"Les prix français de l'électricité sont moins élevés que la moyenne européenne" (Tribune)

“Les prix français de l’électricité sont de 16 à 17% moins élevés que la moyenne européenne” (Tribune)

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Plusieurs médias ont fait état en août 2018 “d’une première étude d’Eurostat ” indiquant que le prix de l’électricité pour les ménages français était plus élevé que dans quinze pays de l’Union Européenne. La France serait-selle désormais “dans la moyenne haute” des prix de l’électricité européenne, notre nucléaire a-t-il perdu sa capacité à produire à prix bas ? Une tribune de Lionel Taccoen, directeur de la Lettre “Géopolitique de l’Electricité”.

Les données citées relèvent du tableau des prix de l’électricité “nrg_pc_204” d’Eurostat qui fournit le prix du kWh observé moyen par pays chaque semestre, par catégorie de consommateurs, toutes taxes comprises et hors taxes. Ces données sont transmises par les Etats membres. Le tableau permet des comparaisons des prix et de leurs évolutions. Il ne s’agit donc pas “d’une première étude d’Eurostat”, mais de relevés semestriels publiés depuis plus de dix ans, le dernier étant celui du second semestre 2017. Il est heureux que BFM et Le Figaro se soient aperçus de leur existence et qu’ils en fassent désormais profiter les Français.

Le prix français de l’électricité “dans la moyenne haute” ?

Il est exact que la plus grande partie des familles de seize pays de l’UE, et non quinze, payent leurs kWh moins chers qu’en France. Ce n’est pas nouveau. Il s’agit pour la plupart des pays de l’Est européen additionnés de la Grèce. Les factures d’électricité sont liées au niveau de vie plus bas que chez nous. Des émeutes suivies de la chute du gouvernement ont suffi en Bulgarie pour rappeler que le courant doit rester bon marché. En dehors de ces pays, les familles de quelques nations paient moins ou à peu près comme en France. Eliminons Malte et le Luxembourg à la population trop faible pour être significatifs. Restent les Pays Bas et la Finlande. Les premiers disposent de gaz local à bas prix utilisé pour produire du courant. Le nucléaire chez le second fournit près du tiers des besoins.

Le plus important n’est pas là : les seize pays où les familles payent moins cher qu’en France représentent moins de 140 millions d’habitants sur les 510 millions de l’U.E. 300 millions d’Européens payent plus cher que les Français. Eurostat confirme : les prix français sont de 16 à 17% moins élevés que la moyenne européenne. Notre pays n’est pas « dans la moyenne haute de l’Europe », mais sa situation se dégrade.

En 2010, Eurostat indique que les prix français de l’électricité étaient 31% moins élevés que la moyenne de l’UE. Que s’est-il passé ? On se reportera à notre Lettre d’octobre 2017 intitulée “La politique française de l’électricité… » : (Sur www.geopolitique-electricite.com ). En deux mots : hors inflation, les prix français ont cru de 21% de 2010 à 2016. On peut distinguer quatre postes dans les factures d’électricité : les taxes, le coût de l’acheminement (transport et distribution), la production et les frais de commercialisation. Prenons les données de la Commission de Régulation de l’Electricité. Hors inflation, les coûts de production et de commercialisation sont restés à peu près constants, voire ont un peu baissé pour la production. Ils représentaient en 2017 respectivement 29% et 6% du total. Par contre les taxes ont bondi et sont désormais le poste le plus important avec 35%. Le coût de l’acheminement a également augmenté et représente 30%. L’augmentation des taxes vient surtout des aides aux renouvelables qui ont littéralement explosé. Pour l’acheminement, les renouvelables sont également en cause. Comme l’écrit RTE (le réseau de transport), presque le tiers de ses investissements sont aujourd’hui consacrés à l’adaptation du réseau « à la transition énergétique » donc principalement à l’arrivée des renouvelables intermittents (solaire et éolien).

