Quand les températures chutent et que la demande d’électricité explose, des solutions inattendues peuvent émerger. En Belgique, l’utilisation de réacteurs de Boeing pour alimenter le réseau électrique semble tout droit sortie d’un récit d’anticipation. Pourtant, c’est une réalité. Pourquoi en arrive-t-on là ? Et quelles leçons tirer d’un tel choix énergétique ?
Un recours inhabituel pour éviter le black-out
La Belgique a été contrainte d’activer des réacteurs de Boeing 707 pour produire de l’électricité. Ces turboréacteurs, généralement associés à l’aviation, fonctionnent au kérosène et offrent une capacité de production rapide, bien que coûteuse et fortement polluante. Selon Mattias Detremmerie, cofondateur d’Elindus, ces dispositifs ont été utilisés à plusieurs reprises depuis janvier 2025, notamment lors de la panne du réacteur nucléaire de Tihange 1, le 20 janvier 2025. Avec des prix atteignant jusqu’à 1 000 euros par mégawattheure, la situation montre à quel point le système énergétique belge est sous tension.
La Belgique repose sur un mix énergétique où le nucléaire représente 42,2 % de la production, suivi du gaz (17,6 %), de l’éolien (17,9 %) et du solaire (11,9 %). Toutefois, les énergies renouvelables, tributaires des conditions climatiques, s’avèrent peu fiables en hiver. En parallèle, la loi de 2003 visant à fermer l’ensemble des réacteurs nucléaires d’ici à fin 2025 a déjà conduit à l’arrêt de plusieurs unités. Les capacités des centrales à gaz, pourtant exploitées au maximum, ne suffisent pas à combler la demande lors de pics de consommation.
L’utilisation des réacteurs d’avion devient alors un ultime recours pour éviter une panne généralisée. Cependant, cette solution s’avère peu durable : elle est inefficace sur le plan énergétique, émet de grandes quantités de CO₂ et alourdit la facture énergétique du pays.
Belgique : une transition énergétique en question
Ce recours illustre les limites d’une transition énergétique axée sur la sortie du nucléaire. Si l’objectif est de favoriser les énergies renouvelables, leur intermittence rend indispensable une production de secours fiable. En Allemagne, un phénomène similaire, appelé Dunkelflaute (absence prolongée de vent et de soleil), pousse également le pays à recourir massivement au gaz et au charbon, augmentant considérablement ses émissions de CO₂.
En comparaison, la France, où 70 % de l’électricité est d’origine nucléaire, bénéficie d’une énergie largement décarbonée.
L’expérience belge montre à quel point il est nécessaire d’avoir un équilibre entre ambition écologique et pragmatisme énergétique. Les énergies renouvelables doivent être soutenues par des solutions stables, comme le nucléaire ou des technologies de stockage avancées. Par ailleurs, les gouvernements doivent anticiper les conséquences des décisions à long terme, en tenant compte des besoins réels et des aléas climatiques.
L’utilisation des réacteurs de Boeing, bien que spectaculaire, est un signal d’alarme. Elle rappelle que l’accès à une énergie fiable et abordable ne peut se résumer à des slogans ou des paris sur l’avenir. En Belgique, comme ailleurs, il est urgent de repenser la stratégie énergétique pour éviter de se retrouver, encore une fois, « le dos au mur ».