Le 15 mai 2025, le Parlement fédéral belge a mis un terme définitif à l’un des piliers de sa politique énergétique post-années 2000, la sortie du nucléaire. Inscrite dans la loi depuis 2003, cette orientation vient d’être balayée d’un revers de majorité, au profit d’un retour affirmé à l’atome. En adoptant la proposition de loi sur « diverses dispositions en matière d’énergie nucléaire », les élus ont voté à 102 voix pour, 8 contre et 31 abstentions la suppression de toute mention de fermeture des réacteurs en 2025. Et ce n’est pas tout.
Noyade législative d’un symbole, le nucléaire refait surface en Belgique
La loi de 2003 représentait un symbole fort. Érigée sous l’impulsion des écologistes, alors en coalition, elle avait fixé un cap clair : la fin de l’énergie nucléaire en Belgique à l’horizon 2025, assortie d’une interdiction de construire de nouvelles centrales. Deux décennies plus tard, cette boussole énergétique a volé en éclats. Le texte voté jeudi 15 mai 2025 supprime purement et simplement cette perspective.
Le gouvernement dirigé par le conservateur flamand Bart De Wever a ainsi tenu parole, concrétisant un engagement de campagne. Pour la majorité actuelle, confrontée à la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine et la menace de coupures gazières, le nucléaire est redevenu un gage de souveraineté. Faut-il rappeler que depuis 2011 et Fukushima, la population belge, comme ailleurs, s’était détournée de l’atome ? À croire que l’urgence énergétique a la mémoire courte.
Sécurité énergétique ou abandon politique ? Le débat enfoui sous l’urgence
Ce retournement de veste politique n’est pas anodin. Il signe la fin d’un cycle de tergiversations, de dérogations temporaires et d’ajustements réglementaires. La Belgique pourra désormais prolonger ses réacteurs existants au-delà des deux déjà étendus jusqu’en 2035, un accord ayant été signé en 2023 avec le groupe français Engie, exploitant du parc belge. Mais surtout, le pays peut, à nouveau, théoriquement, construire de nouvelles unités.
« Le Parlement fédéral vient de tourner la page de deux décennies de blocages et d’hésitations pour ouvrir la voie à un modèle énergétique réaliste et résilient », s’est félicité le ministre belge de l’Énergie, Mathieu Bihet, cité par Le Monde. Ce libéral francophone revendique même la volonté de « relancer une filière innovante », censée renforcer l’indépendance énergétique du pays et ses efforts de décarbonation.
Écologistes marginalisés, opposition muselée : le nucléaire en roue libre ?
Du côté des bancs parlementaires, la résistance à cette réforme a été modeste. Seuls les partis écologistes Ecolo et Groen ont voté contre. Le Parti socialiste (PS) et le Parti du travail de Belgique (PTB), quant à eux, ont préféré s’abstenir. Une opposition tiède, presque résignée. L’énergie nucléaire, hier encore paria politique, est désormais au centre d’un consensus pragmatique.
Les mœurs politiques changent, et le nucléaire avec elles. La Belgique emboîte le pas à l’Italie, aux Pays-Bas et à la Suède, autant de pays ayant récemment réévalué leur stratégie énergétique à l’aune des bouleversements géopolitiques. La sortie du nucléaire est donc morte et enterrée. La décision belge d’abroger sa loi de sortie du nucléaire envoie un signal clair. Face aux tensions géopolitiques, aux ambitions de décarbonation et à l’impératif de sécurité énergétique, les dogmes tombent un à un. La Belgique a tranché, sans détour. L’Allemagne, elle, hésite encore. Officiellement, la page nucléaire est tournée depuis avril 2023. Officieusement, le débat revient sur le devant de la scène, alimenté par les appels d’industriels, de scientifiques et d’une opinion publique de moins en moins hostile à l’atome.