Avec la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), les pouvoirs publics souhaitent atteindre 15 000 MW de puissance installée pour l’énergie éolienne terrestre en décembre 2018, contre 10 460 MW au 1er semestre 2016 selon le Ministère du développement durable. Sachant qu’en 2015, 999 MW ont été raccordés au réseau selon le SER, pensez-vous que cet objectif soit atteignable ?
France Energie Eolienne a publié les chiffres des capacités éoliennes installées en 2016 : cela représente 1560,5 MW, ce qui nous amène à environ 12 GW installés à la fin de l’année 2016. Par conséquent, si ce rythme est maintenu sur la période 2017/2018, nous devrions atteindre l’objectif des 15 GW en décembre 2018. Nous avons d’ailleurs publié un dossier de presse qui récapitule la situation. Il y ait indiqué que nous disposons déjà d’une bonne visibilité sur ce que pourrait être 2017 mais qu’il ne faut pas relâcher les efforts (simplification administrative etc.). Pour 2018 c’est un peu plus incertain, notamment car les effets du changement de mécanisme de rémunération pourraient se faire ressentir. Cependant, il faut souligner que la dynamique actuelle résulte d’une stabilité du cadre réglementaire, combinée à plusieurs mesures de simplification, et l’autorisation unique/guichet unique. Pour autant d’autres améliorations sont encore nécessaires pour poursuivre une bonne dynamique de développement, en particulier en ce qui concerne la cohabitation avec les installations de Défense sur le territoire français ou encore la diminution des coûts et délais de raccordement au réseau électrique. En définitive, si nous pouvons considérer que nous sommes sur la bonne trajectoire, même pour 2018, bien que nous restions vigilants, en revanche, pour le palier de 2023, si nous visons la fourchette haute (NDLR : 26 000 MW), il va falloir accélérer.
Dans vos propositions pour la présidentielle 2017, vous suggérez de « redonner aux territoires leur rôle de producteurs d’énergie ». Dans cette perspective, que pense-vous de l’amendement adopté au Sénat visant à affecter une partie de la fiscalité climat énergie à la transition énergétique des territoires ? Est-il suffisant ?
Nous suggérons de redonner aux territoires leur rôle de producteurs d’énergie ; la redistribution des retombées fiscales issues de l’éolien entre l’intercommunalité et la commune est assez complexe, il est nécessaire de permettre aux communes de percevoir la plus grande part de la taxe issue de l’exploitation de l’éolien (l’IFER). Elles seront alors davantage mobilisées pour jouer le rôle essentiel d’accompagnement, d’accueil et de développement des projets éoliens (diffusion de l’information à la population, concertation, etc.) nécessaire à l’atteinte des objectifs de la transition énergétique. Il y a eu des échanges à ce sujet au Parlement, mais à ma connaissance, il n’y a pas encore eu de modifications en ce sens. Les professionnels y sont favorables.
Concernant l’éolien en mer, Ségolène Royal explique dans l’avant-propos de votre Observatoire de l’éolien 2016, réalisé en partenariat avec Bearing Point, qu’il s’agit d’une priorité de sa politique maritime. Trouvez-vous que les pouvoirs publics se montrent suffisamment ambitieux dans ce domaine ? Avez-vous un avis à formuler sur la procédure de dialogue concurrentiel instaurée par la ministre pour l’appel d’offres de Dunkerque (calendrier, puissance visée…) ?
