L’adoption de l’article 7 septies dans le cadre du projet de loi de finances 2025 par le Sénat suscite une vive inquiétude parmi les acteurs industriels. Cette disposition prévoit une nouvelle taxation du gaz naturel utilisé pour produire de l’hydrogène par vaporéformage, un procédé essentiel pour plusieurs secteurs stratégiques comme la chimie et le raffinage. Trois fédérations industrielles, Ufip Énergies et Mobilités, France Chimie et France Gaz, interpellent les pouvoirs publics sur les conséquences potentielles de cette mesure. Quels sont les risques pour ces industries et pour la transition énergétique en France ?
Alors que l’hydrogène est au cœur des stratégies de décarbonation, son principal mode de production reste fortement dépendant du gaz naturel. Ce paradoxe place les industriels dans une situation délicate : investir dans des alternatives coûteuses ou absorber des charges supplémentaires. La nouvelle taxe pourrait intensifier ces dilemmes.
Hydrogène : une taxe sur une production déjà coûteuse
En France, 94 % de l’hydrogène est produit par vaporéformage du gaz naturel, représentant près de 1 million de tonnes par an. Ce procédé, bien qu’émetteur de CO₂ (11,5 Mt par an, soit 3 % des émissions nationales), reste aujourd’hui incontournable pour répondre aux besoins industriels. L’introduction d’une taxe, dans un contexte où les producteurs européens supportent déjà un surcoût de 30 €/MWh en raison des prix du gaz et du marché carbone, accentuerait le désavantage compétitif des entreprises françaises face à leurs concurrents nord-américains.
Cette mesure, qui viserait à encourager la décarbonation, risque paradoxalement de compromettre les investissements nécessaires pour développer des alternatives comme l’électrolyse de l’eau, encore peu mature et insuffisante pour répondre à la demande actuelle.
Les secteurs concernés, notamment la chimie et le raffinage, sont déjà fortement exposés à la concurrence internationale. Ces industries, vitales pour l’économie française, subissent une pression croissante. Par exemple, plusieurs usines d’engrais ont fermé ces dernières années, incapables de répercuter les hausses de coûts sur leurs clients, notamment les agriculteurs. (comme l’usine Yara située à Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, a annoncé en octobre 2023 l’arrêt de sa production d’engrais chimiques, entraînant la suppression de 139 des 171 postes.) Dans le raffinage, des fermetures similaires ont affaibli la capacité nationale de transformation pétrolière.
La mise en place de cette taxe pourrait aggraver la situation, entraînant des pertes d’emplois et une fragilisation de la chaîne de production. En parallèle, les objectifs de neutralité carbone, portés par les contrats de transition écologique signés avec l’État, pourraient être sérieusement compromis.
Une entrave à la transition énergétique ?
Alors que l’hydrogène est présenté comme une solution clé pour décarboner l’industrie et le transport, cette taxation semble en contradiction avec les ambitions climatiques de la France. En freinant les projets d’investissement dans des technologies innovantes comme le captage et le stockage de CO₂, ou la production d’hydrogène bas carbone, la mesure pourrait retarder l’émergence de solutions durables.
De plus, cette taxe pourrait dissuader les industriels de s’engager dans des démarches de transition énergétique coûteuses, mais nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques fixés pour 2050. Selon Ufip Énergies et Mobilités, « rien ne justifie cette taxe qui affaiblit les usines françaises et compromet leur feuille de route de décarbonation ».
Si l’urgence climatique exige des mesures fortes, celles-ci doivent être cohérentes avec les réalités industrielles. Une fiscalité adaptée pourrait encourager les investissements dans des solutions de production d’hydrogène bas carbone, tout en maintenant la compétitivité des entreprises françaises. Plutôt que de pénaliser les industries en difficulté, il semble plus pertinent d’accompagner leur transformation avec des incitations ciblées et des partenariats public-privé.
En conclusion, la taxation du gaz naturel utilisé pour la production d’hydrogène soulève des questions fondamentales sur l’équilibre entre transition écologique et compétitivité économique. Face à ces défis, la concertation entre les pouvoirs publics et les fédérations industrielles sera déterminante pour trouver des solutions adaptées et durables.