Aujourd’hui, la France se retrouve face à une situation assez paradoxale dans le domaine de l’électricité, marquée par une surproduction énergétique. Alors qu’en 2022, la crise énergétique incitait à consommer avec modération, l’année 2023 a apporté son lot de surproduction. Même si ce surplus peut sembler plutôt intéressant de prime abord, il crée un décalage entre ce qui est produit et ce qui est consommé, compliquant la tâche du Réseau de Transport d’Électricité (RTE).
Une situation de surproduction électrique
Le RTE, filiale d’EDF, a la mission de maintenir l’équilibre entre production et consommation dans toute la France. Aujourd’hui, le défi se complique à cause d’une production d’électricité qui dépasse largement les besoins. En 2022, le pays a généré 539 térawattheures d’électricité, dont 89 térawattheures ont été exportés. En 2024, ce chiffre est passé à 88,3 térawattheures exportés.
Ce surplus s’explique par plusieurs raisons. D’une part, la production via les panneaux solaires a connu une nette progression, avec un pic constaté entre midi et 16h au printemps (lorsque le soleil est au zénith). D’autre part, les éoliennes poursuivent leur développement, tandis que les centrales nucléaires reviennent presque à leur niveau habituel de production. L’ensemble des énergies renouvelables affiche ainsi une forte croissance.
Les défis techniques et économiques
Les retombées de cette surproduction ne sont pas négligeables. Le RTE doit régulièrement mettre en place des manœuvres onéreuses pour préserver l’équilibre du réseau. Quand les producteurs et fournisseurs d’électricité – connus respectivement comme « responsables de programmation » et « responsables d’équilibres » – ne fournissent pas de prévisions fiables, le RTE se voit obligé d’imposer des arrêts de production aux exploitants, qui doivent ensuite être indemnisés à un tarif élevé.
Sans prévisions solides, ces coûts finissent souvent par retomber sur les consommateurs, exacerbant la précarité énergétique. D’ailleurs, la Commission de régulation de l’énergie estime que la surproduction a engendré des pertes d’environ 80 millions d’euros l’an passé. Par ailleurs, lorsque l’offre dépasse largement la consommation, les tarifs de l’électricité se retrouvent en zone négative.
Cela dit, cette situation ouvre aussi des perspectives financières, puisque l’exportation d’électricité a généré une rentrée de 5 milliards d’euros en 2022.
Des pistes pour rééquilibrer la situation
Pour gérer ces déséquilibres fréquents et imprévus, le RTE et d’autres acteurs du secteur étudient plusieurs solutions. Parmi celles-ci, une réforme des heures pleines et creuses est envisagée afin de repousser les périodes creuses vers l’après-midi, en phase avec le pic de production des énergies renouvelables.
De plus, une loi qui pourrait obliger les producteurs à réduire leur production en cas de besoin est sur le point d’entrer en vigueur. D’ailleurs, depuis début mars, le RTE a déjà dû limiter la production des énergies renouvelables en arrêtant certaines éoliennes à 13 reprises.
Géry Lecerf, président de l’Afieg (Association française indépendante de l’électricité et du gaz), explique néanmoins que de nombreux parcs ne peuvent pas se mettre en pause lorsque les prix deviennent négatifs, faute de dispositifs adéquats. Il précise que « la capacité d’une grande partie des parcs à s’arrêter pendant ces épisodes reste faible ».