Allemagne : l'heure du bilan après 10 ans de transition énergétique - L'EnerGeek

Allemagne : l’heure du bilan après 10 ans de transition énergétique

Allemagne : dix ans de transition énergétique

En 2010, le gouvernement allemand lançait son Energiekonzept. Un programme qui devait piloter la transition énergétique de l’Allemagne jusqu’à 2050. Dix ans après, l’heure du bilan a sonné, et l’Agence Internationale de l’Energie vient de dresser ses propres conclusions. Dans son rapport du 19 février dernier, elle souligne les efforts consentis par l’Allemagne pour diversifier son mix électrique. Mais l’Agence s’inquiète aussi du retard pris dans d’autres domaines énergétiques.

La transition énergétique de l’Allemagne : réduction du CO2, fin du charbon, abandon du nucléaire

Les objectifs ne manquent pas dans la politique de l’Allemagne pour piloter sa transition énergétique. En 2010, le pays s’était déjà fixé un cap : réduire de 40% ses émissions de CO2 d’ici 2020, en prenant pour référence l’année 1990. Cet objectif doit être revu à la hausse pour les échéances suivantes : -55% à l’horizon 2030, -70% en 2040 et enfin la neutralité carbone en 2050. L’échéance de 2020 est désormais arrivée, et l’Allemagne n’est pas encore dans les clous. Dans son rapport de février 2020, l’AIE constate que l’Allemagne est parvenu à réduire ses émissions de CO2 de 31% dès 2018. Mais le seuil des 40% ne devrait pas être passé d’ici la fin de l’année.

Si la fin annoncé du charbon pour 2038 (voire 2035) est saluée par l’AIE, l’Agence se montre en revanche plus circonspecte en ce qui concerne l’abandon du nucléaire par l’Allemagne. Dans son rapport, l’AIE souligne : “La progression de l’électricité produite par les renouvelables a réduit les émissions [de CO2], mais l’abandon du nucléaire ainsi que l’augmentation des exportations d’électricité ont contrebalancé une partie de ces bénéfices.” Situation paradoxale : en pleine transition énergétique, l’abandon du nucléaire par l’Allemagne arrive trop tôt pour être compensé par les énergies renouvelables. L’AIE résume cet état de fait en encourageant l’Allemagne à « recentrer ses efforts » pour ne pas aboutir à une situation contre-productive.

Une diversification du mix électrique en bonne voie

“Au cours des quatre dernières décennies, l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne est passé d’une nette domination du charbon et du pétrole à un système plus diversifié.” En 2018, ces deux ressources ont encore couvert 56,8% de la consommation d’énergie primaire du pays. Toutefois, l’Allemagne est en bonne voie pour diversifier son mix électrique. Le gouvernement a fait du verdissement du mix électrique national sa priorité. Et les résultats sont bien là.

En 2019, le charbon a encore représenté 29,2% de la production électrique allemande. Mais il est désormais talonné par la filière éolienne, qui a représenté à elle seule 24,6% de la production électrique. Le reste des énergies renouvelables (photovoltaïque, bioénergies et hydroélectricité) ont participé au mix électrique à hauteur de 21,5%. C’est largement plus que le nucléaire, qui représente 13,7%, et le gaz naturel, qui représente désormais 10,2% (et dont la progression doit compenser l’abandon progressif des centrales à charbon).

La transition énergétique de l’Allemagne oublie la consommation d’énergie primaire

Si le mix électrique allemand est en bonne voie pour diminuer son empreinte carbone, il n’en est pas de même pour la consommation annuelle d’énergie primaire. En se focalisant sur la diversification de son mix électrique, le gouvernement allemand a en effet négligé sa consommation finale d’énergie. Au niveau globale, l’AIE souligne que la production d’électricité représente seulement un cinquième de la consommation finale d’énergie de l’Allemagne.

La situation doit donc être nuancée. Et l’AIE souligne que le gouvernement allemand doit à présent porter ses efforts sur d’autres secteurs énergivores, comme les transports et la production de chaleur. L’Agence souligne d’ailleurs que le Programme de Protection du Climat 2030 adopté en octobre 2019 par le gouvernement allemand est un premier pas dans la bonne direction. Dans ce programme, le gouvernement allemand ambitionne de mettre en place “un système de tarification progressive du CO2 pour certains secteurs non couverts par le marché européen du carbone (chauffage et transports), un allègement fiscal et d’autres incitations pour des rénovations énergétiques de bâtiments, des subventions plus élevées pour les véhicules électriques et des investissements publics plus importants dans les transports publics.” L’Allemagne se donne donc dix ans pour réorienter la stratégie de sa transition énergétique.

