Alors que nous entrons dans la seconde partie du débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), le sort des combustibles usés issus de l’industrie nucléaire est plus que jamais un sujet d’actualité. D’abord dirigé vers des piscines attenantes au réacteur, le combustible usé continue ensuite son parcours jusqu’aux piscines situées dans l’usine d’Orano à La Hague. En effet, la France a fait le choix de l’entreposage en piscine plutôt que d’un entreposage à sec. Explications…
Le nucléaire français a l’avantage de faire preuve de transparence. Une condition qui participe de la sûreté nucléaire, car elle oblige tous les acteurs de la chaîne à ne laisser aucun angle mort dans le cycle du nucléaire. Cela se vérifie avec le débat public en cours au sujet du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), qui prendra fin le 25 septembre 2019. Sous l’égide de la Commission nationale de débat public (CNDP), chaque citoyen est appelé à donner son opinion et à s’intéresser aux multiples aspects engendrés par la production de déchets radioactifs. Une gestion qui implique au demeurant, inévitablement, l’utilisation de piscines afin de refroidir les combustibles usés.
L’entreposage en piscine : un passage obligé
Chaque centrale nucléaire française dispose d’une piscine destinée à recevoir les combustibles usés qui viennent d’être retirés des réacteurs. Cette opération incontournable, peut durer jusqu’à quatre ans et concerne tous les combustibles usés. Le but est de les refroidir avant de poursuivre les autres étapes du cycle du combustible. En France, l’étape suivante consiste à les transférer vers l’usine d’Orano La Hague, spécialisée dans l’entreposage et le recyclage des déchets radioactifs. Ce centre unique reçoit jusqu’à présent tous les combustibles usés issus des centrales françaises. Or, sur le site comprenant un total de 2 830 emplacements, on estime que seulement 210 emplacements étaient encore disponibles en 2016. C’est pourquoi, certains experts évoquent un problème de saturation des capacités d’entreposage.
Au moment où l’on envisage les différentes alternatives possibles, il est de bon ton de rappeler que d’autres pays – à commencer par les Etats-Unis, l’Allemagne, la Corée du Sud – préfèrent l’entreposage dit « à sec ». Ce type d’entreposage consiste à confiner les combustibles usés en casemate, c’est à dire à les bunkeriser dans des silos en béton . Avec ce procédé, « la radioprotection est assurée par la structure de l’entreposage ». Et si l’entreposage à sec est notamment défendu par certains écologistes français, à l’instar de Barbara Pompili, rapporteuse de la commission d’enquête sur la sécurité et la sûreté du nucléaire, cette option ne tient pas compte des spécificités de l’industrie nucléaire française.
En effet, actuellement une vingtaine de réacteurs nucléaires utilisent le MOx, un combustible provenant de matières recyclées. Celui-ci présente l’avantage de réduire les déchets finaux de l’industrie nucléaire française, mais il a aussi pour caractéristique de refroidir plus lentement qu’un combustible usé ordinaire. Dans ces conditions, l’ancien directeur exécutif en charge de la Production Nucléaire et Thermique d’EDF, Dominique Minière, avait d’ailleurs indiqué à la commission parlementaire que « compte tenu du temps de refroidissement des assemblages MOx usés, c’est-à-dire vingt ans, une piscine centrale restera toujours nécessaire ». D’autant plus que l’eau a comme propriété intrinsèque d’agir comme une barrière de protection contre les rayonnements et les dégagements de chaleurs des combustibles usés.
Le nucléaire, une industrie aux choix complexes
Cette nécessité a bien été comprise par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui a rendu le 29 juillet 2019, un avis plutôt positif concernant un « projet de piscine d’entreposage centralisé de combustibles usés » porté par EDF. Le site d’Orano de La Hague arrivera au maximum de ses capacités à l’horizon 2030, et une autre piscine devra donc être construite au cours des prochaines années. En effet, si 1 100 tonnes de combustibles usés quittent la piscine de La Hague chaque année, ce sont 1 200 nouvelles tonnes qui y rentrent. Le différentiel est donc de 100 tonnes par an. A ce rythme, le site arrivera selon toute vraisemblance à saturation en 2030…
Et même s’il existe certaines marges de manœuvre, la décision de construire une seconde piscine centralisée ne pourra pas être indéfiniment reportée. Pour l’heure, EDF doit néanmoins se conformer aux instructions de l’ASN, qui lui demande de « vérifier que les niveaux d’aléas retenus pour les agressions externes sont appropriés ». Il reste donc encore du chemin à parcourir avant que la France se dote d’une seconde piscine d’entreposage centralisée. De surcroît, sa construction ne signifie toutefois pas que l’option d’un entreposage à sec est définitivement écartée. Finalement, c’est sûrement l’évolution du parc nucléaire français au cours des prochaines décennies qui décidera des modalités d’entreposage à privilégier pour l’avenir. Néanmoins, ces interrogations rappellent que la fermeture d’une centrale nucléaire est toujours une décision complexe, car elle doit non seulement tenir compte de la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays, mais aussi des options technologiques disponibles pour l’entreposage, le recyclage et le stockage des matières radioactives. Autant de questions qui nécessitent de bonnes capacités d’anticipation…
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