L’Union européenne s’était engagée sur une trajectoire ambitieuse de réduction des émissions de CO₂, avec des objectifs stricts pour les constructeurs automobiles. Pourtant, sous l’effet d’un marché en ralentissement et d’une pression économique croissante, la Commission européenne a décidé d’assouplir ses exigences.
Plutôt qu’un contrôle annuel, les émissions des constructeurs seront évaluées sur une moyenne de trois ans (2025-2027).
Un secteur automobile en difficulté face aux exigences climatiques
Depuis plusieurs années, les constructeurs automobiles doivent adapter leur production aux nouvelles normes de CO₂. Le seuil de 95 grammes de CO₂ par kilomètre fixé en 2024 était déjà un défi, mais il devait être réduit de 15 % en 2025, portant l’objectif à 81 grammes de CO₂ par kilomètre.
Or, la baisse des ventes de voitures électriques complique la tâche des industriels. En 2024, la part des voitures 100 % électriques a chuté à 13,6 % des ventes en Europe, contre 14,6 % en 2023 (source : Acea). Pour respecter les nouvelles normes sans amendes, il faudrait atteindre 22 % en 2025, un objectif jugé quasi impossible dans le contexte actuel.
Face à cette situation, Renault, Stellantis et Volkswagen figuraient parmi les plus exposés aux sanctions financières. Luca de Meo, directeur général de Renault, estimait que les amendes cumulées pourraient atteindre 15 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur.
Un compromis énergétique sous l’influence des États et des industriels
Loin d’être une simple mesure technique, cet assouplissement reflète un enjeu de souveraineté énergétique et industrielle pour l’Europe. Plusieurs facteurs ont influencé cette décision :
- Une dépendance aux batteries chinoises : L’Europe peine à rattraper son retard sur la production de batteries électriques. En 2023, près de 70 % des cellules lithium-ion utilisées en Europe étaient importées de Chine. Sans une capacité de production locale suffisante, forcer l’accélération de la voiture électrique aurait davantage profité aux groupes asiatiques.
- La pression des gouvernements français et allemand : Ces deux pays, où l’industrie automobile représente des centaines de milliers d’emplois, ont exercé une pression forte sur la Commission européenne pour éviter un choc économique trop brutal.
- Une concurrence des groupes chinois : Avec des marques comme BYD et Geely qui proposent des modèles électriques moins chers, les constructeurs européens risquent de perdre du terrain face aux importations.
Dans cette optique, Bruxelles a aussi annoncé un plan de soutien direct aux producteurs européens de batteries, ainsi que l’introduction de nouvelles exigences sur le contenu européen des cellules de batteries et des composants automobiles. Une manière d’assurer que la transition énergétique bénéficie aussi aux industriels du continent.
Quel impact sur la transition énergétique et la consommation d’énergie ?
Si cet assouplissement permet d’éviter une crise industrielle, il interroge sur l’impact global en matière de consommation énergétique et de réduction des émissions. L’ONG Transport & Environment estime que cette réforme pourrait entraîner 50 mégatonnes de CO₂ supplémentaires d’ici 2030, retardant la transition vers des transports moins polluants.
D’un point de vue énergétique, le retard pris dans l’adoption de la voiture électrique signifie également une consommation plus longue des carburants fossiles en Europe. Alors que certains pays, comme la Norvège, ont déjà dépassé les 90 % de ventes de voitures électriques, l’Union européenne peine à généraliser ce modèle.
D’un autre côté, Bruxelles maintient son objectif de fin des ventes de voitures thermiques en 2035, avec une clause de révision prévue en 2026. L’Union européenne parie donc sur un rythme d’électrification plus progressif, combiné à des incitations pour le développement des batteries et des énergies renouvelables.