Nous avons eu une décision politique, qui montre que l’État souhaite poursuivre le développement de l’éolien en mer, avec une « mention spéciale » pour l’éolien en mer flottant puisque nous avons quand même eu quatre fermes pilotes attribuées en 2016. Il n’y a pas d’équivalent dans le monde. Ceci représente des investissements conséquents pour tester les technologies, ce qui est très positif. Sur l’éolien en mer posé, si l’on doit saluer sans réserve le lancement du troisième appel d’offres éolien en mer, à Dunkerque et Oléron, en revanche un phasage calendaire clair et une vraie visibilité sont toujours attendus par la profession. Aujourd’hui, à horizon 2023, il est possible pour l’État d’attribuer entre 0,5 et 6GW pour l’éolien en mer, ce qui constitue une échelle très large. Il serait opportun de faire un peu comme pour le solaire en France, où l’on sait précisément quand vont être lancés les appels d’offres et pour quels volumes. Autre exemple, aux Pays-Bas, où un plan de développement quinquennal pour le développement de l’éolien en mer de 3,5 GW est prévu, avec un lancement chaque année de 700 MW, et où l’on sait très précisément comment vont être lancés les appels d’offres (date de lancement, date d’attribution, dans quelles conditions, etc.). Ainsi, en juillet 2016, nous avons eu l’attribution de l’appel d’offres Borssele 1 et 2 (2 x 350 MW), puis fin 2016, celui de Borssele 3 et 4 en décembre.
Au sujet de la procédure de dialogue concurrentiel, nous pensons qu’il s’agit d’une réelle avancée car cela permettra de discuter sur de nombreux points : le cahier des charges bien sûr, mais aussi les aspects de raccordement au réseau, la zone définitive, l’environnement, la précision sur le calendrier de l’appel d’offres et du projet proposé. La possibilité de ne pas figer les choses trop tôt, c’est vraiment intéressant. Sur ce point,nous nous sommes d’ailleurs inspiré de la procédure danoise (depuis imitée par les Pays-Bas). Ce qu’il faudrait également c’est théoriquement donner aux candidats les résultats des études techniques préalables dès le début de la procédure. Pour Dunkerque, nous ne disposerons des éléments qu’au fur et à mesure puisque les études ont été lancées l’année dernière. L’État teste cette procédure avec Dunkerque, mais ceci reste assez ouvert pour les prochains appels d’offres, l’objectif étant d’accroître la concurrence entre les acteurs. Si l’on poussait la logique, il faudrait qu’il y ait en parallèle de cette procédure de dialogue concurrentiel des zones qui soient dé-risquées et autorisées préalablement, ce qui diminuerait sensiblement les coûts et accélérerait le traitement des contentieux, aujourd’hui pénalisant. Là encore, les modèles danois et hollandais, qui obtiennent actuellement les prix les plus bas, constituent des sources d’inspiration.
Que pensez-vous de la reprise des activités dans l’éolien en mer d’Areva par Gamesa ?
Je le vois d’une façon indépendante de la question de l’éolien en mer. Areva est un groupe qui se restructure aujourd’hui sur son cœur d’activité, il est question de la cession de plusieurs filiales comme Adwen ou encore Canberra. Comme il existait déjà une co-entreprise avec Gamesa, il y a donc, je trouve, une certaine logique dans cette décision.
Pour l’éolien terrestre comme pour l’éolien en mer, les recours juridiques des riverains posent parfois problème. Pensez-vous que le raccourcissement des délais de recours proposé par Ségolène Royal pour l’éolien en mer permette de résoudre cette difficulté ?
