Première énergie renouvelable en France, le bois-énergie pourrait être pénalisé par la Commission européenne, qui envisage d’exclure le bois non transformé de sa classification des énergies renouvelables. Au risque de conduire à une paupérisation de la gestion forestière française, ce qui pourrait empêcher de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, alerte les professionnels de la filière et les élus locaux.
L’Union européenne est en train de faire sa mue verte, sinon dans les faits, du moins dans sa réglementation. Le 14 septembre dernier, dans le cadre de la révision de la directive sur les énergies renouvelables (ENR), dite RED III, le Parlement européen a voté en faveur de l’augmentation de la part des ENR dans la consommation d’énergie du Vieux Continent, qui passeraient ainsi de 32 % à 45 % d’ici 2030. Si cette évolution législative a été largement saluée par la classe politique favorable à la lutte contre le changement climatique, certains élus, notamment français, se sont étonnés de l’exclusion du bois non transformé des énergies considérées comme renouvelables.
Ainsi, le sénateur du Gard Laurent Burgoa (Les Républicains) alertait, en octobre dernier, la secrétaire d’Etat auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Laurence Boone, sur ce « paradoxe ». « Si les acteurs de la filière forêt et bois soutiennent pleinement cet objectif, […] il leur semble paradoxal que […] les dispositions votées par le Parlement européen excluent des énergies renouvelables une large majorité du bois-énergie issu de la forêt », estimait-il. Pour rappel, en France, le bois n’est pas récolté pour produire de l’énergie directement, mais pour construire des habitations, des meubles, ou encore des emballages. « La production d’énergie intervient en bout de chaîne, valorisant ainsi les parties de l’arbre qui n’ont pas d’autres débouchés », rappelait Laurent Burgoa. D’où l’intérêt, selon lui, de soutenir la filière bois-énergie (moyennant des aides publiques notamment), filière qui permet, en plus de pallier l’utilisation d’énergies fossiles comme le charbon, d’entretenir une « gestion forestière durable », grâce aux revenus supplémentaires que toucheraient les personnels forestiers.
De leur côté, les acteurs de la filière bois-énergie ont également souligné une avancée paradoxale, tout en soutenant l’objectif du Parlement européen de rehausser à 45 % la part des ENR dans la consommation finale d’énergie en 2030.
« Résilience de nos forêts »
« Sans une mobilisation accrue de bois énergie issu d’un gestion forestière durable, la France sera dans l’incapacité de respecter ses objectifs européens, a fortiori si l’objectif global est rehaussé à 45 % », ont-ils indiqué dans une lettre conjointe signée le 1er février dernier. Une lettre dans laquelle ils ont également souhaité revenir sur le « cadre légal très strict » encadrant les prélèvements de bois en France, « très inférieurs à l’accroissement naturel des forêts », indiquent-ils, comme en témoigne la surface forestière et le volume de bois, qui ont doublé en deux siècles dans l’Hexagone.
Or, les acteurs de la filière bois-forêt rappellent qu’ils ont tout mis en œuvre pour concilier recours au bois énergie (biomasse) et préservation de la forêt, essentielle à la lutte contre le changement climatique – en plus de produire de l’oxygène, elle capte le carbone, responsable, en majeure partie, de la hausse des températures. De concert avec le ministère de l’Agriculture et l’ADEME, un consortium d’acteurs de la filière bois-forêt a par exemple mené une analyse de risque concernant la biomasse, celle-ci s’étant avérée en parfaite conformité avec les exigences de la directive RED II en France.
Politiques comme professionnels, enfin, soutiennent que les propositions du Parlement européen, en l’état, présentent un risque non seulement pour l’économie française, mais aussi pour la bonne gestion du patrimoine forestier tricolore (financé, en grande partie, par le bois énergie). Dans leur lettre conjointe, les acteurs de la filière bois-forêt n’ont d’ailleurs pas manqué de le noter : les travaux législatifs européens, pour l’heure, « plafonnent la biomasse ligneuse dite “primaire” et empêchent l’accès aux aides publiques pour cette source d’énergie ». Ce qui remet en cause directement la bonne gestion de la filière bois-forêt (« première énergie renouvelable en France » rappellent-ils), et, au-delà, la « résilience de nos forêts au changement climatique et aux incendies ».
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