Elles pèsent 3 500 tonnes. Elles culminent à 135 mètres au-dessus des flots. Trois éoliennes, ancrées à 100 mètres de profondeur, sont entrées en service début juin 2025 au large de Port-de-Bouc. L’événement est passé presque inaperçu. Pourtant, c’est une première en France. Et un basculement silencieux pour l’énergie éolienne
Une éolienne flottante, pourquoi ici ?
À 17 kilomètres des côtes, la ferme baptisée Provence Grand Large marque un virage technique inédit. C’est la première fois qu’en France, une éolienne est maintenue par des flotteurs, sans ancrage fixe dans le sol marin. Objectif : s’affranchir des contraintes de profondeur, notamment en Méditerranée où les fonds atteignent rapidement les 100 mètres. Christine de Jouette, directrice du projet chez EDF Power Solutions, le résume ainsi : « Le flotteur agit comme un pendule inversé. Il stabilise l’éolienne malgré la houle et permet de capter un vent de meilleure qualité, sans obstacle. ». Résultat : une production plus prévisible, moins soumise aux caprices du relief terrestre.
La capacité de production atteint 25 mégawatts. Soit l’équivalent des besoins annuels en électricité d’une ville de 47 000 habitants, comme Martigues. Sur la période de test lancée en novembre 2024, déjà 30 gigawattheures ont été injectés dans le réseau, via un câble sous-marin connecté à la station RTE de Port-Saint-Louis-du-Rhône. Le coût ? 300 millions d’euros. Financés pour un tiers par des subventions (État, Europe, collectivités), un tiers par EDF et ses partenaires, dont le groupe canadien Enbridge, et un tiers par des prêts bancaires.
Un chantier longtemps ralenti
Lancé officiellement après un appel d’offres remporté en 2016, le chantier a traversé dix années de conception, d’obstacles administratifs, de ralentissements par le covid et la guerre en Ukraine. Mais le résultat est là. Trois turbines géantes, prêtes à affronter des vents allant de 9 à 90 km/h. Et une installation conçue pour durer vingt ans, avec une concession réservée pour quarante. Le plus ? L’impact environnemental. Contrairement aux éoliennes classiques, cette version flottante ne nécessite aucun forage sur les fonds marins. Des radars à oiseaux et des systèmes d’effarouchement ont été intégrés, pour limiter les perturbations sur la faune locale, entre Camargue et parc national des Calanques.
EDF Power Solutions voit plus loin. L’entreprise a déjà remporté un second appel d’offres pour un futur parc de 19 éoliennes flottantes, à sept kilomètres du premier, avec une mise en service prévue pour 2031. L’ambition est claire : faire de la façade méditerranéenne un terrain d’expérimentation pour l’éolien flottant à grande échelle. Deux autres projets sont en cours : EolMed, au large de Gruissan, et les Éoliennes flottantes du Golfe du Lion, entre Leucate et Barcarès. Tous partagent un même objectif : contourner la difficulté du socle marin pour aller chercher les vents les plus stables et les plus puissants.