Tandis que la COP22 s’ouvre aujourd’hui à Marrakech, le Maroc apparaît comme l’un des pays ayant le plus massivement investi dans les énergies renouvelables ces dernières années. Gare toutefois à la tentation des hydrocarbures, encore assez prégnante.
« La mise en place d’un nouveau modèle de développement pour le droit à une vie meilleure doit être l’objectif noble assigné à la COP22 ». Pour le ministre marocain de l’Energie, le docteur en agronomie Abdelkader Amara, la 22ème Conférence mondiale sur le climat (7-18 novembre) doit être l’occasion de mettre en œuvre l’accord de Paris obtenu lors de la COP21. Celui-ci, entré en vigueur récemment, prévoit le maintien du réchauffement climatique mondial en deçà de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Pour parvenir à ce résultat, les Etats les plus pollueurs de la planète n’ont d’autres choix que d’abandonner les énergies fossiles et développer les renouvelables. Une stratégie adoptée il y a quelques années par le Maroc.
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« Police de l’environnement »
Dire qu’en Afrique, le Royaume chérifien occupe la tête en matière de transition énergétique, est loin d’être exagéré. Il n’y a pas si longtemps, en 2010, il dépendait encore à 98 % des importations d’énergie – une fragilité qui l’a poussé au cours de la dernière décennie à développer massivement ses ressources locales. La nouvelle politique énergétique de Rabat vise ainsi à assurer la sécurité d’approvisionnement et l’efficacité énergétique, mais aussi à réduire ses émissions globales de gaz à effet de serre (GES).
Le Maroc entend tirer plus de 40 %
de sa capacité électrique de ces sources propres
à l’horizon 2020, et 52 % d’ici à 2030
Une dynamique qui a même été inscrite au sein de la nouvelle Constitution, adoptée en 2011, et qui pour la première fois inclut le droit à un environnement sain. Cette transition a poussé le pays à s’engager à réduire ses émissions de GES de 32 % en 2030 par rapport aux prévisions pour la même année selon un scénario « cours normal des affaires ». Cela passe par un changement structurel majeur : le Maroc entend tirer plus de 40 % de sa capacité électrique de ces sources propres à l’horizon 2020, et 52 % d’ici à 2030 – 20 % de solaire, 20 % d’éolien, 12 % d’hydraulique. On n’y est pas encore, pourtant, la machine semble lancée.
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Actuellement, le Maroc produit environ 6 135 MW d’énergie par an. Cette production se répartit entre les centrales électriques classiques (4 166 MW), l’énergie hydraulique (1 748 MW, soit 28 %) et l’énergie éolienne (222 MW, soit 3,6 %). Porté par la stratégie nationale de développement des énergies renouvelables adoptée en 2011, le pays a pu augmenter d’1,4 GW ses capacités de production ; la loi-cadre sur l’environnement et le développement durable, adoptée en janvier 2013, a permis de créé une « Police de l’environnement » chargée des inspections et contrôles environnementaux ; le texte législatif instaure également une « fiscalité verte » qui met en œuvre la réduction de la production de déchets et le principe du recyclage à l’échelle nationale.
Energie solaire
Pour Abdelkader Amara, qui estime urgent un changement de modèle dans son pays, il s’agit d’être exemplaire sur la scène internationale. D’autant plus que « d’ici à 2030, nous prévoyons un triplement de la demande en énergie primaire et un quadruplement de la demande électrique par rapport à 2008 ». Pour mieux comprendre ses besoins à venir et les opportunités qui en découleront, le pays a d’ailleurs fait appel à l’expertise de l’Agence internationale de l’énergie. Au terme d’un état des lieux de son secteur énergétique, le Royaume s’est engagé à réaliser « des investissements de plus de 40 milliards de dollars dans les 15 prochaines années, dont 30 milliards rien que pour les énergies renouvelables ».