Sur les recours, effectivement, c’est un problème récurrent pour l’éolien terrestre comme pour l’éolien en mer (plus récemment). Pour l’éolien maritime, un niveau de juridiction a été supprimé avec la publication du décret relatif aux ouvrages énergétiques en mer, en janvier 2016. De ce point de vue, ce décret a été très positif puisqu’il permet de désigner une Cour administrative d’appel unique à Nantes, compétente pour juger ces recours dans un délai d’un an. La demande initiale de la filière était le Conseil d’État en premier et dernier ressort, un seul niveau de juridiction, ce n’est pas la solution qui a été retenue in fine mais, dans tous les cas, la mesure adoptée est positive et ne remet nullement en cause la possibilité d’aller en justice. Il faut bien avoir à l’esprit que chaque recours a un impact sur les décisions finales d’investissement et les appels d’offres en termes de calendrier, ce qui retarde d’autant les commandes aux sous-traitants industriels et prestataires, et donc la création d’emplois. D’une manière générale, nous pouvons rappeler qu’une concertation préalable conséquente a lieu pour chaque projet (plusieurs années); puis l’on mène un débat public, une enquête publique et, entre temps, de nombreuses réunions de concertation ont lieu. Ceci se poursuit ensuite jusqu’à la mise en service du parc. Par conséquent, quoique l’on fasse, il semble qu’une partie des requérants reste par nature toujours opposée à l’éolien, quelle que soit la manière de développer un projet et d’y associer le public.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les objectifs pour l’éolien et les énergies renouvelables sont des objectifs nationaux, portés par l’État. Il incombe donc également à l’État de veiller à ce que ces objectifs soient atteints, car ils résultent d’une volonté démocratique (loi pour la transition énergétique et la croissance verte), ceci concrétise la volonté réelle des Français de voir les énergies renouvelables se développer. Sans oublier que, derrière ces projets, ce sont aussi des emplois sur le territoire français qui sont en jeu ! Le fait que des riverains de parcs éoliens portent une attention particulière aux projets proposés est tout à fait normal et il est également légitime qu’ils soient justement informés de ce que cela implique pour eux, leur commune, les entreprises de la région. Pour les futurs appels d’offres éoliens en mer, nous renouvelons notre souhait de voir organisé le débat public (un par projet) en amont de l’attribution, ce qui permettrait de co-construire le projet et de trancher un certain nombre de questions avec le public afin de pallier certaines difficultés pouvant intervenir par la suite.
Pour l’éolien terrestre, de notre côté, nous avons mis en place une charte éthique dès 2013. En 2015, un travail avec l’association AMORCE a également été réalisé, en a résulté une charte des collectivités et des professionnels de l’éolien ayant pour objectif d’associer les collectivités locales aux projets éoliens, le plus en amont possible de leur développement.
L’éolien en Europe, comme dans le reste du monde, devrait fortement se développer suite aux décisions internationales de lutte contre le réchauffement climatique. Pensez-vous que les industriels français puissent développer leurs exportations au cours des prochaines années ?
Oui, je le pense. La chaîne de valeur du secteur de l’éolien est composée principalement de 4 grands maillons : études et développement, fabrication de composants, ingénierie et construction ainsi qu’exploitation et maintenance. Sur le segment fabrication des composants, le potentiel français est très intéressant, avec des acteurs rassemblant des savoir-faire et compétences reconnues, tant sur l’éolien terrestre que sur l’éolien en mer. Nous pouvons à titre d’exemple mentionner des entreprises leaders dans leur domaine, telles Rollix Defontaine pour les couronnes d’orientation, ou Cornis pour l’inspection des pales en maintenance préventive et corrective.
Lors de la COP21, le lancement de l’Alliance Solaire Internationale a été officialisé. Cet « outil au service de la massification du solaire » pourrait-il inspirer les acteurs de l’énergie éolienne dans un futur proche ? Pouvez-vous nous parler de vos relations avec Wind Europe et l’American Wind Energy (AWE) ? Avez-vous des revendications communes ?
Dans une logique de structuration de la filière éolienne à l’export, une telle initiative est envisageable. Le portage de TPE / PME et ETI par des grands groupes est, par exemple, un modèle qui fonctionne et fait ses preuves (voir le modèle allemand), il devrait être encouragé d’une manière générale. Pour l’instant, il existe des initiatives, comme celles du GWEC (Global Wind Energy Council) pour l’ouverture des marchés potentiels (échanges avec les politiques, tenue d’événements professionnels, notes de synthèse etc.), en complément d’initiatives nationales. A l’échelle européenne, nous entretenons de nombreux échanges avec Wind Europe, notre association sœur. Elle-même ayant des échanges nourris avec ses homologues aux USA, en Asie etc.
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