Fusion nucléaire contrôlée : au Royaume-Uni, les chercheurs avancent à grands pas - L'EnerGeek

Fusion nucléaire contrôlée : au Royaume-Uni, les chercheurs avancent à grands pas

Source d’énergie quasi inépuisable, la fusion nucléaire alimente la recherche technologique depuis de nombreuses années. Si les progrès sont lents et les programmes de recherche fastidieux, de récentes découvertes ont fait naître l’espoir d’un premier réacteur opérationnel dans moins d’une décennie. Au Royaume-Uni par exemple, les scientifiques du groupe Tokamak Energy ont franchi fin avril 2017 un pas important vers la fusion nucléaire contrôlée, via la mise en route réussie de leur réacteur thermonucléaire expérimental ST40 et la production d’un premier plasma. Une première mondiale de la part d’un groupe privé.

Un premier plasma prometteur pour le secteur privé

A la différence de la fission nucléaire, où le noyau d’un atome lourd est divisé en plusieurs nucléides plus légers, le principe de fusion nucléaire repose sur un processus chimique similaire à celui des étoiles, et consiste à faire fondre et fusionner deux atomes d’hydrogène pour en former un troisième plus grand, libérant ainsi une quantité d’énergie considérable. Seul problème, ces atomes ont une tendance naturelle à se repousser et imposent des températures extrêmes pour accélérer les noyaux et leur permettre d’outrepasser ces forces électromagnétiques. La température élevée nécessaire pour ce processus signifie toutefois que la réaction ne peut être maîtrisée correctement par un matériau solide, et impose l’utilisation d’un champ magnétique pour maintenir le plasma en place (une soupe d’électrons à ultra-haute température) dans un volume restreint.

La production de plasma, quatrième état de la matière, constitue ici le premier défi technologique. Il s’obtient en chauffant un gaz à plusieurs millions de degrés, et doit être maintenu à cette température pour être exploité suffisamment longtemps, et générer de l’énergie en grande quantité. Le réacteur britannique ST40, mis en service la semaine dernière par le groupe Tokamak Energy, semble avoir validé cette première étape et généré avec succès du gaz brûlant ou “plasma” chargé électriquement dans son noyau. “Aujourd’hui est un jour important pour le développement de l’énergie de fusion au Royaume-Uni et dans le monde entier. Nous dévoilons le tout premier dispositif de fusion contrôlée, de classe mondiale, conçu, construit et exploité par une entreprise privée”, a déclaré à cette occasion David Kingham, le directeur de Tokamak Energy.

Le défi technologique du champ magnétique

Ce processus implique toutefois l’utilisation d’aimants à haute puissance pour contrôler le plasma et ce, à des températures extrêmes, pendant une durée suffisamment longue qui permette de générer des quantités utiles d’électricité. Le groupe Tokamak Energy, qui comme son nom l’indique, a recours ici à un réacteur Tokamak (chambre torique de confinement magnétique destinée à l’étude des plasmas), compte pour cela sur des bobines magnétiques de haute puissance, et devra donc prochainement installer et tester un ensemble complet de bobines magnétiques dans le ST40. “Une fois installées, ces bobines permettront au ST40 de produire une première température plasmatique de 15 millions de degrés”, précise le groupe dans un communiqué.

Lire aussi : La fusion nucléaire par confinement magnétique : enjeux et avancées

La question de ce champ magnétique est ici déterminante. Elle fut traitée récemment au MIT (Massachussets Institute of Technology) dans le cadre d’un programme de recherche spécifique débouchant sur la mise au point d’une solution à la fois “abordable, robuste et compact” (ARC) permettant de battre le record de pression plasmatique. Ce modèle innovant repose sur de nouveaux matériaux supraconducteurs à haute température permettant de maintenir une force magnétique suffisante tout en diminuant considérablement la taille de l’installation et donc le coût. Ces supraconducteurs à base d’oxyde de baryum, de cuivre et de terres rares, et baptisés Rebco (rare-earth barium copper oxide), se présentent sous forme de rubans et sont utilisés pour fabriquer les bobines génératrices de champs.

Un premier réacteur opérationnel avant 2030 ?

Outre le MIT, plusieurs groupes publics de recherche sont d’ores et déjà parvenus à contrôler le plasma, laissant poindre l’espoir d’une fusion contrôlée dans les meilleurs délais. En décembre dernier par exemple, des chercheurs sud-coréens étaient les premiers à générer du plasma de haute performance atteignant les 300 millions de degrés Celcius pendant 70 secondes, tandis qu’en Allemagne, un tout nouveau type de réacteur à fusion baptisé Wendelstein 7-X stellerator réussissait lui aussi à contrôler le plasma.

Lire aussi : Fusion nucléaire : où en est vraiment le projet ITER ?

En France, à Cadarach, sur le chantier d’Iter, le réacteur expérimental West, produisait au mois de janvier 2017, son premier plasma chauffé à plus de 100 millions de degrés (ce qui représente une température sept fois plus élevée qu’au centre du Soleil), ouvrant ainsi la voie à l’utilisation de la fusion nucléaire comme source d’électricité entre 2025 et 2035.

 

 

 

 

 

 

De son côté, l’objectif du réacteur ST40 est lui aussi de chauffer du plasma jusqu’à 100 millions de degrés Celsius (un record pour une entreprise privée), et d’atteindre à l’horizon 2018, le seuil de fusion auquel les atomes d’hydrogène commencent à fusionner en noyaux d’hélium, et libèrent de l’énergie propre et illimitée. “Le ST40 est une machine qui rendra possible des températures de fusion – 100 millions de degrés – dans des réacteurs compacts et rentables. Cela permettra d’aboutir à une puissance de fusion très intéressante en quelques années seulement, et non en plusieurs décennies”, a poursuivi M. Kingham. Tokamak Energy table notamment sur la mise en service d’un premier réacteur opérationnel avant 2030.

Crédits photo : Tokamak Energy

Rédigé par : La Rédaction

La Rédaction
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COMMENTAIRES

  • La R&D et les réalisations progressent en vue de maitriser la fusion nucléaire en France (ITER), Royaume Uni et Allemagne mais l’accès aux très hautes températures atteintes par le plasma n’est que l’une des conditions pour atteindre et surtout maintenir la fusion D/T.
    Cette recherche prendra encore quelques décennies avant une application industrielle.

    Répondre
  • Je fais confiance aux chercheurs pour obtenir des plasmas à 100 millions de degrés, mais pendant combien de temps, et surtout je n’arrive pas à imaginer la machine qui transformera cette énergie chaleur à une température qui exclut tout contact avec quelque matériaux que ce soit, en énergie mécanique.
    Peut-on se passer de Carnot et de la thermodynamique ?

    Répondre

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