Rédigé par : La Rédaction

La Rédaction
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COMMENTAIRES

  • Commençons par rectifier quelques valeurs citées. En 2019, charbon + lignite ont représenté 27,9% (pas 29,2) de la production d’électricité allemande. L’éolien, c’est 20,7% (pas 24,6) – le total des renouvelables, c’est 39,7% – le nucléaire, c’est 12,3% (pas 13,7) – le gaz, c’est 14,9% (pas 10,2).

    https://ag-energiebilanzen.de/index.php?article_id=29&fileName=ageb-strerz2019_18122019.pdf

    Non seulement le nucléaire, mais aussi une partie du charbon et du lignite ont été remplacés par les renouvelables pour la production d’électricité en Allemagne depuis 2010.

    En comparant 2010 à 2019, la production d’électricité nucléaire allemande a baissé de 141 à 76 TWh (-65 TWh), baisse plus que compensée par l’augmentation des renouvelables dont la production est passée de 105 à 242 TWh (+137 TWh). Le charbon + lignite est passé de 263 à 171 TWh (-92 TWh), le pétrole + gaz est passé de 98 à 97 TWh (-1 TWh).

    On note qu’en 2013, la production à partir de charbon et lignite était plus importante (288 TWh) qu’en 2010. Mais cela n’avait rien à voir avec la diminution du nucléaire. En effet, la production depuis le gaz + pétrole était tombée à 75 TWh. D’un côté -25 TWh, de l’autre +23 TWh entre 2010 et 2013. Alors que la production nucléaire avait baissé de 43 TWh, celle des renouvelables avait augmenté de 47 TWh.

    L’explication se trouve dans l’évolution des prix mondiaux du charbon et du gaz à l’époque. Le passage partiel du gaz vers le charbon a touché tous les pays d’Europe, y compris la France. Entre 2012 et 2013, la production d’électricité à partir de charbon a augmenté de 32% en Grande-Bretagne. Aucun de ceux qui critiquent l’Allemagne à chaque occasion n’ont crié “haro” sur les britanniques.

    Entre 2010 et 2018, les émissions de CO2 pour la production d’électricité en Allemagne ont baissé de 314 à 273 Mt (-13%) et le contenu en CO2 du kWh est passé de 558 à 474 grammes (-15%). L’écart entre les deux pourcentages provient de la différence dans la quantité d’électricité produite, ayant augmenté de 564 à 576 TWh.

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  • Gross Katastroph.

    Seul point positif, l’Allemagne va devoir s’entendre avec son gros provider de gaz : la Russie

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  • Merci à nos voisins d’outre-Rhin pour ce joli benchmark.

    En définitive le renouvelable (hydraulique compris) ça plafonne dans un pays industrialisé à 40 %. Les 60 % restant, on a le choix, soit on fait du nucléaire, soit on fait du gaz/charbon. La géothermie au cœur du programme du candidat Mélenchon, c’est 0,2 % …

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  • Sauf que l’Allemagne a toujours autant de centrales thermiques qu’en 2010, soit 74 GW.

    La seule chose qui a changé, c’est que l’Allemagne a modernisé son parc de centrales thermiques afin de réduire leurs émissions de CO2, ce qui explique en partie la petite baisse des émissions de CO2 pour la production d’électricité.

    Ainsi, elle a remplacé certaines anciennes centrales au charbon par des centrales ultra supercritiques à haut rendement et a aussi remplacé des centrales au charbon par des centrales au gaz.

    Résultat, aujourd’hui, 40% des centrales thermiques allemandes fonctionnent au gaz contre 32% en 2010.

    Comme ces centrales sont utilisées de façon intermittente, elles produisent moins de kWh.

    Mais elles émettent plus de CO2 par kWh produit que si elles étaient utilisée à pleine puissance et à puissance constante car car leurs rendements sont alors moins élevées .

    Une étude de l’université de Loughborough, en Grande Bretagne, sur une centrale à cycles combinés de 800 MW, le confirme.

    Puissance constante, autour de 780 MW, 350 grammes de CO2 par kWh
    Démarrage rapide (4 heures), 590 grammes de CO2 par kWh
    Démarrage lent (8 heures), 470 grammes de CO2 par kWh
    Changement de puissance, 380-390 grammes de CO2 par kWh

    Au final, c’est qui gagné d’un coté est perdu de l’autre.

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  • Pas de miracle, votre raisonnement pour les centrales gaz est le même avec les centrales nucléaires et même encore pire. Le bilan CO2 du kWh nucléaire est en principe calculé pour une production de base et si cette production est divisée par deux le bilan est doublé et si les centrales nucléaires ne fonctionnent plus que pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables (ce qui n’est guère réaliste puisqu’une centrale nucléaire n’aura jamais la souplesse d’une centrale gaz ou fioul ou charbon) le bilan CO2 est encore augmenté. Reste que le bilan CO2 du kWh nucléaire est très mal connu avec des études d’analyse de cycle de vie plus ou moins complète et on a des valeurs qui vont 1,4 à 288 g CO2 par kWh (Valuing the greenhouse gas emissions from nuclear power: A critical survey”, Benjamin K. Sovacool, Energy Policy, Volume 36, Issue 8, August 2008, Pages 2950-2963).

