Énergie solaire : la fin annoncée des contrats trop avantageux

Le projet de loi de finances pour 2026 ravive les tensions entre l’État et les producteurs d’énergie solaire. En visant une révision rétroactive des anciens contrats photovoltaïques jugés « trop rémunérateurs », le gouvernement Lecornu veut mettre fin aux rentes historiques du secteur, au risque de raviver la défiance des investisseurs.

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Énergie solaire : la fin annoncée des contrats trop avantageux
Énergie solaire : la fin annoncée des contrats trop avantageux | L'EnerGeek

Le gouvernement de Sébastien Lecornu a dévoilé le projet de budget 2026, dans lequel figure une mesure inédite, la révision des tarifs de rachat de l’électricité issue de certaines vieilles centrales photovoltaïques. Cette décision, présentée comme un moyen de garantir la bonne utilisation de l’argent public, provoque un séisme dans le monde de l’énergie solaire. Pour Bercy, il s’agit de corriger des « rémunérations excessives » ; pour les professionnels, d’une remise en cause brutale de la stabilité contractuelle.

Un retour sur les contrats historiques du photovoltaïque

Deux lignes discrètes du projet de loi de finances 2026 (PLF 2026), révélées par Les Echos, évoquent une « révision des tarifs de certains contrats de production photovoltaïque de façon rétroactive ». L’objectif, selon la formulation officielle, est de « mettre un terme à des situations de rémunération excessive ». Cette orientation n’est pas nouvelle. Une tentative similaire avait été introduite dans la loi de finances 2021, avant d’être censurée par le Conseil d’État, faute de notification à la Commission européenne. Les contrats concernés datent pour la plupart de la période 2006-2010, connue sous le nom de dispositifs S6-S10. Ces contrats offraient des tarifs de rachat pouvant atteindre 567 €/MWh, selon Opéra Énergie, bien supérieurs aux niveaux actuels du marché.

Ces centrales, d’une puissance supérieure à 250 kW, représentent environ 436 installations sur les quelque 235 000 existantes en France. En pratique, leur contribution à la production nationale reste marginale, mais leur coût pour l’État demeure élevé au regard du volume d’électricité produit. Ce déséquilibre historique nourrit la volonté du gouvernement Lecornu de réexaminer la situation. Le Premier ministre a d’ailleurs affirmé devant l’Assemblée nationale vouloir « faire en sorte qu’il n’y ait pas de rentes de situation », tout en précisant ne pas remettre en cause la trajectoire nationale de décarbonation. Un discours d’équilibriste entre rigueur budgétaire et soutien à la transition énergétique.

Des économies budgétaires ciblées par Bercy

La réforme s’inscrit dans le cadre plus large d’un budget 2026 centré sur la réduction du déficit, fixé à 4,7 % du PIB d’ici fin 2026. Bercy cherche à « réduire les dépenses tout en finançant des priorités », indique le dossier de presse du ministère publié le 14 octobre 2025. La mesure sur le solaire s’ajoute à d’autres ajustements fiscaux, comme la majoration de l’IFER (Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux). Le texte prévoit de doubler temporairement, pour trois ans, le tarif de cette taxe sur les centrales photovoltaïques installées avant 2021, le portant de 8,51 € à 16,05 € par kilowatt installé, selon PV Magazine France. Cette hausse s’ajoute à la révision des contrats d’achat, renforçant la perception d’un virage budgétaire strict. Lors de la présentation du budget, Sébastien Lecornu a insisté sur la nécessité de « réexaminer la manière dont l’argent public est employé ».

Cette volonté de rationalisation s’appuie sur des calculs réalisés lors des précédentes tentatives. En 2021, l’État estimait pouvoir économiser jusqu’à 4,18 milliards d’euros en réduisant les tarifs des anciens contrats. Mais la situation de 2025 diffère, la crise énergétique de 2022 a profondément modifié les équilibres du secteur, les coûts de production ayant chuté tandis que les technologies se sont modernisées. L’enjeu pour Bercy est désormais autant politique qu’économique, afficher un effort de rigueur sans déstabiliser la transition verte.

Une filière solaire affligée et inquiète

La réaction du secteur ne s’est pas fait attendre. Les professionnels de l’énergie solaire dénoncent un « signal désastreux » envoyé aux investisseurs. Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), déplore que « la tendance à venir modifier par la loi des contrats détruit la confiance des investisseurs », cité par Opéra Énergie. Même tonalité chez Daniel Bour, président d’Enerplan, qui juge que « l’État n’est pas bon joueur, sachant que c’est lui qui avait décidé des tarifs S6-S10 ». Au-delà des réactions, c’est la sécurité juridique du cadre français qui est pointée. Les acteurs redoutent de nouvelles procédures devant le Conseil d’État ou la Commission européenne. Les investissements solaires reposent sur une visibilité de long terme. Si chaque gouvernement modifie les règles, plus personne ne peut planifier.

Les inquiétudes sont d’autant plus vives que la France peine encore à atteindre ses objectifs de développement solaire. Le pays comptait environ 22 GW de capacité installée fin 2024, loin des 35 GW visés pour 2028. Dans ce contexte, l’idée d’un ajustement rétroactif des tarifs risque d’entraver l’attractivité des nouveaux projets. De son côté, le gouvernement se veut rassurant, aucune remise en cause des contrats récents n’est envisagée, et les objectifs climatiques de neutralité carbone à 2050 restent inchangés. Mais la méfiance s’installe. Pour les industriels, cette mesure confirme une tendance : l’énergie solaire est devenue une variable d’ajustement budgétaire, là où elle devait être un pilier de souveraineté énergétique.

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