Nucléaire : indépendance ou autonomie énergétique ?

Publié le

Écrit par :

Vos contributions

Temps de lecture: 4 minutes

Le putsch au Niger a suscité un vent de panique en France et relancé le débat sur l’indépendance énergétique du ...

réacteurs nucléaires indépendance - Energeek

Le putsch au Niger a suscité un vent de panique en France et relancé le débat sur l’indépendance énergétique du pays. « Le Niger fournit à la France l’uranium indispensable aux centrales nucléaires », a ainsi twitté la députée écologiste Sandrine Rousseau le 29 juillet dernier, rappelant au passage que, selon elle, « le nucléaire ne permet pas du tout l’indépendance énergétique ». Un avis (un peu trop) tranché, qui mérite d’être nuancé et invite à faire une claire distinction entre autonomie et souveraineté énergétiques.

L’indépendance énergétique n’existe pas (encore)

Sandrine Rousseau s’est récemment dite préoccupée par les conséquences du coup d’État au Niger sur « l’indépendance énergétique » de la France. De prime abord, difficile de lui donner tort. Depuis l’arrêt de l’extraction de l’uranium du sous-sol français en 2000, Paris importe la totalité de ce qu’il consomme. Néanmoins, le Niger ne représente que 4 % de la production mondiale d’uranium (48 000tU) et la France dispose de sources d’approvisionnement diversifiées.

Importé en totalité, l’uranium, et donc le nucléaire, ne confère pas, pour l’heure, une totale indépendance énergétique à la France. Un reproche aussi valable pour les autres énergies bas-carbone. L’éolien et le photovoltaïque dépendent des aléas climatiques et souffrent d’un facteur de charge très modeste — de 10 à 20 % pour le solaire, contre 80 % pour le nucléaire, selon les données du Statista Research Department. Dans le domaine hydroélectrique, la France ne dispose pas de réserves d’eau suffisantes pour alimenter l’ensemble du territoire en hydroélectricité. En effet, le potentiel technique exploitable en France est de 70 TWh par an et est déjà exploité à 60 TWh par an. Un recours aux hydrocarbures est donc, pour combler ce faible facteur de charge, nécessaire. Dans le domaine des composants des éoliennes et des panneaux solaires, la France se fournit aussi sur les marchés internationaux, où les tensions se font de plus en plus sentir.

Le plus lu  Canada : inauguration du parc éolien Massif du Sud

À vrai dire, seule l’énergie biomasse (production d’électricité à partir de la combustion de déchets organiques issus de l’exploitation forestière et agricole) pourrait garantir une production électrique « de base », c’est-à-dire véritablement disponible en continu, et indépendante des aléas climatiques. Toutefois, cette énergie a une empreinte carbone importante (transport des déchets, CO2 lié à la combustion), elle peut être nocive quand elle est domestique (intoxication par poêle à bois), et impliquerait la construction de très nombreuses centrales pour être produite à grande échelle. « La combustion de biomasse émet du CO2. On ne devrait parler de neutralité carbone que si dans le même temps cette activité générait, par nature, à l’échelle de l’année, un captage équivalent de CO2. Dans bien des cas, ce n’est pas le cas », estiment ainsi deux chercheurs du Citepa, dans le rapport Secten 2020.

L’autonomie oui…

Pas de solution miracle, donc. Mais une suite de choix stratégiques plus ou moins efficaces. La France a ainsi misé sur le nucléaire en y voyant un compromis entre faibles émissions de CO2, indépendance relative, et surtout praticité, l’uranium pouvant être stocké en grande quantité, contrairement aux autres combustibles fossiles. En effet, la fission des noyaux d’uranium 235 contenus dans un gramme produit autant d’énergie que la combustion de 3 tonnes de charbon, 2 tonnes de pétrole, ou 1,7 tonne de gaz naturel ; un avantage certain en termes de transport, mais surtout de stockage.

Ainsi, en multipliant ses fournisseurs (Canada, Russie, Kazakhstan, Niger, Australie et Namibie), et en gonflant ses stocks (744 tonnes de combustible prêt à l’usage, représentant 9 mois de besoins ; 3 290 tonnes d’uranium enrichi, représentant plus de 3 ans de besoins ; et 37 800 tonnes d’uranium naturel, correspondant à 5 années de combustible une fois enrichi), la France s’est assuré une certaine autonomie énergétique sur le moyen-terme, que n’offrent pas les réserves actuelles de gaz et de pétrole, le pays ne comptant que 6 mois de stock d’hydrocarbures.

Le plus lu  Nucléaire : l’EPR de Flamanville bientôt terminé ?

Le coup d’État au Niger, s’il peut contrecarrer en partie les plans de la France dans la région, ne devrait avoir que des conséquences mineures sur l’indépendance énergétique de la France. Rien, pour le moment, ne vient acter la fin des opérations d’extraction. Par ailleurs, l’entreprise en charge de l’exploitation des sites d’uranium, Orano, ne dispose plus que d’une seule mine dans le pays, le site de Somaïr, près d’Arlit, dont le bail s’achèvera en 2040.

… qui pourrait devenir indépendance

Bien que la France ait presque intégralement épuisé l’uranium présent dans son sous-sol (les quantités restantes en Bretagne et en Auvergne, notamment, sont négligeables) elle dispose, en plus de ses stocks, d’une manne importante de combustible usé, qui peut être réenrichi. Ainsi, en investissant massivement dans les capacités de stockage et de recyclage de l’uranium, la France pourrait disposer d’une quantité considérable de combustible, et devenir cette fois pleinement indépendante, selon de nombreux experts. « Les déchets nucléaires doivent simplement être recyclés efficacement afin de générer des siècles d’énergie propre pour l’Europe et le Royaume-Uni. Ces matières ne sont pas des déchets, mais des combustibles pour l’avenir », précise l’ONG environnementale Replanet, dans un rapport daté d’avril 2023.

Et justement, le groupe français Orano, leader mondial en la matière, multiplie les initiatives en ce sens à travers deux étapes : le traitement du combustible usé, sur le site de la Hague, dans la Manche, et la fabrication du MOX, sur le site de Melox, dans le Gard. Car 96 % du combustible usé est réutilisable, et permet de créer du MOX (8,5 % d’oxyde de plutonium et 91,5 % d’uranium appauvri), qui fournit actuellement 10 % de la production d’électricité nucléaire française. L’État doit donc investir davantage dans ce domaine s’il souhaite atteindre une vraie indépendance énergétique, grâce notamment au MOX 2, un nouveau type de combustible qui permettra le multi-recyclage du plutonium, mais également grâce à la valorisation de l’uranium issu du recyclage des combustibles usés.

Laissez un commentaire

Vous aimez cet article ? Partagez !

Avatar
À propos de l'auteur :
Vos contributions

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.