030 de l’Accord de Paris – qui vise une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) – est loin d’être atteint. Dans l’Union européenne, les émissions de transport représenteraient presque un quart des émissions de GES, et elles continueraient de progresser. En France plus particulièrement, les déplacements représenteraient 30% des émissions de GES et les voitures 52% du total.

Des mesures ont déjà été prises pour inciter professionnels et citoyens à faire des efforts dans ce domaine. Depuis le 1er janvier, les constructeurs automobiles doivent respecter la réglementation européenne pour la fabrication de leurs voitures neuves, les émissions de CO2 devant rester inférieures à 95 grammes par kilomètre en moyenne. Par ailleurs, l’accès aux centres-villes sera bientôt interdit pour les véhicules pollueurs.

Recours généralisé aux biocarburants 

Dès lors, quelles solutions restent-ils pour les citoyens, notamment pour ceux qui n’auraient pas la possibilité d’utiliser des mobilités douces (vélo, trottinette) ou les transports en commun, et qui n’ont pas les moyens de s’offrir une voiture électrique? Ceux-là même qui exprimaient leur colère contre une fiscalité et une réglementation routière vécues comme injuste, à travers le mouvement social des Gilets jaunes, au moment de la hausse des carburants et de l’instauration de la limitation de vitesse à 80 km sur les routes nationales en octobre 2018 ?

Depuis 2019, le recours aux biocarburants se généralise en France car il représente à l’heure actuelle le meilleur compromis entre produit bon marché et respect de l’environnement. Aujourd’hui, c’est l’éthanol qui tire la croissance des biocarburants. La vente de Superéthanol-E85 a connu une hausse spectaculaire des ventes l’année dernière (+85%). À 0,69 euro le litre à la pompe en moyenne, c’est « le carburant du pouvoir d’achat » clament les experts du secteur. Le Superéthanol-E85 peut contenir jusqu’à 85 % de bioéthanol, lui-même fabriqué à partir de matières premières d’origine agricole.

Le succès de groupes comme Tereos profite à l’économie circulaire

Produit issu de matières organiques végétales renouvelables, l’éthanol bio est le seul biocarburant liquide disponible qui permettrait de réduire de 60% les émissions de gaz à effet de serre, contrairement au pétrole et donc à l’essence traditionnelle. Mieux, il générerait deux fois l’énergie dont il a besoin pour sa fabrication, qui consiste essentiellement à la fermentation et la distillation de céréales et de betteraves ou cannes à sucre.

Une aubaine pour les agriculteurs et pour les sucriers, la France étant le 1er producteur européen de sucre. La coopérative française Tereos (Béghin-Say, La Perruche), deuxième groupe sucrier mondial, a eu le nez creux en développant sa filière dès les années 2000 grâce à la culture de la canne au Brésil. Le groupe, qui compte 12 000 agriculteurs betteraviers en France, cherche à consolider, comme d’autres dans le secteur, un modèle industriel local et durable, qui consiste notamment à transformer ses résidus de production en nouvelles ressources.

Le biocarburant devrait également servir à d’autres secteurs d’activité. La France souhaite aujourd’hui créer une filière française pour les avions, le transport aérien produisant 2% des émissions mondiales de gaz carbonique. L’utilisation de carburants d’origine végétale pourrait réduire au moins de moitié les émissions de GES. De 2014 à 2016, Air France mettait en place un vol hebdomadaire Toulouse-Orly alimenté par du biocarburant. En janvier dernier, Airbus déclarait avoir effectué 75 vols de livraison d’avion avec du kérosène contenant du biocarburant.

Patriotisme économique et préservation de l’activité agricole

Ironie du sort, les carburants d’origine végétale sont connus et utilisés depuis le début de l’industrie automobile : l’inventeur du moteur à explosion (1867) avait construit son moteur pour qu’il fonctionne avec de l’éthanol. Quant à Rudolf Diesel, il avait recours… à l’huile d’arachide ! Avant que le pétrole ne s’impose dès le début du 20e siècle.

Remis au goût du jour, le recours aux biocarburants apparaît aujourd’hui comme la meilleure piste, notamment à l’heure de l’épidémie et de possibles « nouvelles vagues », où indépendance énergétique et patriotisme économique semblent être les meilleurs remparts contre la crise économique. L’ancienne ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie Élisabeth Borne déclarait en février qu’ils étaient « une partie de la réponse, à côté, peut-être, demain, de carburant de synthèse et puis de l’hydrogène ».

