Démarchage téléphonique : quelle mouche a piqué le Sénat ?

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C’est une décision pour le moins inattendue. Le 27 mai dernier, le Sénat est revenu sur l’interdiction du démarchage téléphonique ...

C’est une décision pour le moins inattendue. Le 27 mai dernier, le Sénat est revenu sur l’interdiction du démarchage téléphonique dans le domaine de la rénovation énergétique adoptée par l’Assemblée. Une volte-face cruelle pour les associations de consommateurs qui réclament cette mesure depuis de nombreux mois.

 « Rupture d’égalité entre les secteurs »

« Dommage que le Sénat veuille revenir sur cette avancée, car le démarchage abusif indispose les Français et nuit à l’image de l’ensemble des acteurs de la rénovation ». Jean-Jacques Colas-Roy, député LREM de l’Isère et administrateur de l’ADEME, n’a pas caché sa déception le 28 mai dernier en dénonçant, sur Twitter, la décision du Sénat. Même son de cloche du côté d’Anthony Cellier, député LREM du Gard, qui affirme que « les Français n’en peuvent plus du démarchage téléphonique qui leur gâche la vie ».

Le 30 janvier dernier, les députés avaient en effet adopté en seconde lecture l’interdiction de « toute prospection commerciale de consommateurs par voie téléphonique qui vise la vente par des professionnels d’équipements où de travaux destinés à des logements et permettant la réalisation d’économies d’énergie ou la production d’énergies renouvelables ». Une mesure inscrite dans le cadre d’un renforcement législatif global contre les abus liés au démarchage téléphonique abusif. Nathalie Goulet, sénatrice UDI de l’Orne, a répondu sobrement aux critiques, en évoquant « une rupture d’égalité entre les secteurs » si une telle interdiction venait à être mise en œuvre. Mais, au vu de l’exaspération croissante des Français, cet argument ne devrait pas suffire à apaiser la colère des consommateurs.

Une situation alarmante

L’opinion semble pourtant se prononcer très majoritairement en faveur de l’interdiction du démarchage téléphonique. Près de 450 000 personnes ont ainsi signé la pétition en faveur de cette mesure, lancée le 20 janvier par UFC – Que Choisir et une dizaine d’autres associations, comme Familles de France, la Confédération syndicale des familles, les Associations familiales laïques ou encore Familles Rurales. Le texte exige l’interdiction pure et simple du « fléau du démarchage téléphonique non désiré ». Rarement un sujet n’avait suscité un consensus si marqué au sein d’organisations aux opinions parfois diamétralement opposées. En 2017, l’UFC — Que Choisir avait déjà lancé une pétition, recueillant alors 115 000 signataires, réclamant entre autres la mise en œuvre d’un système d’opt-in, supposant un accord exprès des consommateurs avant toute forme de démarchage téléphonique.

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Les études d’opinion menées sur le démarchage laissent par ailleurs entrevoir une crispation croissante des consommateurs. Une étude menée en juin 2018 par l’UFC — Que Choisir indique en effet que plus de 9 Français sur 10 trouvent le démarchage abusif « agaçant » et « trop fréquent ». Une autre enquête, menée en ligne par la République des Pyrénées début février auprès de 5722 votants, arrive aux mêmes conclusions : 97 % des répondants affirment ainsi subir « une recrudescence des appels non désirés », 59 % d’entre eux considèrent le système Bloctel comme inefficace quand 39 % affirment n’avoir aucun avis ou connaissance du dispositif et seuls 2 % lui trouvant une efficacité réelle.

Le médiateur de l’énergie, l’autorité en charge du règlement des litiges entre les entreprises de l’énergie et les consommateurs, a lui aussi enregistré une augmentation des litiges liés au démarchage au cours des dernières années. En 2018, dans son rapport annuel, il explique ainsi qu’un Français sur deux a été démarché en 2018 dans le domaine de l’énergie, dans 70 % des cas par le canal téléphonique.

Une nouvelle loi déjà jugée insuffisante

Face à l’inefficacité avérée du système Bloctel, les députés avaient alors décidé d’intégrer à leur réforme l’alourdissement les sanctions en cas de démarchage abusif avéré. La multiplication par cinq des sanctions, grimpant à 75 000 euros pour les personnes physiques et 375 000 pour les entreprises, fait désormais office de mesure phare, par défaut, de cette réforme, aujourd’hui amputé de l’interdiction du démarchage dans le secteur de la rénovation énergétique.

Une mesure qui faisait déjà l’objet de critiques de la part de beaucoup d’élus. « En réalité, ce texte cautionne la logique de BLOCTEL et ne changera donc rien au ressenti de nos concitoyens qui continueront d’être harcelés sur une plage horaire plus restreinte » s’indignait ainsi le député LR Marc Le Fur, dans une interview publiée peu avant le rétropédalage du Sénat. Celui-ci de préconiser l’interdiction de toute forme de prospection commerciale par SMS ou téléphone. Mais, à défaut d’une interdiction globale dans l’ensemble du secteur de l’énergie, certains, comme le député LR des Ardennes Pierre Cordier, souhaitent mettre en œuvre un système d’opt-in qui prévaut dans de nombreux pays européens.

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Une loi ambitieuse donc, quoique jugée insuffisante par certains dès son adoption par l’Assemblée, et qui plus est aujourd’hui allégée de sa mesure phare. Pour les consommateurs, le téléphone ne devrait donc pas cesser de sonner. Et la sonnette de retentir, car le démarchage à domicile, pourtant vecteur de la majorité des abus, reste étrangement exempt de toute réglementation. Marc Le Fur rappelle que, selon lui, « la mesure souhaitable demeure l’interdiction totale du démarchage téléphonique, du démarchage classique, mais aussi afin d’éviter un effet de substitution le démarchage par messages interpersonnels courts (SMS) ».

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