"le nucléaire français a un rôle important dans la poursuite des objectifs climatiques"

Pour la SFEN, “le nucléaire français a un rôle important dans la poursuite des objectifs climatiques”

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Alors que le débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) suit son court, la Société française de l’énergie nucléaire (SFEN) propose un nouvel éclairage sur le système énergétique européen. Pour sa déléguée Générale, Valérie Faudon, la réduction de la part du nucléaire à 50% du mix électrique à l’horizon 2045 permettrait d’optimiser nos infrastructures tout en assurant la sécurité d’approvisionnement du continent…

  • Vous avez publié une note intitulée « le nucléaire français dans le système énergétique européen » ; que faut-il en retenir ?

Notre étude est complémentaire des scénarios RTE et permet de faire le lien avec le plan climat qui fixe l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Nous avons réalisé ce travail avec le Professeur Pantélis Capros de l’Université d’Athènes, qui travaille depuis plusieurs années avec la Commission européenne. Nous lui avons demandé d’étudier plusieurs variantes des scénarios retenus par Bruxelles.

Trois dimensions sont intégrées dans cette étude. D’abord nous avons souhaité que l’analyse se place à l’échelle européenne. Le développement des interconnexions et les engagements européens sur la scène internationale, la France doit prendre en compte les choix de ses voisins. Par ailleurs nous avons souhaité que le modèle porte sur l’ensemble du secteur énergétique et pas seulement, comme c’est souvent le cas, sur la production d’électricité. Enfin, nous avons souhaité nous placer dans une perspective de long terme, avec l’objectif d’être en cohérence avec la trajectoire de la Stratégie Nationale Bas Carbone, qui court jusqu’à 2050, et l’Accord de Paris (2100).

Par cette démarche, nous cherchons à optimiser la transition énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre à moindre coût. A ce titre, le modèle de Capros nous démontre, chiffres à l’appui, qu’il revient moins cher de reporter la réduction de la part du nucléaire, plutôt que de construire de nouveaux moyens de production, quels qu’ils soient ! Nous ne faisons pas de recommandation sur la date mais nous constatons simplement que dans le modèle tel qu’il est aujourd’hui, plus on prolonge l’exploitation des centrales nucléaires, moins il est cher de produire de l’électricité décarbonée.

  • Le renouvellement du parc nucléaire que vous envisagez à partir de 2030 pourrait concerner combien d’unités ?

Dans toutes les projections EUCO30 réalisées par la Commission européenne, la part du nucléaire reste comprise entre 34 à 46 GW en 2050. Même si de notre point de vue cette part du nucléaire est somme toute relativement modeste au regard des capacités déjà installées, le parc nucléaire français conserve donc un rôle particulièrement important dans la poursuite des objectifs climatiques.

Le renouvèlement du parc devrait commencer à partir de 2030, comme nous l’avions expliqué dans notre précédente note « Les coûts de production du nouveau nucléaire français ».

Dans ce document, nous revenons de surcroît sur la nécessité de lisser les investissements dans le temps afin de construire les nouvelles installations de la manière la moins coûteuse possible. Pour cela, nous devons impérativement capitaliser sur la montée en compétences de la filière nucléaire française permise par le déploiement des premiers EPR. Pour une mise en service des premières unités en 2030, il est nécessaire de décider d’investir avant 2020. Il est selon nous indispensable que le gouvernement lance un groupe de travail, à la fois pour réfléchir sur l’organisation du programme industriel capable de réaliser an minimum de trois paires et surtout sur son cadencement, afin de conserver un socle stratégique d’énergie pilotable qui garantira la sécurité d’approvisionnement au-delà de 2050.

  • Quelle différence existe-t-il entre le coût de financement et le coût d’investissement ?

Le coût du nucléaire de troisième génération repose sur deux facteurs : le coût d’investissement et le coût du financement.

Le coût d’un réacteur nucléaire est largement dominé par les dépenses d’investissement dans la phase de construction qui, en fonction du taux d’actualisation retenu, représentent entre 50 et 75 % du coût total de production de l’électricité sur la durée d’exploitation de l’installation.

La question du financement est également centrale comme le montre l’extrême sensibilité des coûts de production à la façon dont le projet est financé. La Cour des comptes anglaise parvient à une conclusion assez impressionnante : le coût de l’électricité varie du simple au double en fonction du taux d’actualisation.

Compte-tenu du caractère stratégique que représentent les centrales nucléaires et de la nécessité de préserver un socle nucléaire à l’horizon 2050, l’Etat doit engager une réflexion sur leur structure de financement à l’instar de ce qui est mené pour les grands chantiers d’infrastructure (Grand Paris ou le tunnel sous la Manche). Un facteur clé consistera à optimiser la répartition des rôles entre les pouvoirs publics commanditaires et les acteurs industriels qui seraient chargés d’en exécuter la réalisation. C’est pourquoi, nous espérons que le gouvernement puisse prochainement se saisir du sujet, lance une réflexion, avec par exemple un groupe de travail qui aurait pour but d’anticiper ces sujets.

  • Pour le coût du nouveau nucléaire français vous évoquez réduction de 30 %, pouvez-vous nous indiquer comment les industriels arriveront à optimiser la construction des EPR ?