Le Maroc est « au premier rang des marchés
les plus dynamiques en termes de construction
et de planification de centrales solaires » (REN21)
Ainsi, dernièrement, le pays – qui dispose de nombreux atouts, climatiques et géographiques – s’est-il lancé dans la construction de vastes parcs éoliens et de centrales solaires. Grâce à un ensoleillement de 300 jours par an, une vitesse moyenne des vents de 9m/s – avec des pics dans les régions littorales – et des ressources hydriques non négligeables, le Maroc ressemble peu ou prou à une terre de cocagne pour les énergies renouvelables. Et le gouvernement a choisi de suivre une approche régionale à même de porter un développement qui s’adapte aux spécificités et au potentiel de chacune des douze grandes régions du pays.
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Cela se caractérise par une myriade de projets, parmi lesquels on compte bien évidemment la centrale « Noor » à Ouarzazate – plus grande centrale solaire thermodynamique au monde. Celle-ci regroupe pour l’heure des panneaux solaires sur une surface de 450 hectares, soit l’équivalent de 600 terrains de football ; l’objectif est d’atteindre 2 000 MW de production électrique d’ici 2020 pour alimenter pas moins de deux millions de foyers. Le rapport sur le statut mondial des énergies renouvelables 2016, publié le 1er juin dernier, par le réseau international REN21 (Renewable Energy Policy Network for the 21st Century) s’est à ce propos montre très encourageant, en plaçant le Maroc « au premier rang des marchés les plus dynamiques en termes de construction et de planification de centrales solaires ».
Rente en hydrocarbures
Conformément aux Hautes Directives Royales, les autres domaines ne sont pas laissés pour compte. Plusieurs parcs éoliens sont en train d’être mis en place : Tanger II (100 MW), Jbel Lahdid (200 MW), Midelt (150 MW), Tiskrad (300 MW), Boujdour (100 MW), mais surtout celui de Tarfaya, le plus grand d’Afrique. Les turbines éoliennes devraient ainsi assurer une production annuelle de 6 600 GWh à l’horizon 2020, soit l’équivalent de 26 % de la production électrique actuelle ; la transition vers le vent permettra d’éviter l’émission de 5,6 millions de tonnes de CO2 par an. La Banque africaine de développement (BAD) a récemment estimé que le Maroc « possède un énorme potentiel d’énergie éolienne (estimé à 25 GW), en raison de sa situation au cœur d’un pôle énergétique et de sa connexion avec le réseau électrique espagnol ».
En outre, le Royaume poursuit la construction de barrages hydroélectriques. De 139 en 2015, le Maroc devrait en compter quelque 170 au tournant de la décennie 2030. Un dynamisme qui s’accompagne aussi de retombées en matière d’emplois, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) se projetant sur la création de 23 000 nouveaux postes dans le secteur des renouvelables dans leur ensemble d’ici 2020.
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Parallèlement à un développement rapide et volontaire, il faut toutefois relever un intérêt, notamment en offshore, dans la recherche d’hydrocarbures. Plusieurs bassins sédimentaires qui présentent des caractéristiques similaires à ceux où du pétrole a été découvert et exploité dans d’autres pays font actuellement l’objet de forages perspectifs. Ainsi, 131 permis de recherche dont 90 en offshore ont été délivrés ces dernières années. Il s’agit d’une dynamique sans précédent dans l’histoire du pays, principalement portée par les investissements réalisés en 2012 (1 milliard de dirham) et 2013 (2,7 milliards de dirham) dans le secteur.
En outre, le potentiel pétrolier des schistes bitumineux attise certaine convoitise. Le Maroc disposerait de réserves importantes estimées à 50 milliards de barils, ce qui place le pays au 6ème rang mondial. La tentation d’une rente en hydrocarbures demeure donc encore. Pourtant, l’exemple du voisin algérien, en pleine crise, devrait dissuader la monarchie chérifienne de se lancer dans l’aventure.
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