L’électricité coûtera-t-elle moins cher en pleine journée ? C’est la promesse faite par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), qui a annoncé un élargissement des plages d’heures creuses en journée. Une décision qui pourrait bouleverser les habitudes des 15 millions de foyers bénéficiant de ce dispositif.
Le 2 février 2025, Emmanuelle Wargon, présidente de la CRE, a annoncé une modification du dispositif des heures creuses. Désormais, ces périodes tarifaires avantageuses ne seront plus concentrées uniquement sur la nuit, mais également étendues en journée. Ce changement, qui concernera une grande partie des foyers abonnés à l’option heures pleines/heures creuses, a pour objectif d’équilibrer la consommation d’électricité à l’échelle nationale. Si cette décision semble bénéfique, elle soulève plusieurs interrogations quant à ses répercussions réelles pour les consommateurs.
Les heures creuses : un principe bien rodé pour l’électricité
Le système des heures creuses repose sur un mécanisme simple. Il permet aux consommateurs de bénéficier d’un tarif réduit sur l’électricité durant certaines plages horaires, en contrepartie d’un prix du kWh plus élevé le reste du temps. Ce dispositif a pour but d’encourager les ménages à décaler l’usage de leurs appareils électriques énergivores sur ces plages spécifiques, afin de limiter les pics de consommation.
Aujourd’hui, 60 % des abonnés à cette option bénéficient de huit heures creuses exclusivement la nuit, entre 20 heures et 8 heures du matin. Les 40 % restants disposent quant à eux d’une répartition mixte, avec des heures creuses réparties entre 12 heures et 17 heures, ainsi que durant la nuit.
Cette organisation est déterminée par Enedis, le gestionnaire du réseau électrique français, qui établit ces plages horaires en fonction des capacités locales de distribution. Jusqu’à présent, le principe des heures creuses a permis aux consommateurs les plus organisés d’optimiser leur consommation d’électricité en bénéficiant de tarifs plus avantageux.
Pourquoi introduire des heures creuses en journée ?
D’après Emmanuelle Wargon, l’extension des heures creuses en journée vise à mieux répartir la demande en électricité sur l’ensemble de la journée. Actuellement, les pics de consommation se situent en deux périodes distinctes : le matin entre 7 heures et 9 heures et le soir entre 18 heures et 20 heures. Ces moments de forte demande nécessitent l’activation de moyens de production supplémentaires, souvent coûteux et plus polluants.
En introduisant davantage d’heures creuses en journée, l’objectif est d’inciter les ménages à utiliser leurs équipements énergivores, comme les chauffe-eaux et les voitures électriques, en dehors des plages de forte consommation. La CRE estime que cette nouvelle répartition permettra de réduire la saturation du réseau électrique et d’optimiser son exploitation.
Selon les projections, cette mesure devrait diminuer la consommation en période de pointe d’environ 10 %, ce qui permettrait à terme de stabiliser les coûts de production et d’éviter des augmentations tarifaires excessives.
Quel impact pour les consommateurs ?
La réforme des heures creuses présente plusieurs avantages, notamment une plus grande flexibilité pour les ménages dans l’utilisation de leurs appareils électriques. Ceux qui disposent d’appareils programmables pourront désormais optimiser leur consommation en journée sans attendre la nuit. Une meilleure gestion du réseau pourrait limiter les hausses de tarifs à l’avenir, en réduisant la nécessité d’activer des infrastructures de production plus onéreuses en période de pointe.
Cette réforme ne bénéficiera pas à tous de la même manière. Les consommateurs dont les équipements sont réglés pour fonctionner uniquement la nuit devront adapter leurs habitudes, ce qui ne sera pas toujours possible sans investissement dans du matériel programmable. Si l’élargissement des heures creuses en journée peut être bénéfique pour les ménages consommant beaucoup en dehors des heures pleines, ceux qui ne sont pas en mesure de modifier leur mode de consommation risquent de ne pas voir de véritable réduction sur leur facture.
Selon la CRE, pour que cette réforme soit réellement avantageuse, il faudra que les ménages puissent transférer au moins 30 % de leur consommation sur les nouvelles plages horaires.
Emmanuelle Wargon et la logique derrière cette décision
Emmanuelle Wargon est présidente de la CRE. Son rôle est de réguler les marchés de l’énergie en France et de garantir un équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des fournisseurs d’électricité.
L’annonce de cette réforme intervient dans un contexte particulier, marqué par une baisse moyenne de 15 % des tarifs réglementés de l’électricité à partir du 1ᵉʳ février 2025. Certains observateurs y voient une tentative d’accompagner cette baisse par une modification des habitudes de consommation, en incitant les Français à adapter leur utilisation de l’électricité aux besoins du réseau.
Il est légitime de se demander si cette réforme sert avant tout les intérêts des consommateurs ou si elle vise principalement à soulager les gestionnaires du réseau et les fournisseurs d’énergie.