Pour avancer ce chiffre, nous avons distingué deux effets. Premièrement, les effets de série et effets d’apprentissage.

Les effets de série permettent d’amortir les coûts fixes sur un grand nombre d’unités. Pour une paire localisée sur un même site, d’importants gains peuvent être obtenus en réalisant les études une seule fois et en optimisant le plan de charges des équipes.  Ainsi, lorsqu’il faut attendre l’accord de l’ASN pour aller à l’étape d’après sur l’une des unités, les équipes peuvent travailler sur l’autre unité. En prévoyant de construire plusieurs unités, la supply chain dispose également de la visibilité nécessaire pour planifier les investissements dans leur usine, gérer les embauches et optimiser leurs coûts de production. Ces gains de productivité peuvent ensuite être répercuté sur leur prix de vente.

Les effets d’apprentissage ont un caractère plus technique. A ce titre, les ingénieurs d’EDF ont soumis à l’ASN des optimisations pour le design de l’EPR, permettant de réduire les coûts de construction tout en gardant le plus haut niveau de sûreté. Ces améliorations proviennent du retour d’expérience des chantiers d’Olkiluoto 3 (Finlande), de Flamanville 3 (Manche) et des deux unités EPR en construction en Chine.

Parallèlement, il y a aussi des sujets d’innovation, avec la mise en place de l’ingénierie système. Ce sont les fameux logiciels de PLM (Product/Plant Life Cycle Management) qui permettent à différentes équipes d’un même chantier de partager l’ensemble des informations nécessaires à l’avancée des travaux. Utilisé dans l’aéronautique et l’automobile, le PLM permet de fiabiliser les chantiers. La transformation numérique est un enjeu majeur de la filière nucléaire. Pour que la France se positionne comme un leader sur ce nouveau marché, nous organisons à Paris, du 25 et 26 juin 2018, la première conférence sur ce thème : INDEX (International Nuclear Digital Experience).

  • Le parlement européen a entériné mardi 17 avril 2018 le programme de répartition des efforts de réduction d’émissions de CO2 entre les pays de l’UE jusqu’en 2030. La France fait partie des pays les plus sollicités après le Danemark, la Finlande et l’Allemagne. Si l’on prend en compte votre notion de “dimension européenne”, par quoi faudrait-il commencer ?

Depuis plusieurs années, nous prévenons que le rééquilibrage du mix électrique ne permet pas de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Or, l’électricité est un levier essentiel permettant de décarboner l’ensemble du mix énergétique. Contrairement à une idée reçue, développer l’efficacité énergétique s’accompagne d’une hausse de la consommation d’électricité, en électrifiant de nouveaux usages dans le bâtiment et les transports.

  • Pour Chantal Jouanno, la nouvelle présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), “le débat de la PPE doit donner un éclairage au décideur sur une immensité de sujets essentiels liés à l’énergie”. Le nucléaire restant pour vous essentiel dans le mix énergétique français voire européen, êtes-vous optimiste quant au fait d’être entendue et suivie pendant ce débat ?

Si nous sommes sincères sur l’enjeu climatique, il est nécessaire que le débat sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie porte en priorité sur les secteurs responsables des émissions de gaz à effet de serre : le transport et l’habitat. Nous sommes surpris que l’électricité, à 94 % décarbonée, occupe autant de place et qu’il n’y ait encore aucun atelier de controverse d’organisé sur les énergies fossiles, lesquelles représentent 70 % de notre consommation énergétique.

Rédigé par : Valérie Faudon

Valérie Faudon
Déléguée générale de la Société Française d'Énergie Nucléaire (SFEN). Ingénieure de formation, diplômée de l’Ecole Polytechnique et de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, Valérie Faudon a développé ses compétences à Sciences Po et obtenu un Master of Science de l'Université de Stanford, en Californie. Au niveau professionnel, elle a d’abord commencé à travailler dans l’informatique chez Hewlett Packard et Alcatel-Lucent, avant de rejoindre le nucléaire en 2009, d’abord chez AREVA en tant que directrice marketing, puis à la SFEN en tant que déléguée générale.
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COMMENTAIRES

  • Ce documentaire mal fait,scandaleusement à charge et de la pire mauvaise foi,contre le nucléaire français,sur “France 5″ diffusé le 30/5 et intitulé :« Nucléaire, l’impasse française »est une honte pour le service publique français. C’est surtout la preuve d’un véritable et scandaleux noyautage par les associations antinucléaire, de la télévision publique française.Des faux”lanceurs d’alertes” et vrais diffuseurs de fakes news régissent certaines chaînes du service publique. A voir cela,on pourrait vraiment penser qu’ Arte et France 5 sont la même chaîne.Mais que fait donc le CSA ? Indifférence ou sourde complicité ? EDF devrait porter plainte devant le CSA contre ces pseudo documentaires à charge,particulièrement mensongers et honteux pour obtenir un vrai droit de réponse avec des gens très compétents pour répondre à tous ces enfumeurs qui noyautent inadmissiblement le service publique télévisé, d’une manière absolument antidémocratique.

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