L’impact environnemental des énergies renouvelables fait l’objet de vifs débats. On leur reproche tour à tour d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre, de ne pas être recyclables ou encore d’occasionner l ‘exploitation de ressources stratégiques. Qu’en est-il ? L’énergie éolienne nécessite-elle l’utilisation de terres rares ? Bernard Deboyser, ingénieur polytechnicien et consultant en énergie et mobilité durable, a répondu à nos questions. Rencontre…
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L’impact environnemental des énergies renouvelables est-il plus lourd que celui d’autres sources énergétiques ?
Bien sûr que non. De toutes les énergies, l’impact environnemental des renouvelables est le plus faible. Sinon il n’y aurait aucun intérêt à les développer puisque ce faible impact est justement leur principal atout. Ceci dit, il faut bien comprendre que les énergies renouvelables sont une famille d’énergies diversifiées dont les impacts ne sont pas homogènes. L’impact d’un barrage hydroélectrique dans les Alpes n’est pas le même que celui d’une usine marémotrice dans l’estuaire d’un fleuve, d’un forage géothermique à proximité d’une ville, d’un parc éolien en mer ou de panneaux photovoltaïques installés sur le toit d’une maison.
Mais si on tient compte avant tout de l’impact sur les changements climatiques, puisqu’il s’agit d’une urgence et que l’avenir de l’humanité en dépend, il n’y a pas photo : les émissions de gaz à effet de serre des énergies renouvelables, calculées sur l’ensemble de leur cycle de vie et en tenant compte de leur fabrication, sont dans tous les cas largement inférieures à celles des énergies fossiles (pétrole gaz et charbon).
Quant à l’énergie nucléaire, son impact sur les changements climatiques est légèrement supérieur à celui de la plupart des renouvelables … mais on va dire : du même ordre de grandeur. Par contre, le nucléaire est responsable d’autres impacts tout aussi inacceptables pour l’avenir des générations futures, je pense notamment aux montagnes de déchets radioactifs de haute activité et longue durée de vie et pour lesquels aucune solution satisfaisante n’a encore été trouvée.
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Que fait-on des éoliennes démantelées ? Leur recyclage est-il possible ?
Oui, évidemment. De nombreuses anciennes éoliennes ont déjà été démantelées et recyclées puisque les premières grandes éoliennes, on va dire « modernes », datent de la fin des années ‘70, début ’80. 90 % du poids d’une éolienne est constitué de métaux qui se recyclent sans problème dans les filières existantes de recyclage des métaux. Leur valeur marchande fait d’ailleurs souvent du recyclage d’une éolienne une opération rentable. Le béton armé des fondations peut aussi être facilement valorisé : trié, concassé et déferraillé, il est réutilisé sous la forme de granulats dans le secteur de la construction.
Restent les pales qui sont constituées de matériaux composites à base de fibres de verre ou de carbone. Le problème est d’ailleurs plus vaste que celui du recyclage des éoliennes puisque ces mêmes matériaux sont utilisés pour de nombreuses autres applications, comme par exemple les coques de bateaux et de kayaks, les planches à voiles, des réservoirs de toutes sortes, des éléments de carrosserie dans la construction automobile, des pièces pour l’aéronautique, etc.
Différentes solutions existent déjà mais des recherches sont en cours pour les optimiser. La solution la plus simple, mais pas nécessairement la plus écologique, consiste à scier les pales puis broyer les morceaux et les valoriser comme combustible dans les cimenteries, en remplacement des carburants fossiles traditionnellement utilisés. Les cendres servent ensuite de matière première dans la fabrication du ciment. Cette technologie évite donc la production de déchets. Une autre possibilité consiste à utiliser le broyat de pales pour fabriquer de nouveaux matériaux composites. C’est notamment la solution mise au point par l’Université de Washington en collaboration avec General Electrics. Enfin, une solution innovante et ludique, appliquée notamment aux Pays-Bas consiste à utiliser des morceaux de pales pour en faire des éléments de plaines de jeu pour enfants, des bancs publics ou d’autres mobiliers urbains comme des abribus. Avec un peu d’imagination on pourrait trouver à ces pales en fin de vie plein d’autres utilisations intéressantes.
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L’énergie éolienne nécessite-elle l’utilisation de terres rares ?
Bonne question. En un mot, je répondrais : non. L’énergie éolienne peut très bien se développer sans terres rares. Je m’explique. C’est vrai que les génératrices de certaines éoliennes utilisent des aimants permanents qui contiennent des terres rares, principalement le néodyme, comme d’ailleurs les moteurs de votre aspirateur, de votre frigo ou de votre lessiveuse et de bien d’autres applications électriques.