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  • Le bilan est manifestement très positif, de même que les commentaires en général. Seul un esprit chagrin signant Luc, se focalise sur la conversion du charbon vers le gaz qui de toutes les façons et bénéfique, pour tenter de minorer l’exploit de la croissance des ENR notamment de l’éolien. Il fait sans doute partie des gens qui colportent l’idée d’un soi-disant fiasco de la transition énergétique allemande. Mais outre Rhin, l’avenir est en marche en s’appuyant sur les ENR alors qu’en France, hélas, alors que nous sommes mieux lotis que l’Allemagne quant aux ressources nécessaires aux ENR que ce soit l’éolien ou le solaire, nous nous interrogeons toujours sur le choix de l’outil de production d’électricité pour les à ans à venir et que certains qui vivent encore au XXe siècle sont certains d’avoir fait le bon choix il y a ans et pour l’éternité.
    Serge Rochain

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  • La conversion du charbon vers le gaz est bénéfique……… pour Poutine.

    Comme nous l’apprend Reuters, la facture de gaz de l’Allemagne est maintenant de 26 milliards d’euros en rythme annuel.

    Et, en amont, ces importations de gaz sont une grande source de gaz à effet de serre, en autres à cause des fuites de méthane, qui est un gaz à effet de serre 75 fois plus puissant que le CO2.

    Ainsi, explique le Financial Times, “si les fuites de gaz dépasse 3,5%, alors le gaz n’est pas meilleur que le charbon. Les fuites avec Gazprom sont d’au moins 5 à 7%.”

    Au final, cette transition énergétique ne sert à rien.

    Pire, si on tient compte des émissions de gaz à effet de serre en amons, l’électricité allemande émet sûrement plus de gaz à effet de serre.

    Sources.
    Reuters German H1 natural gas imports rise 20%, bill rises 14.8%.
    Financial Times Gazprom’s ‘fugitive emissions’ are a problem for Europe

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  • L’Allemagne est encore très dépendante des énergies fossiles pour son électricité : lignite dont ce pays est le plus grand producteur mondial, charbon d’Australie, de Russie et des USA et gaz. Comme le rappelait @Gibus, le contenu carbone tourne autour de 474 g/KWh. En France, c’est 35,7 g/KWh. L’Allemagne a encore beaucoup à faire de ce côté. Analyse de l’AIE https://www.connaissancedesenergies.org/la-situation-energetique-de-lallemagne-analysee-par-laie-200224
    Et la conversion lente du charbon au gaz se traduit aussi par des importations de gaz (de schiste) américain en attendant des importations massives de Russie.

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  • L’étude citée date de 2010 pour une centrale à cycle combiné (turbines en série). Ce qui est très curieux, c’est que la consommation indiquée pour un démarrage à chaud (hot start) (le “démarrage rapide”) est plus importante que pour le démarrage à froid (cold start) (le “démarrage lent”), avec 9,24 GJ (gigajoules) de gaz par MWh contre 8,16 GJ/MWh.

    En réalité, un démarrage à froid commence par consommer du gaz sans produire d’électricité, aussi bien avec la turbine à gaz qu’avec la turbine à vapeur. Le démarrage à chaud commence pratiquement tout de suite à produire de l’électricité, mais avec un rendement plus faible qu’à plein régime. Dans le démarrage à froid, on rejoint ensuite la situation du démarrage à chaud, ce qui fait qu’en réalité la consommation est plus élevée à partir du froid que du chaud.

    Donc, en plus de quelques erreurs que l’on mettra sur le compte de l’inattention (de la puissance exprimée en MWh), cette étude semble bien sujette à caution.

    En France, malgré tout le nucléaire pouvant exister, le charbon, le pétrole et le gaz sont utilisés pour adapter production et demande, y compris en été, bien que l’essentiel soit fait par l’hydraulique beaucoup plus réactive. La France importe importe 20% de son gaz de Russie et importe aussi du gaz de roche mère (“gaz de schiste”) américain à Dunkerque et à St-Nazaire, mais aussi mélangé dans les tuyaux à travers la Belgique.

    On voit de plus en plus, dans certains pays et cela devrait se généraliser, les nouveaux parcs éoliens et solaires être complétés par des systèmes de stockage sur batterie. Cela a un coût, financier et en énergie, mais ce coût est compensé par la participation aux services auxiliaires (maintien de la fréquence et de la tension, énergie réactive) et par une vente décalée vers les heures auxquelles les prix du marché sont les plus élevés.

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  • Avez-vous vu la perf allemande en février 2020 ?!
    Moyenne sur un mois: 41 TWh produit dont 46% d’eolien et 62% de renouvelable ! Un mois d’hiver !

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