En France, EDF exploite 58 réacteurs nucléaires – d’une moyenne d’âge de 31 ans – sous la surveillance de l’ASN, qui représentent 76,3% du mix énergétique national. Pour préserver cet outil industriel et moderniser ses infrastructures, l’électricien a lancé un programme de « grand carénage ». Lors du comité stratégique de la filière nucléaire française, organisé le 19 décembre dernier, le secrétaire d’Etat à l’Industrie, Christophe Sirugue, a rappelé l’importance de préparer l’avenir du parc nucléaire, tant pour des raisons économiques, que sociales ou environnementales.
Centrales nucléaires : des installations propres contrôlées par l’ASN et l’IRSN
En novembre, le Réseau de Transport d’Électricité (RTE) rappellait l’importance de l’atome pour l’hexagone. Sa publication mensuelle indique d’ailleurs que le « déficit de production nucléaire est compensé par la hausse de la production thermique à combustible fossile« . Peu de temps auparavant, 8 réacteurs avaient été arrêtés à la demande de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. L’agence de régulation a souhaité contrôler la « teneur en carbone » de certains générateurs de vapeur [voir schéma ci-contre].
Toutefois, au début du mois de décembre, le directeur général de l’ASN, Olivier Gupta a finalement levé les derniers doutes. Dans une lettre adressé à EDF, il autorise le « redémarrage de chacun des réacteurs concernés« . Suite aux évaluations de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), les experts indépendants estiment qu’en « l’absence de risque de rupture des générateurs de vapeur« , l’exploitation des unités examinées peut se poursuivre. A l’heure actuelle, quelques réacteurs font encore l’objet de la surveillance des autorités administratives.
Néanmoins, selon le directeur du parc nucléaire en exploitation d’EDF, Philippe Sasseigne, « 90% du parc nucléaire [sera] disponible en janvier« . Une annonce qui permet désormais non seulement d’exclure définitivement le risque de coupures d’électricité cet hiver, mais aussi d’envisager la fin du « pic de pollution hivernal le plus intense et le plus long depuis au moins 10 ans« .
Le grand carénage, un investissement stratégique pour la sûreté et l’emploi
Parallèlement à ces vérifications, l’énergéticien continue par ailleurs de mettre en oeuvre « le grand carénage ». Étienne Dutheil qui dirige ce programme de rénovation dans la centrale de Cattenom (Moselle), explique : « le grand carénage, c’est le projet industriel du parc nucléaire français pour permettre à ce parc de fonctionner après 40 ans. Sur la période 2014-2025, c’est 51 milliards d’euros d’investissement« .
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A Cattenom justement, 100 millions d’euros ont déjà été investis au titre de la troisième visite décennale. Pour réaliser cette visite, 115 entreprises, dont deux tiers de sociétés locales sont intervenues sur le centre nucléaire de production électrique (CNPE). Supervisé par Thierry Rosso, le CNPE va poursuivre les opérations de maintenance et de rénovation jusqu’en 2022. En 2017, la tranche n°2 fera l’objet d’une visite partielle, tandis que la tranche n°4 sera arrêtée pour recharger son combustible.
Afin de prolonger la durée de vie la centrale de Chooz, le groupe va aussi investir deux milliards d’euros. Cette unité de production qui fête tout juste ses 20 ans, bénéficiera ainsi des enseignements post-Fukushima. Ce qui confirme d’ailleurs l’affirmation d’Étienne Dutheil : « la sûreté d’une centrale s’améliore avec le temps« . Une bonne nouvelle donc pour cette unité qui, si l’on en croit le spécialiste de l’énergie à L’Usine Nouvelle, Pascal Rémy, assure une production de « 20 milliards de kWh par an, soit 5% de la production annuelle française« .
Bercy dresse le bilan et la feuille de route du nucléaire
Le 19 décembre dernier, Christophe Sirugue a présidé le Comité Stratégique de la Filière Nucléaire (CSFN). Lors de ce rassemblement, le secrétaire d’Etat à l’Industrie a souhaité faire « le point sur l’avancée des différents travaux menés depuis 2013 » mais également sur les différents chantiers à mettre en oeuvre dans le cadre du grand carénage. Sur le site du Conseil National de l’Industrie, le vice président du CSFN, Jean-Bernard Lévy, résume : « les engagements de la filière nucléaire, mis en œuvre depuis 2013, ont permis aux différents groupes de travail d’engager des actions visant à nous renforcer dans le strict respect des règles de sûreté, de concurrence, mais aussi de non-prolifération« .
Autre sujet abordé au cours de cette réunion à Bercy, « l’enjeu critique de la formation et la préservation des compétences » de l’industrie nucléaire. Une question capitale car comme le rappelait le directeur de la communication de la Société Française de l’Energie Nucléaire, Boris Le Ngoc, lors de l’émission Flash Talk diffusée sur La Chaîne Parlementaire, l’atome représente un important bassin d’emplois (environ 220 000 salariés directs et indirects). Enfin, les participants ont ensuite pu assister à « la présentation des axes de la nouvelles feuille de route« .
La réorganisation de la filière nucléaire peut-elle rassurer les écologistes ?
Parmi ces grands axes, la réorganisation du secteur impulsée suite aux déboires financiers d’Areva. En effet, les 2500 entreprises qui participent au rayonnement du nucléaire civil et qui génèrent un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros ont depuis été placées sous l’égide d’EDF. C’est pourquoi, afin de préserver le dynamisme de l’équipe de France du nucléaire, l’Etat actionnaire s’est engagé à recapitaliser l’entreprise publique à hauteur de 4 milliards d’euros. Interrogé à ce sujet lors du point de presse du CSFN, Jean-Bernard Lévy a confirmé que cette opération était « bien à l’ordre du jour« . Selon lui, elle devrait intervenir « au moment de la publication des comptes qui aura lieu au premier trimestre 2017« .
Une décision qui rassurera peut être la finaliste malheureuse à la primaire des écologistes, Michèle Rivasi. En effet, sur Twitter la députée européenne semblait s’inquiéter de la santé financière du nouveau chef de file tricolore. En citant un article de la spécialiste de l’énergie aux Echos, Véronique le Billon, elle affirme que le sauvetage d’Areva risque de pénaliser EDF. Pourtant, l’offre ferme pour l’acquisition de la division Réacteurs d’Areva se monte à 2,5 milliards d’euros. Une opération qui sera donc couverte par la recapitalisation prévue au début de l’année prochaine.
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