À l’occasion de la visite officielle du président ouzbek Shavkat Mirziyoyev les 8 et 9 octobre 2018 en France, focus sur la transition énergétique d’un géant de l’Asie centrale. L’Oncle Sam investit en Ouzbékistan. La société américaine Headwall LLC vient en effet d’annoncer au début du mois de septembre 2018 qu’elle envisage d’investir 1,2 milliard de dollars dans la production d’énergie solaire dans la région ouzbèke de Surkhandarya. A terme, les panneaux solaires installés par l’entreprise devraient fournir une capacité électrique comprise entre 300 MW et 1 GW. Au cours d’une première phase d’expérimentation, quelque 490 maisons particulières de la région seront équipées de panneaux photovoltaïques.
Avec plus de 320 jours d’ensoleillement par an, l’Ouzbékistan jouit d’un immense potentiel dans l’énergie solaire, qui représente 98,5 % de ses capacités en énergies renouvelables selon les estimations de la Banque mondiale. Raison pour laquelle le pays, dont la dépendance au gaz naturel atteint 88,5 % du total de sa production électrique et dont la demande intérieure en électricité devrait augmenter de 25 % à l’horizon 2030, a lancé dès 2013 un ambitieux programme visant à diversifier son mix énergétique.
De nombreux projets sont donc sur les rails. En 2017, l’Ouzbékistan a lancé le projet de la plus grande centrale solaire de toute la Communauté des États indépendants (CEI), qui devrait délivrer une puissance de 1,2 MW et fournir de l’électricité au gisement gazier et aux infrastructures de la société russe Lukoil. Selon ses concepteurs, la future centrale sera assez puissante pour alimenter une zone peuplée de 15 000 habitants. Une série de centrales solaires et éoliennes d’une capacité de 100 MW devrait également voir le jour d’ici 2020.
L’Ouzbékistan cherche aussi à attirer les investissements étrangers. Déjà en 2012, une compagnie sud-coréenne avait lancé en Ouzbékistan une usine de production de silicium, nécessaire aux composants des panneaux solaires, suivie, en 2013, d’une entreprise chinoise fabricant des panneaux photovoltaïques. C’est également en 2013 qu’a été créé l’institut international de l’énergie solaire de Tachkent, la capitale. Une institution visant à promouvoir les technologies sur l’énergie solaire et à faire de l’Ouzbékistan un véritable hub de connaissances en la matière.
Enfin, le pays a prévu de lancer un programme massif de construction de maisons écoénergétiques. Le gouvernement ouzbek prévoit également d’équiper de capteurs solaires quelque 1 300 écoles et collèges, ainsi que 600 points médicaux, principalement situés dans les zones rurales et reculées du pays. Si la volonté politique ne fait donc pas défaut, l’Ouzbékistan fait cependant face à un certain nombre de problèmes structurels – infrastructures obsolètes, coupures et pénuries d’électricité, pertes d’énergie comprises entre 15 % et 20 % de la production – qui ralentissent ces multiples projets.
Conscient de ces problématiques, le nouveau président ouzbek, Shavkat Mirziyoyev – qui se rend en visite officielle en France les 8 et 9 octobre 2018 -, a annoncé en décembre dernier une nouvelle stratégie visant à réformer l’ensemble du secteur de l’énergie dans son pays. Privatisation des entreprises non rentables, fin du monopole d’Uzbekenergo, la tentaculaire entreprise nationale de l’énergie qui a commencé à être démantelée en branches spécialisées, encouragement de la concurrence dans le secteur de l’énergie et appel au secteur privé sont au programme.
Un programme de réformes à la mesure des ambitions nourries par les autorités ouzbèkes : selon la « Stratégie de développement bas carbone de la République d’Ouzbékistan », les centrales solaires du pays devront atteindre 2 GW de capacités d’ici à 2030. Suffisamment pour assurer la production de 5 milliards de kWh d’énergie électrique. L’État envisage également une augmentation sensible de la puissance hydroélectrique (qui représente 11,5 % de la production du pays) et mise, enfin, sur le biogaz et les éoliennes.
Ces efforts seront-ils suffisants pour sortir l’Ouzbékistan de sa dépendance au gaz ? Pour le chercheur ouzbek roman Zakhidov, il s’agit d’un impératif : « Nous devons mettre en place les principes qui participeront à renforcer l’indépendance énergétique de notre pays. Ces principes sont très simples : diversification des sources d’énergie, augmentation (…) des ressources hydroénergétiques et des énergies renouvelables, mettre l’économie sur les rails du développement de l’efficacité énergétique ». C’est donc le président d’un Ouzbékistan à la croisée des chemins que rencontre Emmanuel Macron.