 

Rédigé par : La Rédaction

La Rédaction
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COMMENTAIRES

  • Le recours aux agrocarburants ne se généralise pas depuis 2019 mais depuis 2009 avec un taux d’incorporation de 7% en énergie et depuis 2005 pour le début de la généralisation.

    A noter que les agrocarburants ne sont pas neutres en CO2 car la culture des plantes et la transformation en usine produit aussi beaucoup de CO2.

    Si l’ensemble des agrocarburants incorporés dans les carburants en France étaient produits sur le sol national, cela nécessiterait 2,2 millions d’hectares de terres agricoles, soit 11,7%
    des 18,8 Mha de terres cultivées (terres arables) sur 28,2 Mha de terres agricoles (y compris prairies, plantations … ).

    La surface utilisée en pratique pour les agrocarburants varie en fait selon les années et les données publiques sont rares en la matière. Une opacité évidente règne en ce domaine.

    Ce qui est importé est la cause directe de déforestation, comme au Brésil pour l’éthanol (mais aussi le soja et la viande) ou l’Indonésie et la Malaisie pour l’huile de palme (destruction des forêts primaires).

    Par contre, avec seulement un million d’hectares convertis en centrales photovoltaïques réparties du nord au sud de la France, il serait possible de produire chaque année autour de 1.600 TWh d’électricité, soit plus du triple de la consommation actuelle.

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  • La production de biocarburant (culture, transformation, transport) émet certes du CO2 mais beaucoup moins que son équivalent pétrole à teneur énergétique identique : au minimum 50 % d’économie de GES comme l’exige la réglementation, et en pratique 60 à 70 % pour la filière betterave-bioéthanol.
    A noter également que du fait des contraintes douanières, il n’y a pas d’importation de bioéthanol brésilien en France et elle reste anecdotique en Europe. Son origine est essentiellement française/belge/allemande et quasi-intégralement européenne, il n’y de fait aucun sujet de déforestation sur la filière éthanol. Pour le biodiesel nous sommes d’accord, l’importation d’huile palme depuis la Malaisie/Indonésie était une réalité et si elle est désormais interdite en France (depuis le 1er janvier 2020), elle est encore largement répandue en Europe.

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  • Pour le photovoltaïque, c’est beau mais quel est l’impact (C02, biodiversité ou même pollution visuelle) de l’artificialisation de votre million d’hectare ? Personne ne l’a mesuré il me semble…
    De même, comment stocker cette électricité le jour ou la France est couverte de nuage ?

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  • Cet article me semble inconsidérément optimiste. Sauf exception les biocarburants ont un Taux de Retour énergétique inférieur ou peu supérieur à 1. Cela signifie qu’on consomme autant , voire plus, de carburant pour les produire qu’on en récupère.
    Dans ces conditions le bilan environnemental ne peut être que mauvais, voire très mauvais.

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  • Une voiture qui roule et qui sent la betterave c’est le must de l’écologie….heu j’ai dit une bêtise ?

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  • Il y a déclin du phosphore et phosphates dont les mines seront taries dans quelques décennies à peine

    Les engrais sont de ce fait de plus en plus contaminés par des métaux lourds et radioactifs

    On a des problèmes de sols qui s’épuisent

    De gestion de l’eau avec des sécheresses à répétition

    L’EROEI (Energy Returned On Energy Invested) des agrocarburants est très bas

    Le rendement des moteurs thermiques majoritairement faible

    Les émissions polluantes persistent

    C’est un secteur concurrencé donc pas à forte valeur ajoutée

    Ce n’est pas un stockage durable de carbone

    C’est un thème subventionné avec de l’argent mal utilisé

    Cà ne profite qu’à une certaine partie des agriculteurs et pas nécessairement les plus défavorisés (grands céréaliers, betteraviers etc)

    Ce n’est justifié que dans certaines situations et avec des limites dans le cas par exemple de l’enrichissement des sols lors de la rotation des cultures, éviter certaines importations etc et quand il y a une part disponible de sous produits

    C’est parfois le cas échéant en concurrence avec le biogaz qui lui peut être mieux utilisé (avec notamment l’électro-méthanogénèse qui arrive et de meilleurs rendements finaux que pour des véhicules dont çà ne fait d’ailleurs pas vraiment baisser le coût d’usage très élevé en thermique.

