Le barrage de la Rance, première usine marémotrice du monde et pont routier reliant Saint-Malo à Dinard, célébrait le 26 novembre 2016 son cinquantième anniversaire. L’occasion de revenir sur cet ouvrage d’exception d’une puissance de 240 MW qui bénéficie depuis 2012 d’un programme de rénovation et de modernisation complet destiné à prolonger sa durée d’exploitation.
L’énergie marémotrice: la force des marées
L’énergie marémotrice consiste à exploiter la force des marées. Construit dans une baie ou un estuaire, un barrage créé une retenue artificielle. A la différence d’une usine hydroélectrique, l’eau y est turbinée deux fois par des turbines génératrices d’électricité selon le principe des vases communicants : lorsque la marée est haute et que le réservoir est rempli puis à marée basse lorsque le réservoir est vidé.
Pour tirer un maximum de profit de cette énergie reposant sur les variations du niveau de la mer, les usines marémotrices sont construites dans des zones côtières où l’amplitude des marées est très importante. Comme l’énergie hydraulique, cette énergie est renouvelable, non émettrice de CO2, et offre une production électrique à la fois stable et prévisible (puisque fonction des coefficients des marées).
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Mais malgré leurs nombreux atouts, les unités de production basées sur l’énergie marémotrice sont toujours très peu nombreuses aujourd’hui. L’usine de la Rance, en Bretagne, est l’une des seules usines marémotrices en service actuellement dans le monde avec celle d’Annapolis Royal au Canada et celle de Siwha en Corée du Sud (devenue la plus puissante du monde en 2011).
Un barrage rénové et modernisé
Inaugurée le 26 novembre 1966 par le Général De Gaulle, cette usine de 240 MW barre l’estuaire de la Rance sur 750 m et produit plus de 500.000 MWh par an grâce à 24 turbines de 5,35 m aux pales orientables selon le sens de la marée. Elle a été raccordée au réseau le 4 décembre 1967 et est devenue au fil des ans incontournable pour l’approvisionnement énergétique breton. Elle alimente près de 225.000 habitants et représente 17% de l’électricité produite dans la région.
« Inaugurée le 26 novembre 1966 par le Général De Gaulle, l’usine barre l’estuaire de la Rance sur 750 m et produit plus de 500.000 MWh par an »
Le barrage fait toujours l’objet d’une concession entre l’Etat (propriétaire du domaine maritime) et EDF et bénéfice depuis quelques années d’un programme de rénovation et de modernisation complet. L’exploitant a entamé fin 2015 des opérations de sécurisation des vannes, pièces maîtresses du processus de production d’électricité tandis que le gestionnaire du réseau RTE a procédé au renouvellement d’une ligne à 63.000 volts (3,8 km de longueur) alimentant en électricité l’agglomération de Saint-Malo et la Côte d’Emeraude. Le département d’Ille-et-Vilaine a quant à lui rénové les chaussées des ponts levants du barrage qui voit chaque jour défiler plus de 25.000 véhicules (40.000 en saisons touristiques).
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Ce programme de modernisation devrait se poursuivre jusqu’en 2023 et permettre au barrage de maintenir un niveau de rendements équivalent. Comme l’explique au journal 20 minutes, Jean-Paul Bouheret, directeur de la production hydraulique d’EDF en Bretagne, « une fois modernisée, elle continuera de produire environ 500 GWh par an, soit l’équivalent de la consommation d’une ville comme Rennes« .
Un plan de lutte contre la sur-sédimentation
Outre ces travaux de modernisation, l’installation de la Rance devrait également bientôt faire l’objet d’un plan d’action destiné à lutter contre la sédimentation accrue dans l’estuaire. Si l’échange de sédiments et l’envasement qui en résulte sont des phénomènes naturels observables aussi bien à la Rance qu’en Baie de Somme ou en Gironde, l’accumulation de la vase pourrait impacter à terme les écosystèmes environnants et entraver le bon fonctionnement de la centrale.
« Nous [tous les acteurs, parmi lesquels EDF] sommes tous d’accord pour dire qu’il faut faire quelque chose. Mais on discute sur les quantités à extraire, la nature du plan de gestion pérenne des sédiments et la nature du financement. C’est à l’État de prendre ses responsabilités et de faire en sorte que ce plan voie le jour et que son financement soit assuré« , explique sur France 3 Région Didier Lechien, maire de Dinan.
« Selon Ségolène Royal, le prix de vente de l’hydroélectricité produite à la Rance devrait intégrer les coûts du traitement du problème de sur-sédimentation »
S’exprimant sur le sujet le 23 novembre 2016 devant le Sénat, la ministre Ségolène Royal avait promis une avancée rapide en précisant que le prix de vente de l’hydroélectricité produite à la Rance devrait intégrer les coûts du traitement du problème de sur-sédimentation. De son côté, le groupe EDF avait déjà mis à disposition huit hectares de terrain pour la mise en place d’un centre de traitement des sédiments et attend désormais les conclusions du bureau d’études mandaté par le gouvernement sur ce dossier.
70.000 visiteurs chaque année
Fort de ses spécificités, le barrage de la Rance est aujourd’hui reconnu comme un ouvrage unique en France et connaît un succès grandissant auprès des usagers. Avec plus de 70.000 visiteurs chaque année, l’usine marémotrice figure dans le top 3 des sites industriels les plus visités en Bretagne et en deuxième position du classement des sites EDF les plus visités en France derrière la centrale hydroélectrique du Bazacle à Toulouse.
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S’il n’est bien sûr pas possible de visiter la centrale elle-même pour des raisons de sécurité, l’énergéticien a aménagé sur le site un espace découverte situé dans le barrage qui offre une vue panoramique sur la salle des machines.
Crédits photo : Dani 7C3
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