Depuis la COP21, la communauté internationale s’est fixé comme objectif de limiter l’utilisation des énergies fossiles (charbon, gaz, fioul). Et selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), à l’exception de l’Asie, l’utilisation du charbon comme source de production d’énergie marquerait le pas partout dans le monde. Les récents bouleversements géopolitiques pourraient néanmoins inverser durablement cette tendance à l’heure où certains voient en l’accession de Donald Trump à la maison blanche un possible retour en grâce du minerai noir.
Déclin du charbon = succès des énergies propres ?
C’est à Marrakech, lors de la COP22 que s’est tenue pour la première fois la réunion des parties à l’accord de Paris. Appelée CMA dans le vocabulaire onusien, diminutif de COP serving as Meeting of the Parties to the Paris Agreement, ce rassemblement d’Etat est désormais l’organe chargé de mettre en place les décisions prises lors de la COP21 et de coordonner les efforts des pays signataires de l’Accord de Paris. Une négociation historique lors de laquelle il avait été décidé que l’ennemi principal du climat n’était autre que le charbon. L’adoption du texte avait alors suffit à faire perdre à la société minière Glencore-Xstrata plus de 80% de sa valeur.
Pour autant, le rapport publié par début décembre par l’AIE montre que le combat contre l’utilisation du charbon comme source d’énergie n’est pas gagné d’avance. Le directeur des marchés de l’énergie de l’AIE, Keisuke Sadamori, se veut prudent, estimant que malgré les critiques quasi-unanimes de ces dernières années à l’encontre du combustible, « il est trop tôt pour affirmer que c’est la fin du charbon ».
L’Occident se détourne du minerai
Dans un article consacré aus analyses de l’AIE publiées en décembre 2016, Véronique Le Billon, journaliste spécialisée dans l’énergie, résume : « le charbon est devenu une histoire asiatique« . En effet, d’après les chiffres de l’AIE, les pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont drastiquement diminué leur consommation de charbon: il représentaient un peu moins de 50% de la demande mondiale en 2000, ils ne représentaient plus que 22% de cette même demande en 2015.
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En Europe, la Grande Bretagne fait figure d’exemple. En marge de la COP22, le pays s’est distingué en publiant un plan visant à mettre fin à l’exploitation du charbon d’ici 2025. Plan qui fait écho aux propos du secrétaire à l’Energie, Greg Clark, qui considère la Grande-Bretagne comme « l’un des meilleurs endroits au monde pour investir dans une énergie flexible et propre« .
L’élection de Donald Trump changera-t-elle la donne ?
Outre-Atlantique, la présidence de Barack Obama a été marquée par une augmentation de l’utilisation du gaz naturel et des énergies renouvelables ainsi que d’une baisse corollaire de la consommation du charbon (-15% en 2015 et -23% en 2016). Mais l’élection de Donald Trump pourrait bien changer la donne. Lors de sa campagne, ce dernier avait en effet affirmé vouloir s’assurer que le charbon « durerait encore mille ans » aux États-Unis. Promesse de campagne ou engagement tenable ? Dans un article publié sur RFI le 26 décembre dernier, la journaliste Anne-Marie Capomaccio met en doute la capacité du président élu à redonner une nouvelle jeunesse à une source d’énergie chère, polluante, en déclin depuis plus de 40 ans et dont le monde a appris à se passer. Et la journaliste d’ajouter que même dans son propre camp, Donald Trump ne compte pas que des allié sur cette question. A l’image du leader de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnel, pourtant élu du Kentucky, un Etat dont l’économie a sombré avec le déclin des mines, selon lequel les Etat-Unis feraient bien de reconnaitre qu’ils ne reviendraient jamais à une industrie du charbon prospère.
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L’Allemagne ou le contre-exemple européen
Mais les Etats-Unis ne sont pas isolés dans cette volonté de donner un second souffle au charbon. Outre-Atlantique, en Allemagne aussi, le lobby du lignite fait de la résistance et le ministre de l’Economie et de l’Energie Sigmar Gabriel défend régulièrement l’utilisation de cette ressource pourvoyeuse d’emplois dans le pays. Et pour cause, le minerai assurerait quasiment 80% de l’offre d’électricité en Allemagne (Cf. graphique).
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Changement de cap en Asie
Comptant parmi les plus gros pollueurs de la planète, si les pays asiatiques sont souvent montré du doigt par la communauté internationale pour leurs forts taux d’émission de gaz à effet de serre, ces derniers tentent néanmoins depuis quelques années de diversifier leurs mix énergétiques respectifs. Et si la Chine représente actuellement 50% de la production de charbon mondiale, Pékin ne développe pas moins massivement, en parallèle, son parc nucléaire et les énergies renouvelables (ENR). Le 31 décembre dernier, l’agence de planification chinoise a même annoncé son intention de « réduire de 800 millions de tonnes ses capacités d’ici 2020« .
Prenant exemple sur le voisin chinois, L’Inde s’applique également à accélérer le développement des énergies renouvelables sur son sol.Enfin, l’Indonésie a récemment annoncé sa volonté de limiter les subventions accordées au charbon. Fortement réduites jusqu’à représenter moins de 1% du PIB en 2016, les fonds publics qu’elles mobilisaient ont été réaffectés vers des programmes sociaux à même d’améliorer l’empreinte environnementale du pays. Une stratégie audacieuse qui pourrait faire des émules dans la région.
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La communauté internationale reste vigilante
Si le déclin du charbon semble inéxorable (selon l’AIE, la part du charbon au sein du mix énergétique mondial passerait de 41% en 2014 à 36% en 2021), malgré sa mauvaise réputation et les engagements de la communauté internationale en faveur du climat, de nombreux Etats continuent de considérer le charbon comme partie intégrante de leur mix énergétique. Et si les pays asiatiques semblent s’orienter sur une moindre utilisation du minerai dans les prochaines années, l’AIE reste prudente et considère qu’à court terme et dans un souci de réalisme, la communauté internationale doit « trouver les moyens de rendre l’usage du charbon plus durable sur le plan environnemental en veillant à ce que tous les pays qui décident d’utiliser des centrales à charbon ne recourent qu’aux dernières technologies ultra-supercritiques et prévoient des systèmes de captage et stockage de CO2« .
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