Petit nouveau dans la famille des producteurs de gaz naturel, Chypre comprend aujourd’hui que ses ressources naturelles attisent la convoitise de certains. La Turquie entend mener des opérations de forage au large de l’île chypriote. Pourtant, le gaz se trouve dans la zone exclusive de ce petit Etat situé dans la partie orientale de la Méditerranée. Samedi 4 mai 2019, l’Union européenne a condamné ce projet et a appelé Ankara à ne poursuivre dans une voie, également condamnée par les Etats-Unis.
Une histoire qui ne passe pas
Le torchon brûle entre la Turquie et Chypre. Les deux voisins, aux relations compliquées, sont en pleine dispute au sujet des importantes quantités de gaz enfouies dans le sous-sol de la Méditerranée. Chypre est séparée en deux depuis 1974 et l’intervention militaire turque – réponse à la volonté de certains Chypriotes-grecs de rattacher l’île à l’Etat grec. Depuis, Chypre est devenue membre de l’Union européenne, mais la Turquie reconnaît toujours la République turque de Chypre du Nord, une entité non reconnue au niveau international. Une situation juridique et géopolitique importante à préciser, puisqu’elle justifie aujourd’hui les revendications divergentes au sujet du gaz présent dans le sous-sol chypriote.
La Turquie a annoncé son intention de forer et d’exploiter du gaz emprisonné sous la Méditerranée. Un forage dénoncé par Chypre et l’Union européenne puisqu’il se ferait au sein de « la zone économique exclusive de Chypre » selon la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Une position que ne partage en rien la Turquie qui estime que le forage est fondé « sur des droits légitimes« . Ankara affirme que « c’est l’administration chypriote-grecque qui n’a pas renoncé à mettre en danger la stabilité et la sécurité de la Méditerranée orientale en ne tenant pas compte des droits des Chypriotes-turcs« . Les deux camps se renvoient la responsabilité et en attendant, les tensions s’accroissent.
Le gaz chypriote séduit partenaires et clients potentiels
L’Union européenne vole au secours de Chypre et réaffirme la condamnation de mars 2018 du Conseil européen qui a demandé à la Turquie d’arrêter ses « actions illégales (…) en Méditerranée orientale« . Une condamnation jusque-là sans effet à laquelle se joignent les Etats-Unis. Le porte-parole du département d’Etat a déclaré ce week-end qu’il s’agissait « d’un pas hautement provocateur qui risque de provoquer des tensions dans la région ». Il appelle par ailleurs « toutes les parties à faire preuve de retenue« . De son côté, l’Egypte ne cache pas non plus son inquiétude. Ainsi, Le Caire aurait également mis en garde ses voisins contre « les répercussions de mesures unilatérales sur la sécurité et la stabilité de la Méditerranée orientale« .
De plus, Chypre a su séduire des partenaires de premier plan, à l’instar de l’énergéticien italien Eni, de l’entreprise américaine ExxonMobil, ou encore du groupe Total. Or, une montée des tensions pourrait remettre en cause le développement de ce nouveau secteur. Dès 2017, la Grèce, l’Italie, Israël et l’Egypte ont conclu des accords avec Chypre pour la pose de gazoducs et l’importation de gaz chypriote. Des projets qui s’élèvent à plusieurs milliards d’euros et qui devraient peser dans la balance en faveur de Chypre, dans son bras de fer avec la Turquie.
Laisser un commentaire