    Faire référence aux gilets jaunes qui ne peuvent se payer une voiture électrique alors que les prix ont baissé, que les aides sont élevées, que le marché d’occasion comme de la location/leasing devient important et que le choix est de plus en plus diversifié, mais qui auraient les moyens de supporter les importants surcoûts des véhicules thermiques devient un argument un peu dépassé dans beaucoup de cas pour justifier d’agrocarburants subventionnés, polluants avec des coûts en terme de santé.

    On a la même chose dans le cas des micro-algues et plus globalement algues dont le potentiel est lui beaucoup plus important avec de très nombreuses applications dont la nutrition, chimie, pharmacie etc qui permet d’améliorer les techniques et bilans ainsi que les coûts et il y a de ce fait une part qui bénéficie des avancées et peut être consacrée aux aspects énergétiques sans avoir besoin d’engrais ni de surfaces pour les algues en mer notamment. Par ailleurs quand on utilise par exemple des algues sur la base d’eaux usées on ne s’en sert pas pour de l’alimentaire.

    Je réponds là en partie à Gibus qui dans un autre post nous fait des clichés “tout ou rien” sans mise à jour alors que les réalités sont plus variées et que l’on avance au plan scientifique dans de nombreux domaines à la fois en tenant compte des réalités industrielles avec qui on est en connexion régulière.

    Mais hormis certaines situations spécifiques les agrocarburants ne sont vraiment pas une bonne orientation globale.

    Dans certains cas on arrive à un bilan favorable avec stockage carbone comme le démontre l’étude étayée dont je mets le lien plus bas.

    Mais avant les applications énergétiques il y a des utilisations à plus hautes valeurs ajoutées et à stockage carbone durable également donc elles devraient chaque fois intervenir en priorité et les agriculteurs y trouveraient plus d’avantages économiques

    https://www.pnas.org/content/117/36/21968

    .

    Répondre
  • Rectificatif : en tenant mieux compte des espacements entre rangées, des circulations et des espaces techniques, la moyenne française pour une répartition géographique uniforme serait autour de 1.200 MWh à l’hectare. Ce qui nous fait 1.200 TWh pour un million d’hectares. Cela reste supérieur à deux fois la consommation d’électricité en France, pertes réseaux comprises.

    Les parcs photovoltaïques actuels sont construits sur des zones impropres à l’agriculture, en particulier d’anciennes bases aériennes ou d’anciens sites militaires, des zones polluées, des délaissés routier et ferroviaires (utilisés lors de la construction des autoroutes et lignes TGV), des anciennes décharges, des anciennes carrières ou gravières (parfois remplies d’eau et constituant un petit lac artificiel, d’où des panneaux flottants).

    Aucune inquiétude pour la biodiversité et autres considérations. Les études environnementales sont tellement drastiques, y compris sur des sites pollués, qu’aucun champ “industriel” de colza ou de betteraves ne passerait l’épreuve si une étude d’impact était faite à son sujet.

    Un parc photovoltaïque, ce n’est en rien de l’artificialisation comme le serait un centre commercial ou un parc de loisirs. Au contraire, c’est un terrain où la nature revit : pas de produits chimiques répandus à longueur d’année. Dans certains cas, un élevage de moutons occupe périodiquement le terrain, dans d’autres cas, des plantes mellifères ont été semées pour alimenter des ruches.

    Le contenu énergétique et celui en CO2 de la fabrication, installation et recyclage des panneaux est “remboursé” en 2 à 3 ans (selon le lieu d’implantation) alors que les panneaux ont un rendement garanti au bout de 30 ans équivalent à 80% de leur rendement initial.

    Bien entendu, le solaire ne serait pas le seul moyen de produire de l’électricité car il y a aussi l’éolien (sur terre et en mer), l’hydraulique, la biomasse solide, liquide et gazeuse (biogaz). La géothermie est surtout utilisable pour la production de chaleur.

    Pour le stockage, certains projets de parcs PV comprennent déjà un stockage sur batteries. C’est le cas notamment d’un récent appel d’offres au Portugal. Cela permet de mettre de l’électricité solaire sur le réseau après le coucher du soleil, tout en profitant de prix plus intéressants sur le marché de gros.

    Au Portugal, c’est en fait une “subvention négative” qui résulte du dernier appel d’offres : les entreprises payent une forte somme pendant quinze ans pour avoir accès au réseau et se débrouillent pour vendre leur électricité sur le marché (au prix de gros) ou dans le cadre de contrats avec des entreprises consommatrices (PPA).

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