La France perd progressivement ses prix de l’électricité attractifs dus au nucléaire. La raison n’est pas une perte de compétitivité de ce dernier, mais l’augmentation des aides aux renouvelables intermittents.

Le prix allemand de l’électricité

Le même tableau d’Eurostat annonce que l’Allemagne est depuis le second semestre 2017 le pays de l’Union Européenne où le kWh pour les gros bataillons des ménages est le plus cher : 30,48 centimes d’euros (le double du prix français) contre 30,10 centimes au Danemark, son grand rival dans le domaine. Le Danemark a un avantage sur l’Allemagne qui a finit par jouer. Pour éviter les coupures dues aux renouvelables intermittents, l’Allemagne entretient à grand frais un parc de centrales à combustibles fossiles hypertrophié. Le think tank Agora Energie wende, inspirateur de la transition énergétique allemandea rassuré début janvier 2018 en affirmant que le pays éviterait les délestages grâce à ces centrales classiques maintenues en état. Le petit Danemark voisin évite ces dépenses en partie en utilisant les centrales classiques de ses voisins pour compenser les sautes de vent de ses éoliennes.

Comment l’Allemagne avec de tels coûts peut-elle exporter du courant et garder une industrie compétitive ?

Comme dit Sherlock Holmes : « Elémentaire, mon cher Watson ». Le coût des renouvelables est payé Outre Rhin par une taxe spécifique non payée à l’étranger. Les industries allemandes dont les coûts de production pourraient être gênés par cette taxe sont dégrevées pour un montant annuel supérieur à 2 milliards d’euros/an. Ces entreprises, comme l’étranger reçoivent l’électricité allemande au prix donné par la combustion du lignite allemand et du charbon local ou américain, tous aussi bon marché que polluants.

Allemagne, Danemark, et Australie du Sud, ont pour les Etats avancés les prix du courant les plus élevés au monde. La part des renouvelables intermittents (solaire et éolien) y est aussi la plus haute. Comme dit le média financier Forbes “Pourquoi les renouvelables si bon marché donnent-elles de l’électricité si chère ?”

 

Les avis d’expert sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction de L’EnerGeek.

 

Rédigé par : Lionel Taccoen

Lionel Taccoen
Lionel Taccoen a été représentant d'EDF auprès des Institutions Européennes de 1987 à 2000. Président des Groupes de Travail d'Eurelectric (Association des compagnies d'électricité européennes) "Marché Intérieur de l'électricité" et "Relations Internationales" de 1989 à 2000. Président élu du Comité consultatif de l'énergie auprès de la Commission européenne (1998-2001). Professeur des Universités associé de 1998 à 2004. Fondateur de la Lettre "Géopolitique de l'Electricité".
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COMMENTAIRES

  • Tribune à charge des renouvelables par un retraité d’EDF qui comme d’habitude à chaque “tribune” tente du lobbying et a perdu tout sens de l’honnêteté intellectuelle à force d’avoir fait du lobbying pour le nucléaire auprès de Bruxelles !

    – les réseaux danois et allemands sont les plus sûrs d’Europe et sont donc en tête des classements annuels et c’est pour beaucoup grâce aux renouvelables

    – l’Allemagne est numéro 1 mondial de l’efficacité énergétique, suivie de près par le Danemark, en bonne partie grâce aux taxes sur l’efficacité énergétique qui rend le prix TTC élevé mais le prix hors taxe est équivalent ou plus bas qu’en France. En conséquence ce qui est payé d’un côté en raison d’investissements durables est au moins en partie récupéré par une moindre consommation et ce sur une très longue durée. Les analyses à courte vue sont donc erronées.

    – plus de 50% des allemands perçoivent des revenus des énergies renouvelables du fait d’un modèle de développement d’énergie citoyenne et çà correspond le plus souvent aux régions qui en ont le plus besoin. La répartition financière aux communes et en outre bien plus large et bien mieux répandue qu’en ce qui concerne le nucléaire.