Mais plusieurs constructeurs d’éoliennes comme par exemple Enercon – le 3e au monde en termes de part de marché – Senvion ou Nordex – deux des plus importants fabricants d’éoliennes en Europe – n’utilisent pas d’aimants permanents dans leurs génératrices et donc pas de terres rares. Des enquêtes menées en France et dans d’autres pays comme la Belgique ont montré qu’à peine 10 % des éoliennes en service sur le territoire contiennent des terres rares. Cela montre bien qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser des terres rares dans les éoliennes. Les constructeurs peuvent très bien s’en passer, ce n’est qu’une question de choix technologique.
Il faut savoir que plus de la moitié des terres rares produites dans le monde est utilisée comme catalyseur dans le raffinage du pétrole ou les pots catalytiques des voitures à moteur thermique. Une autre proportion importante des terres rares est utilisée dans l’industrie du verre, celle des céramiques et la métallurgie. Bizarrement, on montre du doigt les éoliennes pour leur utilisation de terres rares alors que seulement 10 % d’entre elles en contiennent, et on passe sous silence toutes les autres industries, dont l’industrie du pétrole, qui elle, ne peut pas s’en passer.
Et puis surtout, la bonne question est : quel est le problème avec les terres rares ? Savez-vous que les terres rares ne sont en fait pas du tout rares ? Beaucoup moins rares que d’autres métaux fort utilisés comme le cuivre, le zinc ou le nickel. C’est en fait le nom scientifique d’une famille d’éléments chimiques du tableau de Mendeleïev. Au moment de leur découverte, elles ont reçu ce nom parce qu’à l’époque il était difficile de les séparer chimiquement des autres éléments qui constituent les minéraux dans lesquels on les trouve à l’état naturel dans l’écorce terrestre. Mais aujourd’hui, on sait que les réserves mondiales de terres rares sont importantes, bien réparties dans les 5 continents et aucune pénurie n’est à craindre avant plusieurs centaines d’années. Si la Chine détient une part majoritaire de la production mondiale, c’est uniquement parce qu’elle pratique un dumping des prix.
En réalité, le procès que l’on fait aux éoliennes, comme aux voitures électriques d‘ailleurs, en les accusant d’utiliser des terres rares (ma voiture électrique n’en contient pas du tout) est un faux procès. Il a été lancé par certains lobbies industriels puissants, dont les intérêts sont fort menacés par le développement des énergies renouvelables et par l’électromobilité, dans le seul but de ternir leur image dans l’opinion publique. Ils utilisent le nom des terres rares pour tromper l’opinion publique en faisant l’amalgame avec les métaux rares. Or les terres rares sont des métaux mais ils ne sont pas rares. Il est dommage que de nombreux médias et même certains mouvement écologistes tombent dans le piège de ces lobbies et propagent ces fausses rumeurs sans se donner la peine de vérifier un tant soit peu leur véracité.
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Qu’en est-il du recyclage des panneaux solaires ?
La réponse est simple : le recyclage des panneaux solaires est tout simplement une obligation légale imposée par la directive européenne relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques. Elle impose aux fabricants ou importateurs d’assurer leur collecte et recyclage en fin de vie. Techniquement, le recyclage des panneaux ne pose aucun problème. Le verre constitue environ 80% du poids d’un panneau solaire et il est très facilement recyclable dans les filières existantes. Idem pour l’aluminium et le cuivre qui représentent 10% du poids. Les matériaux semi-conducteurs, comme le silicium, c’est 2% du poids total et ils sont facilement recyclables eux aussi. Le silicium, c’est tout simplement le constituant principal du sable. Il n’y a que quelques constituants en plastique qui sont plus difficilement recyclables.
Au niveau européen, la collecte et le recyclage des panneaux est organisée par l’association PV Cycle, qui est représentée localement dans chaque pays. Et l’industrie est prête pour le recyclage. En France, par exemple, la société Veolia a investi un million d’euros dans une usine de recyclage de panneaux à Rousset, dans les Bouches-du-Rhône. Mais les quantités sont encore faibles, tout simplement parce que les premiers panneaux ont été installés au début des années ’90. Or ils ont une durée de vie d’au moins 30 ans. Très peu sont donc arrivés en fin de vie. Dans les prochaines années, par contre il faut s’attendre à ce que la filière voit arriver de plus en plus de panneaux.
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