Nucléaire : le coût du projet d’enfouissement des déchets à Bure s’envole

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Nucléaire : le coût du projet d’enfouissement des déchets à Bure s’envole | L'EnerGeek

L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a annoncé, le 12 mai, une forte hausse du coût du projet Cigéo, le futur site d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, dans la Meuse. Ce projet, prévu pour stocker sous terre les déchets les plus dangereux du parc nucléaire français, pourrait désormais coûter jusqu’à 45 milliards d’euros, bien plus que les 25 milliards initialement estimés. Une décision officielle sur ce budget est attendue d’ici fin 2025, alors que les premiers déchets ne seront enfouis qu’à partir de 2050.

Coût nucléaire : quand les déchets deviennent un gouffre financier

En 2016, l’État fixait à 25 milliards d’euros la facture du projet Cigéo, une somme déjà vertigineuse. En 2025, le sol s’est dérobé sous ce plancher. Selon l’Andra, « aux conditions économiques de fin 2023 », le coût réel du projet pourrait osciller entre 33 et 45 milliards d’euros, une hausse de 21 à 26 %. Et encore, ces estimations sont faites en euros de 2012, ce qui repousse d’autant la clarté sur le budget final. « Il n’y a pas de chiffre unique car l’exercice que nous avons mené est inédit par sa durée de 150 ans, par sa surface de 665 hectares au sol et 250 kilomètres de galeries souterraines, et par ses caractéristiques », a précisé Gaëlle Saquet, secrétaire générale et directrice par intérim de l’Andra dans Les Échos.

Ce chantier de longue haleine, 150 ans, 83 000 m³ de déchets, n’a pas d’équivalent sur sol argileux, contrairement aux projets suédois ou finlandais. À cela s’ajoutent les effets d’une fiscalité fluctuante : le niveau d’impôts et de taxes appliqué pourrait faire varier l’enveloppe globale de plus ou moins 7,4 milliards d’euros. Et ce n’est qu’un début, les dépenses principales sont attendues durant les 120 années d’exploitation du site, dont la fermeture n’est pas prévue avant 2170.

Qui paiera pour enfouir les déchets nucléaires ?

Qui paiera ? Les grandes entités responsables de la génération des déchets nucléaires, EDF, Orano (ex-Areva) et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), porteront seules cette charge. Un choix conforme au principe du pollueur-payeur, certes, mais qui renvoie indirectement à l’État puisque ces acteurs sont majoritairement publics. Dans les faits, l’État français a imposé par décret en 2016 une estimation de 25 milliards, mais cette « référence budgétaire » semble aujourd’hui hors-sol face à la réalité.

Pour s’en rapprocher, l’Andra affirme, dans des propos partagés par Le Parisien, avoir identifié 7,4 milliards d’euros d’économies, notamment par « l’allongement des alvéoles de stockage, une plus grande densité des colis ou l’utilisation de matériaux moins coûteux ». Des « optimisations », à condition que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) les valide. La première tranche de construction, entre 7,9 et 9,6 milliards d’euros, ne représentera que 25 à 30 % du coût total, le reste étant étalé sur plus d’un siècle de surveillance, de maintenance et de gestion des risques.

Un calendrier incertain et des décisions encore à venir

Le nouvel « arrêté coût » du ministère de l’Énergie est attendu d’ici fin 2025, après avis de l’ASN et des principaux producteurs de déchets. Cette décision conditionnera la poursuite du projet jusqu’à une future réévaluation. En parallèle, le calendrier du chantier reste mouvant : la demande d’autorisation de création déposée en janvier 2023 pourrait n’être validée qu’en 2027 ou 2028, tandis que la descente des premiers colis est désormais prévue vers 2050. Les travaux préparatoires sont en cours, mais les tensions politiques ne faiblissent pas.

Les opposants dénoncent un projet « démesuré et dangereux », tandis que les défenseurs invoquent la nécessité d’une solution pérenne face aux stocks de déchets hautement radioactifs à vie longue. Sur les 83 000 m³ prévus, la moitié ont déjà été produits, et les futures relances du nucléaire, notamment via les réacteurs EPR2, risquent d’alourdir encore la donne. Un autre paramètre vient brouiller les cartes : la question de la réversibilité du stockage. Peut-on garantir qu’un site de cette ampleur restera accessible, contrôlable, ou même compréhensible pour les générations futures ? L’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) a récemment alerté sur le dimensionnement incertain du site face aux orientations énergétiques nouvelles du gouvernement.

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