    – les prix TTC sont en train de baisser en Allemagne et au Danemark alors qu’il montent en France et ce durablement, de moins en moins à cause des renouvelables et de plus en plus à cause du nucléaire vieillissant

    – la cour des comptes rappelle que le coût des renouvelables a concerné principalement la période jusqu’en 2011 et les erreus de la politique mise en place par le gouvernement de l’époque du Grenelle de l’Environnement, à savoir Sarkozy, mais qu’il y a eu malgré tout des retombées économiques favorables dont il faut tenir compte également. Cette même cour des comptes souligne que les erreurs ont été corrigées depuis avec notamment la mise en place de la procédure des appels d’offre qui a fait nettement baisser les prix des renouvelables.

    – il y a lieu de distinguer une énergie et les filières concernées. Chaque pays soutient ses industries et la Chine en particulier soutient le nucléaire, le solaire, l’éolien etc. Il n’y a donc pas lieu de se tromper quant au prix d’une énergie en le confondant avec les soutiens que l’on accorde à des emplois nationaux. Sinon on peut faire des appels d’offres internationaux très ouverts, obtenir l’énergie renouvelable la moins chère de toutes les énergies mais faire une croix définitive sur toute industrie nationale et ses retombées et être durablement dépendants.

    – le coût de l’éolien en France est le double de chez nos voisins à cause principalement des anti-éoliens et de leurs procédures systématiques, donc délais et coûts supplémentaires très importants, comme le rappelle la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) elle-même et son président qui a raison de ne pas mâcher ses mots.

    – pour mémoire les anti-éoliens sont souvent d’anciens retraité EDF (encore une fois !) qui bénéficient d’avantages tarifaires et ne se préocupent pas d’efficacité énergétique

    – le coût de l’électricité est bel et bien en hausse en France et si les subventions aux renouvelables sont en forte baisse grâce à la procédure des appels d’offres, aux avancées technologiques et meilleure organisation de production, ce n’est pas le cas du secteur nucléaire dont les prix grimpent avec le vieillisement du parc et çà va durer longtemps encore tant que l’on aura ce parc sur les bras, sans parler d’un seul accident dont les risques augmentent et qui achèverait de couler ce secteur.

    – nous sommes bien “importateurs nets” d’énergie d’Allemagne depuis leur transition car leur énergie est moins chère et en bonne partie aussi grâce aux renouvelables

    Conclusion : on peut critiquer l’Allemagne mais çà n’apporte rien car on sait qu’ils ont fait un choix économique qui s’est avéré juste puisqu’ils disposent d’une énergie moins chère que chez nous, d’où un différentiel de compétitivité en leur avantage. En plus d’avoir permis l’essor de multiples technologies au pan mondial dont tout le monde profite.

    Par contre la question essentielle est de savoir désormais pour la France, coment allons nous faire pour avoir une électricité compétitive et les prix les plus réduits alors que nous sommes contraints par un nucléaire vieillissant de plus en plus coûteux et que les retraité EDF ont fait flamber les prix de l’éolien et que nous avons pris du retard dans les renouvelables où nos prix sont souvent supérieurs à ceux de nos voisins ? (c’est par exemple aussi le cas dans les installations de méthanisation, le solaire thermique etc)

    Car les renouvelables ont bon dos avec des analyses hâtives et tronquées mais il faudra trouver autre chose dans quelques années pour expliquer les prix en hausse alors que celui des renouvelables même en France va passer au dessous de celui du nucléaire le plus amorti.

    Quand à l’intermittence des renouvelables et malgré toutes les études scientifiques et modélisations qui confirmaient un passage aux 100% de renouvelables tout à fait possible, on a souvent lu (encore une fois pour beaucoup de la part d’anciens retraités EDF !) que l’on ne pouvait pas avoir plus de 20% de renouvelables, puis 30%, puis 40%, puis que le nucléaire était “complementaires” aux renouvelables, puis RTE confirmait fin 2017 que l’on pouvait passer à 50% de renouvelables avec baisse des émissions et des prix etc.

