En Europe, le marché des biocarburants continue de progresser discrètement, à l’image de l’aviation d’affaires qui a annoncé, le 29 mai 2018, son intention de s’engager en faveur des biocarburants dans le transport aérien. Pourtant, cette progression des biocarburants manque encore de soutien ; pire : elle se trouve confrontée à de plus en plus d’opposants. En cause ? Sa fabrication, pas si vertueuse que promis par les groupes pétrochimiques.
Un marché des biocarburants en constante progression
Sur le marché mondial, les biocarburants progressent avec constance. Ainsi, en 2017, la production mondiale de biodiesel a passé pour la première fois la barre symbolique des 35 milliards de litres produits. Il y a dix ans, cette production n’en était encore qu’à 15 milliards de litres, et elle devrait dépasser les 40 milliards de litres dès 2019.
La raison principale de ce succès tient aux contraintes liées à la transition énergétique. En effet, les biocarburants sont sensés émettre moins de gaz à effet de serre lors de leur utilisation, ce qui fait d’eux les ambassadeurs d’une mobilité plus respectueuse de l’environnement. Malheureusement cette propreté ne se retrouve pas dans leur production.
L’huile de palme des biocarburants au coeur des débats
A l’heure actuelle, le biodiesel est le biocarburant le plus produit en France. La France est d’ailleurs le second pays producteur de biodiesel en Europe (elle représente 22% du biodiesel européen) derrière l’Allemagne (44%). Le biodiesel est principalement obtenu à partir d’huile de colza ou de tournesol, mais les choses sont en train de changer grâce aux biocarburants nouvelle génération, qui sont de plus en plus nombreux à être produits à partir d’huile de palme. Seul problème : cette production de carburant à partir d’huile de palme entraîne une pollution trois fois supérieure à celle d’un baril de pétrole. L’huile de palme a d’ailleurs déjà fait l’objet de campagnes lancées par des associations environnementales et soutenues par des législations pour la bannir des produits alimentaires. Et avec la fabrication des biocarburants nouvelle génération, le débat autour de l’utilisation de l’huile de palme a repris.
Bras de fer entre les pétroliers et les ONG
Mercredi 16 mai 2018, la question de l’utilisation de l’huile de palme dans les biocarburants a pris une nouvelle dimension avec l’accord obtenu par Total pour son projet de bioraffinerie à La Mède, dans les Bouches-du-Rhône. L’état s’est prononcé en faveur de total, alors même que de nombreuses associations, y compris des exploitants agricoles de la région, s’opposaient au projet. En cause : Total a investi 275 millions d’euros pour transformer sa raffinerie pétrolière en bioraffinerie afin de produire du biodiesel et de l’éthanol à partir d’huile de palme. Pour se faire, le groupe pétrolier compte importer pas moins de 300 000 tonnes d’huile de palme chaque année. Une nouvelle qui a placé Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique et solidaire, dans une position embarrassante. Interviewé sur le sujet, le ministre a officiellement demandé à Total de réduire au maximum l’utilisation d’huile de palme dans la fabrication de ses biocarburants.
Et le ministre français n’est pas le seul à être dans l’embarras : le Parlement Européen a voté, en janvier dernier, la suppression des biocarburants fabriqués à base d’huile de palme. Mais cette interdiction ne devrait entrer en vigueur qu’après, et à la condition que les états membres trouvent un accord. En attendant, l’Union Européenne a retiré ces biocarburants de la liste des énergies renouvelables reconnues.
Du côté du secteur privé, les groupes pétrochimiques préparent déjà la prochaine génération de biocarburants… sans huile de palme. Avec les futures formules chimiques, les biocarburants pourraient être produits grâce à des déchets ou des résidus végétaux agricoles transformés en matières premières pour la production de biodiesel et d’éthanol. Autre piste envisagée : des biocarburants de troisième génération pourraient être mis au point à partir d’algues. En France, GDF s’est déjà associé à Air Liquide pour mettre au point une formule d’ici 2020.
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