Barbara Romagnan, députée (SRC) du Doubs et Julien Aubert (LR), député du Vaucluse, respectivement rapporteure et président de la mission d’information relative à la faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires de base, ont présenté, le 1 février dernier, un rapport selon lequel le démantèlement des centrales nucléaires françaises sera plus long, difficile et coûteux qu’anticipé par EDF. Un rapport qui surprend alors que le démantèlement est un processus étroitement supervisé par l’Etat.
Après la commission européenne et Green-peace, c’est au tour du parlement français de rendre son avis sur l’épineuse question du démantèlement nucléaire. Pour éclairer sa lanterne, la représentation nationale a mis sur pied une mission parlementaire chargée d’instruire deux questions-clés : la France est-elle bien outillée pour déconstruire ses installations nucléaires ; les moyens financiers mis de côté à cet effet sont-ils suffisants ? Si ces questions paraissent simples et de bon sens, les réponses ne le sont pas. Au bout de 70 auditions d’experts français et internationaux, la mission conclut à une probable sous-estimation des provisions et juge le savoir-faire technique insuffisamment éprouvé. Bref, les parlementaires doutent et demandent aux exploitants nucléaires de mettre en place des gardes-fous supplémentaires, notamment au regard des pratiques internationales.
Comparaison n’est pas raison
Moyennant des calculs savants, la mission entend démontrer que les principaux pays nucléarisés évaluent le démantèlement de leurs installations plus cher que les acteurs français avec, en tête, EDF. L’exploitant nucléaire tricolore appelle à considérer les comparaisons internationales avec la plus grande prudence, tant les variables de l’équation diffèrent selon les pays. Les arguments fusent : certaines technologies sont plus difficiles à démanteler que d’autre (comme les réacteurs à eau pressurisés d’EDF), les Allemands provisionneraient, pour chaque réacteur, la construction d’un bâtiment pour recueillir le combustible usé alors qu’en France, cet entreposage est centralisé à la Hague, etc. Mais par-dessus tout, ce qui permettrait à EDF de réaliser des économies substantielles, c’est l’homogénéité de son parc nucléaire et l’effet d’apprentissage qui en découle. De réacteur en réacteur, les chantiers coûteraient moins cher et avanceraient plus vite. L’expérience américaine semble en effet confirmer ce scénario. Pourtant, d’après le rapport, l’argent finirait quand-même par manquer, car EDF aurait sur-estimé les économies d’échelle.
Qui croire ? Refusant à entrer dans la bataille des chiffres, EDF mise sur la force des preuves : l’entreprise déconstruit aujourd’hui 9 réacteurs dont un identique aux 58 actuellement en exploitation (Chooz A dans les Ardennes). Le démantèlement de ce dernier toucherait à sa fin, sans avoir dérivé en terme de planning, ni en terme de budget. Voilà qui, selon EDF, est plutôt de bon augure.
Des provisions bien surveillées
Dans un communiqué du 1er février dernier, EDF ne prend pas position pas rapport aux calculs de la mission parlementaire. L’entreprise assure cependant qu’elle n’est pas juge et partie dans le procès des provisions. En effet, la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs met en place un mécanisme requérant un suivi régulier et un contrôle strict des montants provisionnés par EDF. Régulièrement actualisés, ces montants doivent tenir compte des évolutions technologiques et des retours d’expérience. La robustesse de la méthodologie employée par l’exploitant pour estimer les provisions a été confirmée par la Cour des Comptes en 2012. Quant aux sommes provisionnées, elles seraient suffisantes d’après l’audit réalisé en 2015 par la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) à la demande du ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer. Bref, les instances d’Etat chargées de veiller au respect de l’intérêt général ne s’alarment pas du coût du démantèlement.
Suite au prochain épisode
Le démantèlement nucléaire n’a pas fini de susciter des débats passionnés. Rappelons qu’en décembre dernier, EDF a déposé plainte contre Green-peace, commanditaire du rapport Alpha-Value, une des sources citées par la mission parlementaire. De même, plusieurs « omissions comptables » dénoncées par la mission ont déjà été prises en compte dans la dernière actualisation des provisions pour le démantèlement d’EDF. Cette actualisation sera connue le 14 février, date de la présentation des résultats annuels du groupe. Le rendez-vous est pris.
Crédits photo : @EDF – DIDIER MARC
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