    On a aussi lu (sans doute encore écrit par des retraités d’EDF !) que les 100% renouvelables c’était bon pour l’île d’Aix ou les Canaries mais pas pour un important pays développé. Et pourtant :

    “L ‘Australie est sur la bonne voie pour atteindre 50 % d’électricité renouvelable en 2025 et 100 % au début des années 2030”

    http://theconversation.com/at-its-current-rate-australia-is-on-track-for-50-renewable-electricity-in-2025-102903

    .

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  • Ou encore parmi tant d’exemples :

    “65% des besoins en électricité de l’Allemagne d’ici 2030 pourraient provenir de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire, de l’hydroélectricité et de la biomasse et il sera possible de couvrir 40% de la consommation d’électricité actuelle uniquement avec l’énergie éolienne et ce au prix du lignite”

    https://phys.org/news/2018-09-turbines-percent-current-electricity-consumption.html

    Si les scientifiques, ingénieurs et entre autres leurs modélisations se trompent, on les enverra à St Hélène faire du 100% renouvelables.

    Par contre s’ils ont raison, on enverra les retraités d’EDF à Saint Hélène avec Cigéo pour tenter de trouver une solution économiquement viable et sûre afin de réduire la durée des déchets nucléaires à quelques 300 ans maxi !

    Nul besoin d’être prophète pour savoir qui va aller à Saint Hélène !

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  • Et s’il fallait encore chercher à convaincre des réalités :

    D’après l’édition 2018 du Nuclear Industry Status Report (WNISR) : “Le solaire et l’éolien sont maintenant les sources d’énergie les moins chères reliées au réseau. Les investissements dans de nouvelles centrales nucléaires, en revanche, ne sont motivés que par le soutien public et par les États dotés d’armes nucléaires.”

    “Les prix relatifs des sources de production d’électricité ont changé, et l’énergie solaire et éolienne sont aujourd’hui, dans la plupart des pays, les sources d’énergie les moins chères connectées au réseau.”

    Cette déclaration, bien qu’elle ressemble à un communiqué de presse d’un organisme professionnel des énergies renouvelables ou à une campagne d’un groupe environnemental, est l’une des principales conclusions de l’édition 2018 du Rapport sur l’état de l’industrie nucléaire (WNISR), publié chaque année par Mycle Schneider, consultant indépendant français spécialisé dans l’énergie nucléaire.

    La nouvelle capacité de production d’énergie nucléaire n’a augmenté que de 1 % en 2017, tandis que la part de l’énergie éolienne et solaire a augmenté de 17 % et 35 % respectivement.

    https://www.pv-magazine.com/2018/09/10/nuclear-power-is-being-left-behind-nuclear-industry-experts-say/

    .

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  • Bien dit ! Et qu’ils soient rapatriés d’urgence en cas de centrale nucléaire accidentée…

    En outre, le prix affiché de l’électricité en France, reflète-t-il les coûts réels, cachés du nucléaire ? Prend-il en compte, à leur juste hauteur, la gestion des déchets, les démantèlements ?
    Le prix affiché, prend-il en compte les coûts imposés par la dangerosité du nucléaire, coûts de la FARN (Force d’action rapide nucléaire), coûts du PSPG (Peloton spécialisée de protection de la gendarmerie) ? L’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), le CEA et l’Andra sont des établissements publics, l’ASN est une autorité administrative. N’est-ce pas souvent au final au contribuable de payer par ses impôts ?

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  • L’article explique comment l’industrie allemande reste compétitive en ne payant pas une taxe que payent les ménages, mais n’explique pas comment l’Allemagne est exportatrice d’électricitė .
    Aucune explication n’est fournie sauf à interpréter l’article en disant que l’industrie allemande fonctionne å d’électricitė au lignite et brade son ėlectricité verte (qui serait pour beaucoup du surplus puisque l’industrie n’en consomme pas) en France.

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  • Si le solaire et l’éolien sont tellement moins chers en Allemagne , comment expliquez vous que les ménages la payent beaucoup plus cher qu’en France ?

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